Faible argumentation. La lecture actuelle de Robespierre est une tentative de réviser l’Histoire et la Révolution française.
En effet, il y a une situation révolutionnaire et donc un contexte. Regarder à partir d’aujourd’hui les faits et les acteurs d’il y a plus de 200 ans, c’est soit du tourisme surtout pas scientifique, soit une authentique analyse des forces puissantes qui entrent en contradiction et en opposition à cette époque.
L’Ancien Régime est une société de classes. Et ce sont ces classes qui se heurtent mortellement. Il n’y a pas un plus criminel que d’autres et qu’il faut stigmatiser au tribunal d’une certaine Morale.
Daniel Dessert démontre magistralement le contenu de classe de la société d’Ancien Régime. Partant de l’analyse des archives de notaires, il dresse un bilan complet des différents groupes sociaux.
Le roi, pourtant décrit comme un monarque absolu, n’a pas les moyens financiers de son trône. Il dépend totalement des différents impôts. Ces impôts sont, schématiquement, de 3 sources : les impôts directs, les impôts indirects sur les fermes et les impôts extraordinaires.
Parmi les gens qui manient les deniers du roi se trouvent les financiers. Ceux-ci ont pour charge de trouver les sommes qui constitueront les différents impôts. Or ces financiers n’ont pas du tout les sommes exigées. Ils ne sont que des "fonctionnaires" libéraux qui financent les caisses du roi le temps d’un contrat, dûment inventorié par acte notarié. Pour trouver ces sommes, ces financiers s’adressent aux véritables détenteurs des fortunes du royaume. Comme les actes notariés dissimulent l’identité des vrais bâilleurs de fonds, Dessert doit se livrer à une véritable enquête "policière". Il s’avère que les bâilleurs sont les nobles, détenteurs de fortunes colossales, pour beaucoup d’entre eux. Non seulement ils détiennent les richesses mais encore et surtout s’enrichissent dans et par le système fiscal. Dessert prend l’exemple de Mazarin, complètement ruiné après la Fronde, mais laissant la succession la plus riche de tout l’Ancien Régime.
Les différents intervenants se servent au passage. Si bien que si le roi perçoit les montants qu’il a exigés, les intervenants ont prélevé en plus pour leur propre compte, augmentant d’autant le montant des impôts. Rappelons que les nobles ne sont pas soumis à l’impôt. Relevons que le jeu financier auquel ils se livrent dans l’exercice fiscal leur est leur première source de revenus. N’oublions pas qu’ils sollicitent et obtiennent du roi des pensions. Bref, ils sont bel et bien les affameurs du peuple.
Dans la mesure où ils ne travaillent pas, sous peine de déroger, dans la mesure où ils sont détenteurs des fortunes qu’ils thésaurisent, ils apparaissent au moment de la Révolution pour ce qu’ils sont : des parasites qui ralentissent considérablement l’activité économique et bloquent par leur inactivité le progrès scientifique et technique.
Ils constituent une force d’inertie arcboutée sur ses privilèges. Et c’est à éliminer cette force d’inertie qu’il convient de procéder fermement. La situation révolutionnaire est bien plus complexe et enchevêtrée. Elle implique le rôle de la grande bourgeoisie parvenue à la robe et à la noblesse d’épée par des alliances. Les intérêts sont confus et contradictoires. Cette bourgeoisie d’affaires entend bien s’emparer du pouvoir pour éliminer politiquement le Tiers-Etat pauvre et laborieux.
Le système d’explications et d’analyse de la Révolution française constitue aujourd’hui un enjeu scientifique mais aussi politique. Balzac est cet auteur qui décrit minutieusement les origines de la bourgeoisie française et, particulièrement, de la banque. Et il revient systématiquement sur l’origine des fortunes, leur constitution, leur développement et toutes les compromissions qu’elles ont nécessitées, y compris dans les moindres trahisons et retournements opportunistes de veste.
Robespierre n’est pas un fou sanguinaire mais un politique lucide qui projetait dans l’avenir les risques d’une révolution confisquée et qui a vu cette alliance noblesse/bourgeoisie dominer l’économie en écrasant le prolétariat, rendant pires les conditions de vie et de travail des gens du peuple.