Dans le premier bulletin de l’ACCA, en 1988, Henri écrivait :
tandis que nous volions vers Paris, de retour du Vietnam, je songeais à ce que nous avait dit Pham Van Dong, " Nous n’avons jamais confondu les colonialistes français et le peuple de France et nous gardons à l’esprit tout ce que nos amis -et parmi eux les Henri Martin, Raymonde Dien, Madeleine Riffaud- ont fait pour nous aider et faire vivre l’amitié entre nos pays. On doit préserver cette histoire." Les mots du combattant prestigieux sont ceux-là même qui inspirent notre association.../... et je pensais qu’il était bon de savoir qu’à Hanoï, Paris et mille autre lieux, les compagnons des années terribles restaient unis par la même conviction et la même espérance.
Henri signait aussi l’édito du numéro de juin 90 où l’on pouvait lire :
dans ces assises où se retrouvaient beaucoup d’hommes et de femmes qui, en France,en Algérie, en Tunisie, au Maroc, au Vietnam et ailleurs n’ont pas hésité à s’engager de toutes leurs forces dans le combat anticolonial et qui, ont souvent lourdement payé leurs courageuses prises de position On parla moins du passé -dont nous voulons précieusement conserver la mémoire- que du présent et de l’avenir. De ce présent qui voit resurgir, même lorsqu’elles empruntent des formulations nouvelles, les idées maudites que la "pratique coloniale" avait légitimées : le mépris et l’exclusion de l’autre, le racisme poussé jusqu’au crime, la justification de toutes les injustices et de toutes les exploitations .../... car c’est non seulement poru regrouper ceux qui ont combattu hier le colonialisme que s’est créée l’ACCA, mais aussi, pour apporter une contribution aux luttes menées aujourd’hui encore pour la liberté des hommes et de peuples
En mars 2012, nous publiions son dernier édito :
Cinquante ans après, la guerre d’Algérie est-elle terminée ?
Cinquante ans ont passé depuis la fin de la guerre d’Algérie, Radios, télés, journaux, magazines en ont fait très largement écho mais on attend toujours et sans doute faudra-t-il attendre longtemps encore une publication officielle signée par les dirigeants de notre pays qui tire les conclusions de ce qu’a été une guerre si longue, si couteuse et si cruelle à la fois pour l’Algérie et la France. En ce qui les concerne, un demi-siècle après la signature des Accords d’Evian, le silence reste la règle. Et pourtant, il y a tant de questions qui attendent des réponses !
Cinq à six cent mille algériens, parmi lesquels un nombre considérable de femmes et d’enfants sont morts, pas seulement au combat mais massacrés de sang-froid dans leurs villages, assassinés par des légionnaires, parachutistes et autres forces « spécialisées » dans la répression mais aussi par de simples soldats du contingent, souvent mobilisés contre leur gré. Du côté français, près de 30 000 hommes sont tombés. A ces chiffres terribles, il faudrait ajouter le nombre impressionnant de blessés, souvent handicapés pour la vie et celui, incalculable, des victimes marquées psychologiquement et pour toujours par ce qu’ils ont vécu et ne peuvent oublier.
Et pourtant, il n’est que d’interroger nos compatriotes,femmes et hommes, jeunes et plus vieux, qu’ils aient vécu à l’époque de la guerre ou qu’ils aient été trop jeunes encore pour y avoir participé d’une façon ou d’une autre, pour se rendre compte de leur immense soif de connaître la vérité sur la guerre, sur les raisons de son déclenchement, de sa durée, de sa cruauté, entraînant malversations de toutes sortes, utilisation habituelle de la torture lors des interrogatoires, exécutions sommaires, viols et d’une façon générale, dans tous les cas, crimes toujours conclus juridiquement par des « ordonnances de non-lieu » et, pire encore, par l’attribution de décorations et de promotions aux assassins.
Cette soif de savoir la vérité touche en particulier les plus jeunes, ceux des écoles, des lycées, des universités qui ont, avec raison, le sentiment que tant qu’elle continuera à être cachée, France et Algérie ne pourront pas réellement « tourner la page de la guerre », assurer la paix et la fraternité entre leurs peuples alors que leurs relations économiques, culturelles, politiques et humaines exigent, chaque jour davantage, un tel rapprochement.
C’est là évidemment en engagement qui restera au cœur de l’action de notre A.C.C.A.
Henri ALLEG
Et puis voila, après quelques réunions du bureau de l’ACCA jusqu’à juin, quelques conférences de plus aux quatre coins de France, des dédicaces de ses livres, projections de films Henri était avec ses camarades et amis du PADS, le 5 juillet 2012 pour fêter les 50 ans de l’Algérie indépendante.
L’ACCA va bien sur ouvrir une page pour Henri sur son site mais pour les nombreux jeunes qui ne l’ont pas connu, déjà quelques articles pour Henri dans le journal qu’il dirigea jusqu’à son arrestation Alger Républicain et dans le quotidien où il travailla durant des années et qui resta jusqu’au bout son journal : l’Humanité (*).
ACCA - Agir contre le colonialisme aujourd’hui, combattants de la cause anticoloniale.
(*) http://www.humanite.fr/monde/henri-alleg-%C2%ABl%E2%80%99idee-internationaliste-etait-primordiale-dans-notre-engagement%C2%BB-491933
http://www.humanite.fr/medias/henri-alleg-le-reve-algerien-cheville-au-corps-503443
EN COMPLEMENT :
Je me permets de faire passer ce témoignage publié dans mon blog en juin 2012.
(Bernard Gensane)
J’ai eu le grand plaisir de rencontrer tout récemment Henri Alleg à la Fête de L’Humanité de Toulouse. Comme, depuis quelque temps, je m’efforçais de mon mieux d’expliquer la Guerre d’Algérie à mes filles de dix et huit ans, ce fut pour moi un réel bonheur de leur présenter ce défenseur de la liberté des peuples. Très gentiment, il leur expliqua en quelques minutes le sens de sa vie militante.
Pour ma part, je n’avais pas trop envie de le faire parler sur son combat en Algérie. Que m’aurait-il dit qu’il n’avait déjà raconté mille fois auparavant ? Je lui demandai d’évoquer ses parents anglais, et de m’expliquer la ou les raisons pour lesquelles ils avaient émigré en France au début des années vingt. Je lus dans le regard d’Alleg une réelle surprise car on ne lui parlait pratiquement jamais de ses origines londoniennes. De fait, dans l’entre-deux-guerres, les Britanniques qui s’installaient en France étaient des intellectuels, des artistes, des écrivains qui voulaient changer d’atmosphère et, accessoirement, profiter de la parité très avantageuse de la livre sterling par rapport au franc. Très prosaïquement, les parents d’Alleg étaient venus en touristes pour quelques jours dans notre pays et avaient été emballés par un pays où l’on pouvait s’installer des heures durant à la terrasse d’un café. Ils décidèrent donc de se fixer en France avec leur marmot Henri sous le bras.
L’histoire est désormais bien connue : Alleg s’installe en Algérie en 1939, à l’âge de dix-huit ans. D’emblée, il milite au Parti communiste algérien. En 1951, il est nommé directeur d’Alger Républicain, un quotidien progressiste que la presse colonialiste appelait “ le petit mendiant ”, et qui accueillit dans ses colonnes Albert Camus, entre autres. Alleg entre dans la clandestinité en 1955. Il est arrêté le 12 juin 1957 par les parachutistes au domicile de son camarade et ami Maurice Audin qui sera torturé à mort et dont on ne retrouvera pas le corps. Il est séquestré et torturé pendant un mois à El-Biar. Il est transféré dans divers centres de détention où il parvient à écrire son célèbre ouvrage La Question (publié par Lindon aux Éditions de Minuit en 1958). Pendant que je l’écoutais parler, j’essayais de me représenter ce petit homme chétif, ce trésor d’intelligence et de dignité aux mains des brutes de Massu et d’Aussaresses.
Un tout jeune militant communiste vint saluer Alleg et lui dit : « Vous êtes l’honneur de la France. J’ai commencé à militer grâce à vous, en lisant vos livres. » Puis un militant plus âgé vint faire dédicacer Mémoire algérienne. Souvenirs de luttes et d’espérances. Il souhaita prendre Alleg en photo et lui demanda la permission, ce que l’écrivain accorda tout naturellement.
– Il fallait bien que je pose la question, dit cet homme. J’éclatai de rire intérieurement…
Lire sur le site du Monde (http://www.lemonde.fr/livres/article/2013/07/24/la-question-histoire-d-un-manuscrit_3452592_3260.html) le témoignage de Roland Rappoport sur l’élaboration, en prison, de La Question.
Communiqué du PRCF le 18 juillet 2013
Nous apprenons avec beaucoup de tristesse le décès de notre camarade Henri Alleg, membre du comité national de parrainage du Pôle de Renaissance Communiste en France, président d’honneur du Comité Internationaliste pour la Solidarité de Classe (ex-Comité Honecker), écrivain et journaliste communiste, ancien directeur d’Alger Républicain et ancien secrétaire général de L’Humanité, militant de la solidarité de classe avec les communistes persécutés dans les ex-pays socialistes, compagnon de Maurice Audin et héros de la lutte anticoloniale en Algérie.
Henri fut aussi une figure des lettres françaises et un éclaireur de la conscience universelle dans la grande tradition de Voltaire et de Zola : son livre bouleversant La Question, le récit poignant préfacé par Sartre qui dénonça l’usage systématique de la torture en Algérie par l’armée coloniale, a beaucoup fait pour mobiliser contre la « sale guerre » : l’indépendance du peuple algérien et l’honneur du peuple français doivent beaucoup à cet homme modeste, souriant, mais inflexible sur ses hautes convictions humanistes.
Henri fut par ailleurs de tous les combat en France et dans le monde pour le progrès social, l’émancipation des peuples, la paix et le socialisme. Alors que tant d’autres hurlaient avec les loups lors de la chute de l’URSS, Henri écrivit Le grand bond en arrière, qui dénonçait faits à l’appui la terrible régression qu’a constituée la restauration du capitalisme le plus barbare dans les pays de l’ex-camp socialiste.
Nous rendrons ultérieurement hommage à ce lutteur hors pair qui était aussi un défenseur fidèle du marxisme-léninisme et de l’internationalisme prolétarien, ce qui lui valut, aux côtés de Georges Hage, de Rémy Auchedé et de Georges Gastaud, d’animer l’opposition communiste à la « mutation » (en réalité, à la dénaturation) du PCF dans le cadre de la première Coordination communiste, puis dans le cadre du Comité national d’unité des communistes (CNUC), puis de la Coordination des Militants Communistes du PCF.
Pour l’heure, l’émotion nous étreint quand nous repensons avant tout à cet homme fraternel, toujours aidant, souriant et plein d’humour, qui rejoint dans notre souvenir Gilberte, son épouse disparue – elle aussi engagée avec détermination dans la lutte contre le colonialisme et pour la continuité du vrai parti communiste.
A ses fils et à toute sa famille, à tous les camarades communistes membres du PRCF et/ou du PCF, à tous les communistes et patriotes algériens, à tous les membres du CISC, à tous ses amis et camarades de France et de l’étranger, nous exprimons notre profonde sympathie et notre grand chagrin.
Georges Hage, ancien député, président d’honneur du PRCF
Désiré Marle, prêtre-ouvrier, président du CISC
Léon Landini, président de Carmagnole-Liberté (ex-FTP-MOI), président du PRCF
Vincent Flament, rédacteur-en-chef de « Solidarité de classe »
Pierre Pranchère, vice-président du PRCF
Georges Gastaud, secrétaire national du PRCF
Daniel Antonini, secrétaire de la commission internationale du PRCF
Antoine Manessis, responsable du PRCF aux actions unitaires
Madeleine Dupont, trésorière du CISC
Odile Hage, secrétaire de la section de Douai du PCF
http://www.initiative-communiste.fr/