Bien que représentant un volume de production très faible, la cotation du Brent sert à valoriser des centaines de pétroles bruts différents produits dans le reste du monde, soit plus de la moitié de la production mondiale de pétrole.
En effet, chaque champ produit un pétrole d’une qualité spécifique. Pour les valoriser, on se réfère à trois ou quatre pétroles bruts de référence, le Brent de mer du Nord et le West Texas Intermediate américain étant les deux principaux, auxquels on rajoute une prime ou une décote reflétant sa qualité spécifique.
Conséquence, une éventuelle manipulation des cours du Brent n’aurait pas pour but de distordre la valorisation de sa seule production, mais d’un volume beaucoup plus conséquent.
PROCESSUS TRÈS SOPHISTIQUÉ
La méthode pour établir la cotation physique du Brent est devenue un processus très sophistiqué quasi-incompréhensible, en dehors de la quarantaine d’acteurs qui participent à la fixation de ce prix : groupes pétroliers, négociants européens et américains, et quelques rares banques disposant également d’une activité de négoce physique.
Cette complexité est le fruit de l’accumulation des règles successives imposées par les agences (Platts et Argus) chargées d’établir ces cotations afin justement de rendre le mécanisme le moins manipulable possible.
Ces agences "surveillent" aussi la loyauté des transactions retenues pour établir le prix. Elles veillent ainsi à ce qu’un opérateur ne traite pas à un prix manifestement supérieur (ou inférieur) au meilleur prix proposé pour acheter (ou vendre).
En effet, compte tenu de l’influence du prix du Brent sur les autres bruts, un opérateur pourrait être tenté de perdre de l’argent en achetant "trop cher" le Brent pour un petit volume, pour en faire monter le prix, si dans le même temps il vend un volume plus important d’autres bruts indexés sur le Brent.
COLLUSION POSSIBLE
Si la surveillance des agences est faite de façon rigoureuse, ce que l’enquête devra confirmer, il ne peut y avoir de manipulation des cours du Brent sans une entente entre les acteurs.
Cette collusion est envisageable, car en réalité très peu d’acteurs participent réellement au processus. Sur le marché du Brent, comme sur beaucoup de marchés physiques de matières premières, c’est peu ou prou la règle des 80/20 qui s’applique. C’est-à-dire que 80 % des volumes sont traités par 20 % seulement des opérateurs.
Il suffit donc que quelques opérateurs appartenant à ces 20 % s’entendent pour que la manipulation soit quasi indécelable. Il est toujours possible d’améliorer le mécanisme de cotation en le rendant toujours plus transparent. Mais la Commission européenne va très vite buter sur un problème qu’elle connaît bien. Celui de l’oligopole de fait.
Frédéric Lasserre
Président de Belaco Capital