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Rappel à la Chine et la Russie : Aucun nouvel ordre mondial ne pourra émerger sans régler la question palestinienne

The New Paths, Oil on Canvas, Jean-Pierre Civade, 2022.

Chefs de file de la marche vers un nouvel ordre mondial fondé sur la multipolarité et le respect du droit international, la Chine et la Russie n’ont pas manqué de condamner les crimes israélo-américains à Gaza.

Force est toutefois de constater que ces condamnations sont insuffisantes dans un contexte où les peuples du monde assistent, atterrés, au déploiement d’un sadisme israélo-américain débridé, qui vise à oblitérer la lutte du peuple palestinien – et, à travers lui, de tous les peuples qui aspirent à se libérer du joug impérialiste américain.

Dans ces conditions, les timides réactions chinoise et russe ne semblent pas à la hauteur de la répulsion planétaire que suscitent les abominations qui nous parviennent de Gaza.

Les enjeux sont de taille pour Pékin et Moscou

Depuis le début de l’invasion israélienne de Gaza, le 8 octobre 2023, la Chine et la Russie s’en remettent au droit international. En dehors de quelques initiatives diplomatiques visant à favoriser l’unité de vues entre les différentes composantes palestiniennes ou les pays de la région, Pékin et Moscou ont limité leurs actions au cadre des Nations Unies – montrant, par ce biais, leur attachement à la légalité internationale. Pékin et Moscou endossent donc, indirectement, les poursuites engagées par l’Afrique du Sud contre Israël – c’est-à-dire, par ricochet, contre les parrains occidentaux des crimes d’Israël – auprès de la Cour internationale de justice (CIJ), dont les compétences relèvent de l’ONU.

Le fait que la Chine et la Russie ne se soient pas officiellement associées aux poursuites sud-africaines contre Israël permet toutefois de tirer des conclusions quant aux arrière-pensées de ces deux grandes puissances.

Logiquement, la Chine et la Russie ont perdu foi dans les juridictions internationales, lesquelles n’ont jamais compromis les intérêts des Occidentaux, et ce en dépit des mille et une transgressions par ceux-ci du droit international et humanitaire. Yougoslavie, Irak, Afghanistan, Syrie, Libye... Les exemples sont légion. En se tenant à l’écart des procédures légales engagées contre Israël, tout en les approuvant, Pékin et Moscou consacrent les fissures de l’ordre mondial en vigueur, dans lequel toutes les décisions, y compris celles émanant de la CIJ, sont tributaires du Conseil de sécurité de l’ONU, donc du veto américain.

Les deux puissances s’érigent ainsi comme des arbitres, non pas des poursuites engagées contre Israël – tâche qui incombe à la CIJ –, mais du système unipolaire qui prévaut depuis la seconde guerre mondiale, et notamment depuis la fin de la guerre froide. Cette posture en retrait permet à la Chine et à la Russie de pointer d’autant plus les dysfonctionnements des juridictions internationales, mais aussi d’insister sur la nécessité de bâtir un ordre mondial plus juste, qui mette un terme à l’impunité dont jouit la minorité occidentale au détriment de l’écrasante majorité mondiale.

La décision de Pékin et Moscou de ne pas se joindre officiellement aux démarches de Prétoria reflète aussi un souci de ménager les susceptibilités de Washington. En ne rompant pas les échanges commerciaux, économiques et diplomatiques avec Israël, Pékin aussi bien que Moscou veillent à éviter une désintégration trop abrupte de l’empire américain, et donc à prévenir une guerre frontale avec Washington. Dans un contexte où l’influence des Etats-Unis au Moyen-Orient, en Afrique et en Amérique latine s’amenuise, et où l’on assiste à la consolidation de l’axe eurasiatique, la Chine et la Russie veulent éviter d’arracher trop brutalement des mains de Washington l’entité qui fut, avec le dollar américain, son principal outil de domination sur le monde : Israël.

L’agenda inavouable de l’Occident collectif

L’Occident collectif cherche, pour sa part, à imposer une autre lecture des événements. Face à l’affolement planétaire suscité par les souffrances insoutenables des Palestiniens, il est devenu coutumier d’entendre dénoncer, dans les médias occidentaux, le refus du Premier ministre israélien de se plier aux règles du droit international. Comme si l’individu Netanyahou était, à lui seul, plus puissant que tous les Etats du monde réunis, et que le monde entier était à la merci de cet homme – qui plus est, dépeint comme fou et armé jusqu’aux dents.

Ces machinations médiatiques occidentales sont un moyen commode de dédouaner les sponsors d’Israël auprès de l’opinion publique mondiale, et de ne pas fermer la porte à de futures négociations entre Washington, Pékin et Moscou.

D’abord, ces déclarations anti-Netanyahou, qui pullulent dans les médias occidentaux, traduisent une distorsion des faits et de l’histoire. Il suffit de se reporter aux archives de l’ONU pour se rendre compte que le piétinement du droit international par Israël est loin d’être une nouveauté. Grâce aux protecteurs occidentaux d’Israël, les dizaines de résolutions onusiennes condamnant cet Etat, au-dessus de la loi depuis sa création, sont restées lettre morte. Il n’est d’ailleurs pas sans intérêt de rappeler que l’Etat d’Israël et l’ONU – organe qui est à l’origine de la création d’Israël – ont presque le même âge. Cela en dit long sur la crédibilité de cette organisation, dont les membres ont laissé dégénérer en colonialisme et en politique de remplacement la situation inextricable qu’ils ont créée – au moment même, faut-il le rappeler, où naissaient dans le monde les mouvements de décolonisation.

Aujourd’hui, soixante-seize ans plus tard, au vu des ambitions américano-israéliennes dans la région du Moyen-Orient, il est légitime de se demander si l’invasion israélienne de Gaza n’était pas davantage qu’une simple conséquence du 7 octobre.

Le 29 septembre 2023, soit une semaine avant l’opération Déluge d’al-Aqsa, le conseiller américain à la sécurité nationale, Jake Sullivan, se félicitait de ce que la région du Moyen-Orient n’avait jamais connu une telle accalmie depuis deux décennies. Trois jours plus tôt, pourtant, le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA) signalait dans un rapport que « Depuis le début de l’année 2023, les forces israéliennes ont tué 181 Palestiniens en Cisjordanie ou en Israël, ce qui dépasse le nombre annuel de victimes des forces israéliennes en Cisjordanie depuis 2005. » Les paroles kafkaïennes de Jake Sullivan, étaient-elles donc un écran de fumée, du bluff ? Le nettoyage ethnique en cours à Gaza, était-il totalement improvisé, ou bien s’agissait-il pour les Etats-Unis et leur allié israélien de dissimuler le déchaînement d’horreurs à venir, afin de surprendre leurs adversaires ?

Un mois plus tard, lors de son voyage en Israël pour appuyer Netanyahou, le président français avait suggéré de mobiliser la coalition internationale déjà en place contre l’Etat islamique pour lutter également contre le Hamas. Certes, cette suggestion fut aussitôt écartée par l’entourage de Macron, mais il n’en demeure pas moins qu’elle a été exprimée publiquement. Quel était l’objectif ? Menacer les membres de l’Axe de résistance d’une prolifération du terrorisme dans la région du Moyen-Orient, à moins qu’ils se tiennent à l’écart des opérations israélo-occidentales contre Gaza ? Si tel était l’objectif, alors les menaces de Macron n’ont pas porté leur fruit, comme le prouve l’implication d’Ansar Allah, du Hezbollah, et des autres factions régionales de l’Axe de résistance dans la défense des Palestiniens.

Pékin et Moscou ont-ils pris la mesure du drame palestinien ?

En faisant des déclarations sans cesse contradictoires, et en fixant des objectifs de guerre irréalisables, les Etats-Unis et Israël révèlent leur intention de poursuivre le nettoyage ethnique à Gaza.

Les déclarations contradictoires de l’administration américaine révèlent, certes, l’embarras de la Maison Blanche face à l’opinion mondiale, mais surtout l’ambiguïté stratégique de Washington face à ses rivaux géopolitiques. Les Etats-Unis prétendent se soucier de la vie des Palestiniens, mais continuent de fournir à Israël des armes et une protection diplomatique et médiatique. Ils refusent d’autoriser une incursion israélienne à Rafah, mais autorisent les carnages lorsque l’incursion a lieu. Ils dépeignent Netanyahou comme un fou incontrôlable, mais menacent les juridictions internationales qui daigneraient l’inculper. Ils ont comme objectif de guerre de détruire le Hamas, mais mènent des négociations avec ce même Hamas. Ils proposent un plan d’après-guerre avec les Palestiniens, mais veulent choisir eux-mêmes leurs interlocuteurs.

En parallèle, Israël et son allié américain se sont fixés des objectifs de guerre irréalisables : sans libération des otages israéliens, il n’y aura pas de cessez-le-feu à Gaza. Cela signifie-t-il que si les otages israéliens ne sont pas libérés, Israël pourra exterminer toute la population palestinienne ? N’y a-t-il jamais eu de prises d’otages dans le monde, et pour des raisons bien moindres qu’une résistance nationale à une occupation militaire ? La France, par exemple, dont des citoyens ont été enlevés au Liban, en Colombie et ailleurs, a-t-elle détruit 80% des pays concernés, déplacé 90% de leur population, massacré leurs civils par dizaines de milliers, affamé leurs habitants et détruit leurs hôpitaux, leurs écoles et leurs lieux de culte, pour récupérer ses otages ? Bien entendu, l’Algérie française est exclue de cet exemple.

Il existe aussi une autre antienne, selon laquelle les Israéliens n’auraient pas d’interlocuteur palestinien pour faire la paix. Arrêtons-nous un instant à Abu Ghraib, à Guantanamo ou à Sde Teiman : si les captifs de ces centres de torture devaient se choisir un représentant, éliraient-ils le codétenu qui va amplifier leur asservissement, ou celui qui est susceptible de briser leur cachot ? Manifestement, les Israéliens n’ont jamais médité les mots de Mahmoud Darwich, qui constatait avec ironie que l’occupant s’étonne de ne pas être aimé par ceux qui vivent sous son joug.

Quant à la perspective d’appliquer enfin le droit international et de reconnaître l’Etat palestinien, elle a de nouveau été rejetée par Israël, les Etats-Unis et une partie de l’UE, qui lui préfèrent des « négociations directes entre les parties ». Les Palestiniens sont donc invités à négocier les 20% restants de leur terre ancestrale, directement avec l’occupant – qui poursuit, entre-temps, la colonisation de la Cisjordanie. L’Algérie a-t-elle négocié les contours de sa souveraineté avec le pouvoir colonial français ? Haïti l’a fait : mais son territoire et son peuple sont-ils plus libres pour autant ? Prôner le retour au « processus de paix » pour les Palestiniens sous l’égide des Etats-Unis, commanditaire du nettoyage ethnique de Gaza, revient en définitive à prôner le maintien de l’hégémonie américaine, et à entériner la mort du droit international.

Face à ces développements iniques, les actions sino-russes dans l’enceinte de l’ONU s’apparentent à des tâches administratives et paraissent dérisoires. Les déclarations sporadiques des représentants chinois et russes en faveur de la création d’un Etat palestinien, du respect des résolutions de l’ONU et du droit des Palestiniens à la lutte armée, n’ont pas de prise sur le drame palestinien.

Or, le monde multipolaire que la Chine et la Russie façonnent en compagnie de leurs partenaires du Sud global ne tiendra pas s’il prend appui sur les fondations chancelantes du passé. Il faut garder à l’esprit que, quel que soit le nouvel ordre mondial à venir, Gaza et le drame palestinien en constitueront le centre névralgique. En outre, si la Chine et la Russie – et d’autres puissances émergentes, telles que l’Inde – ne se montrent pas plus inventives dans le règlement de la question palestinienne, les époques futures risquent de leur reprocher leur passivité face à cet effroyable nettoyage ethnique qui défile sous nos yeux – et qui est, ne l’oublions pas, une réplique de la politique de remplacement ayant donné naissance aux Etats-Unis d’Amérique.

Lama El Horr
6 juin, 2024

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