L’économie est l’activité humaine qui consiste en la production, la distribution, l’échange et la consommation des biens et services.
L’économie capitaliste est un cas particulier mais, historiquement, un épanouissement, de l’économie marchande.
L’économie marchande est le régime des rapports entre les hommes dans lequel ils échangent des marchandises.
Les marchandises qu’ils échangent sont des choses qui leur sont utiles et qu’ils ont obtenues par leur travail.
Les échanges ont lieu sur le marché. C’est l’échange des marchandises qui définit le marché. L’échange entraîne l’existence du marché.
Le marché est donc le lieu où les marchandises comparent leurs valeurs. On verra quelques ligne plus bas ce que ce mot signifie, mais elles ne le font pas directement.
Cette comparaison s’opère par l’intermédiaire de leur prix évalué grâce à l’existence de la monnaie.
Cet intermédiaire, la monnaie, qui diffère l’échange, dissimule le fait qu’en dernière analyse ce sont les choses qui s’échangent selon leur valeur et non pas l’argent contre des choses. Un kilo de sucre "vaut" une boîte de petits pois.
Il y a déjà dans ce fait, cette dissimulation, une première "aliénation" : celle due à l’argent.
L’échange des marchandises est un rapport entre les choses, mais comme l’échange se fait suivant leur valeur, la question se pose : qu’est-ce donc qui définit leur valeur ?
On peut poser en axiome que la valeur résulte du simple fait qu’il y a une certaine quantité de travail humain utile incorporé dans l’objet. Encore que cet axiome n’en soit pas vraiment un, comme l’étude de l’histoire des échanges le prouve.
Les hommes échangent donc en réalité sur le marché les temps de travaux utiles et divers qu’ils ont consacré à la fabrication des marchandises.
Le rapport apparent entre les marchandises du marché dissimule donc des rapports entre les hommes.
C’est en ce deuxième sens que l’on peut parler de "l’aliénation" de la société marchande : la réalité des rapports de production et d’échange entre les hommes leur apparaît comme un rapport entre les choses.
Si l’argent, la monnaie, qu’il a fallu mettre de côté et provisoirement tout à l’heure pour avancer dans l’exposé, est réintroduit maintenant, avec les intérêts, la réalité décrite apparaît sans fard quand je vais faire mes courses au supermarché.
L’argent que j’ai dans ma poche, je l’ai obtenu en échange d’un certain temps de travail pendant lequel j’ai vendu ma force à mon employeur qui, lui ou un autre, ira placer sur les rayons l’article (la marchandise) que j’ai, ou qu’un de mes semblables, a fabriqué(e).
C’est ainsi que je constate que le kilo de sucre que j’ai fabriqué, si je travaille chez Béghin, s’échange contre la boîte de petits pois de mon camarade s’il travaille chez Daucy. Ce qui signifie, soit dit en passant, que sortent de nos mains le même nombre de boîtes à l’issue de la journée de travail.
Notre rapport humain entre camarades qui travaillons et échangeons pour vivre (il veut du sucre, et moi des petits pois) est profondément dissimulé, altéré, dégradé par l’économie marchande : c’est ainsi que nous sommes comme on dit "aliénés".
Tout ce qui précède suppose évidemment l’adhésion aux définitions ci-dessus : et de la marchandise comme produit du travail social utile, et de sa valeur comme temps de ce travail incorporé dans l’objet.
On peut naturellement ne pas admettre ces définitions, ce que font toutes les écoles de l’économie politique officielle, de même qu’on peut ne pas admettre avec Euclide que "le point est ce dont la partie est nulle", pour le définir comme la tête, ou mieux, comme la pointe d’une épingle, ni que "la ligne est une longueur sans largeur", mais un fil très fin, etc ; mais ces refus font sortir du champ de la géométrie euclidienne qui procède nécessairement par abstraction, pour faire retomber dans l’empirisme, dont elle avait précisément sorti l’humanité. C’est ainsi qu’à ce sujet, celui de l’économie politique, s’applique, déjà, le célèbre aphorisme : "De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins".