Ceux qui, ces jours-ci, à l’occasion du XXème anniversaire de l’agression de l’OTAN contre la Serbie, entonnent un chœur de pleureuses sur une guerre qui a déchiré l’Europe et sanctionné la fin du jus gentium, le droit qui régule les rapports entre peuples et impose le règne de la loi sur les abus et les actes arbitraires, sont ceux qui, le 24 mars 1999, le matin après les premières bombes, s’armèrent de mensonges et partirent pour Sarajevo. Des cinquièmes colonnes de pèlerins de la paix accourus pour offrir une contribution à l’escroquerie qui parlait de nationalisme ethnique des Serbes, du « dictateur » Milosevic, de la persécution contre les Albanais au Kosovo, du siège meurtrier de la cité bosniaque par les Serbes, du massacre de 8000 innocents de Srebrenica (uniquement des miliciens du chef de bande Nasr Oric, homme de confiance du fasciste islamiste Izetbegovic, massacreur - v éritable - de 3500 Serbes autour de Srebrenica. Mais c’est Karadzic, le défenseur des Serbes contre les hordes djihadistes du fasciste Izetbegovic, recrutées par l ‘OTAN, qui se trouve aujourd’hui condamné à la prison par le tribunal pinochesque de La Haye).
Des civils, hommes de main du général bombardeur Wesley Clark entreprenaient allègrement, à Sarajevo et Belgrade, leur mission de paver la route, à coups de calomnies sur les Serbes et leur gouvernement, pour la destruction du dernier reste de cette grande expérience de vie et de projet communs qu’avait été la Yougoslavie socialiste de Tito. Communauté souveraine de peuples qui était l’axe d’un autre grand et positif projet d’alternative à la domination de l’impérialisme : l’organisation des Non Alignés.
Kosovo : l’inversion des nettoyages ethniques.
En même temps que les pionniers de 1992, les radicaux Marco Pannella et Emma Bonino, en tenue de camouflage aux côtés des néo-oustachis croates, que le Pape polonais à la tête de ses troupes en soutane, le pacifiste Alex Langer converti au bellicisme de l’OTAN, avec son appel aux bombardements sur les Serbes, les revanchards de Berlin, que les Serbes, ayant pourtant une main liée derrière le dos, avaient vaincus à eux seuls, des bandes d’ONG avaient déjà envahi le Kosovo et s’étaient déjà fait apprécier en tant que cantinières des écorcheurs des Balkans.
Dans les décennies précédentes, la chasse systématique au Serbe, au cœur kosovar de la Serbie, par des Albanais, bien souvent immigrés d’Albanie et devenus ainsi une majorité, avait été rendue possible par la tolérance de Tito au nom d’un système d’équilibre soucieux de ne pas irriter, par une hégémonie serbe, les autres composantes de la Fédération.
C’est ainsi que le nettoyage ethnique opéré par les bandes de l’UCK, soutenu par les universités ethniquement pures (réservées aux seuls Albanais) de George Soros et par les structures sanitaires de Teresa de Calcutta, ethniquement pures dans le même sens, fut retourné par ces ONG en son contraire : Serbes coupables, Albanais victimes. La presse italienne et internationale sur place, qui apportait sa garantie, aussi honnête que Gianni Schicchi qui « va, enragé, contrefaisant autrui » (Chant XXX de l’Enfer), ne s’aperçut pas du début de l’exode qui, à la fin, verrait 230000 Serbes, devenus d’éternels fugitifs, mais privés ne serait-ce que d’une miette de cette solidarité aujourd’hui élargie aux nouveaux réfugiés, déracinés par les effets du même impérialisme. Elle ne s’aperçut même pas des 150 monastères brûlés des XIIe, XIIIe, XIVe, XVe siècles, chiffre qui, par la suite, sous les yeux de la KFOR, s’élèverait à 230. Ni des maisons serbes occupées par les Albanais, ni des institutions de l’État livrées aux flammes. Mérites déontologiques qui valurent à un journaliste l ‘élévation au rang de correspondant à New York. Tandis que le brigandage narco- et organo-trafiquant de l’UCK valut aux coupeurs de têtes la reconnaissance, non de l’ONU, mais de quelques gouvernements d’égale qualité.
Présidents démocratiques appelés dictateurs, nettoyages ethniques, narco-Etats et interprètes simultanés d’ONG.
La dictature de Milosevic était tout aussi béton : il était président d’une fédération et d’une république où on votait, correctement, plus souvent que dans n’importe quel pays européen, où existaient de puissants et vociférants partis d’opposition et chaînes de radio et télévision inféodées aux propagandes occidentales sans que personne ne les invite à modérer les mensonges suggérés par Berlin et Washington. Et des ONG de toutes les couleurs, comme l ‘ICS ou les Combinaisons Blanches du célèbre navigateur Luca Casarini, étaient accueillies par des cinquièmes colonnes comme, respectivement, les « Femmes en Noir » et Radio B92, organe de George Soros, spécialisée dans les injures lancées au « régime » et les pierres lancées sur les Partisans qui manifestaient sous ses fenêtres.
Trop démocratique, Slobo, et révélateur trop précis de la stratégie des fossoyeurs lancés à l’assaut des peuples souverains dans le plan alors in ovo du Nouvel Ordre Mondial, pour pouvoir être laissé en vie dans la prison de La Haye, après que même l’argent de Bill Clinton n’avait pas réussi à faire trouver aux juges de ce tribunal de farce la plus petite preuve d’une quelconque culpabilité du président serbe. Nous l’avons salué, sous les barreaux de la prison de Scheveningen. Par contre, on ne vit aucune de ces ONG humanitaires, pas plus que le petit journal soi-disant de gauche qui, à travers son envoyé spécial, pleurnichait sur le méchantes bombes, mais se corrigeait en parlant du « despote Milosevitch, encore plus méchant – mettant sur le même plan les parties en cause au Kosovo, et jacassait sur le contre-nettoyage ethnique des Serbes, alors qu’il n’y avait qu’un seul et unique nettoyage ethnique, celui de l’UCK. Le résultat auquel il a allègrement contribué, c’est un Kosovo livré aux mains du gangster UCK Hashim Thasi, qui a été reconnu responsable du seul nettoyage ethnique perpétré et du trafic d’organes de civils et de soldats serbes capturés. Un pays dans la misère qui recevait pourtant plus d’aides qu’aucun autre, siège de la plus grande base américaine d’Europe, tête de pont pour le transfert en Occident de l’héroïne arrivant des zones d’Afghanistan contrôlées par l’occupant OTAN.
De l « ’intervention humanitaire » à l’enfer.
J’étais dans la rédaction du Journal télévisé de la 3 le matin du premier des 78 jours de bombardement ; l’invitation à considérer l’attaque comme une « intervention humanitaire » (la première de ces interventions qui ont coûté à l’humanité l’Afghanistan, la Somalie, l’Irak, la Syrie, le Yémen, le Honduras, et Dieu veuille que ne s’y ajoute pas le Venezuela !) ne me sembla ni juste ni correcte. Impossible de m’y associer, écœurant de me soumettre : depuis, on ne m’a plus vu à la RAI. Je pris une caméra et débarquai à Belgrade, au milieu des gens du « target » qui, sur le Pont Branko, objectif par excellence, défiaient en chantant les topguns de l’OTAN qui partaient d’Aviano sur l’ordre, entre autres, de D’Alema, premier ministre, et Mattarella, vice-premier ministre et ministre de la Défense. Avec Raniero La Valle, Sandra et le basset Nando, nous évitâmes, à Kragujevac, quelques missiles, nous vîmes à Belgrade, la nuit, l’ambassade chinoise en flammes et, le matin, le service de couveuses de l’Hôpital public touché par les bombes. De 1999 à 2001, je circulai en Serbie, au milieu des ruines d’hôpitaux, écoles, ponts, trains, maisons, orphelinats, usines, ambassade chinoise, télévision d’État avec ses journalistes et techniciens, la Zastava à Kragujevac (1), cœur ouvrier de la Serbie yougoslave, détruite jusqu’au sol par l ‘uranium et, un an après, remise en service par ses propres héroïques ouvriers. De cette expérience sortirent les deux seuls documentaires qui tentèrent, en Italie et en Europe, de dire une autre vérité. C’est pourquoi on a eu maintenant la générosité, à Belgrade, de m’offrir une reconnaissance : je la garderai encadrée et bien en vue, pour ne jamais oublier. Comme l’ont promis les congressistes du Forum de Belgrade.
Le PRC (2) : Non, Milosevic non !
Mais de là sortirent aussi les reportages que « Liberazione », quotidien du PRC, m’avait demandé de lui envoyer. Et qui parurent dans la mesure où je décrivais les effets des bombardements. Puis, je traitai de la résistance ouvrière, intellectuelle, populaire, de l’incroyable reconstruction en très peu de mois, en particulier du magnifique pont sur le Danube à Novi Sad et de la Zastava. Et là, je découvris au retour que le rédacteur en chef Cannavò – qui travaille aujourd’hui, très logiquement, à l’atlantiste Fatto Quotidiano – en avait jeté une grande partie au panier. « On ne pouvait vraiment pas s’aligner sur Milosevitch » fut la justification de cet indécent abus – la même que me donna la sous-directrice Rina Gagliardi quand elle refusa mon interview de Milosevitch. Sa dernière interview, trois jours avant son arrestation, où il faisait preuve de grandeur d’âme, d’amour de la patrie, d’acuité dans l’analyse et d’une impressionnante lucidité sur ce que la destruction de la Yougoslavie allait entraîner. Je la publiai sur le Corriere della Sera, qui, au moins, s’y connaissait en journalisme.
Vingt ans après . Un congrès. De la mémoire et de la résistance.
J’étais venu à Belgrade pour le congrès lors du Xème anniversaire de l’agression ; j’y suis revenu maintenant pour le XXème. A 85 ans, je doute qu’on m’y revoie pour le XXXème. Mais eux, ils tiendront bon, jusqu’à ce que la vulgate des mensonges sur la Yougoslavie, les Serbes, leurs meurtriers et dévastateurs soit reconnue par une opinion publique qui s’obstine à se laisser rouler par des délinquants de guerre, de l’esclavage colonial et de l’information. Jusqu’à ce que les victimes aient été indemnisées, les territoires dépollués et qu’aient été guéris les corps brûlés par l’uranium appauvri (parmi les enfants de moins de quinze ans, on constate trois fois plus de tumeurs qu’en circonstances normales, sans uranium), et empoisonnés par les substances chimiques qu’on a libérées dans les usines pétrochimiques de Pancevo. Quelques maigres voix appelaient à la mémoire mais aussi au pardon – aussitôt submergées par le chœur : « Nous n’oublions pas, nous ne pardonnons pas ».
Ceux qui tiennent bon, depuis les jours de l’agression, ont à leur tête un genre d’homme que nous voudrions avoir aussi chez nous : Zivadin Jovanovic était ministre de l’Extérieur dans le gouvernement de Slobodan Milosevic, témoin de l’infâme tromperie de Rambouillet, traité de « paix » par lequel Madeleine Albright (l’auteur des « 500000 enfants morts qui valaient la peine pour conquérir l’Irak ») prétendait imposer à la Serbie de se laisser occuper par l’OTAN. Témoin, à la fin des bombardements, de la « paix » de Kumanovo – peut-être la seule, grande erreur de Milosevic : le retrait des troupes serbes du Kosovo. L’UCK, sinon l’OTAN, l’aurait difficilement emporté, dans les montagnes serbes, sur l’armée héritière de la lutte des partisans contre les Allemands. Nous aurions vécu une autre histoire.
Certainement pas celle d’une Grande Albanie englobant le Kosovo et des morceaux de Serbie, de Monténégro et de Macédoine, vaisseau pirate poussé par le souffle de l’OTAN et de l’UE, devenu violent ces derniers mois et désireux d’en finir avec une Serbie qui, à Poutine venu en visite en janvier dernier, offre des réjouissances, un million de citoyens en fête et le rejet de l’OTAN. (« Pour nous défendre, notre armée nous suffit. Nous n’avons pas besoin de l’OTAN » - c’est ce que déclarait, à la conférence de presse, le Ministre de la Défense, Aleksander Vulin, répétant les propos du Président Vucic). Une Serbie que l’on nous décrit comme assaillie par les oppositions anti-Vucic, que nous avons vues fin mars réduites, dans la rue, à quelques dizaines de manifestants, criant, entre autres, des slogans qui rappellent très précisément ceux de l’OTPOR, la Cinquième Colonne créée par la CIA en 2000, et active par la suite dans le déclenchement de presque toutes les « révolutions colorées », jusqu’au coup d’État de Guaidó au Venezuela.
Forum de Belgrade pour un monde d’égaux.
Avec le Forum de Belgrade pour un monde d’égaux, où l’Italie est représentée par Enrico Vigna, à qui on doit aussi les projets avec les Serbes du Kosovo qu’il a décrits dans son intervention, Jovanovic, appelé Zita par les amis, donne depuis vingt ans forme et contenu à la résistance serbe et à la vérité. Pour cet anniversaire, il a réuni dans la capitale 500 participants venus du monde entier, historiens, journalistes, analystes, experts militaires, biologistes, et beaucoup de ceux qui, sur divers plans, ont, ces dernières années, entre oubli dû à l’ignorance et répétition des mensonges, préservé le flambeau des souvenirs et de la vérité. A Belgrade, nous nous trouvons, à juste titre, dans l’édifice des Forces Armées Serbes, au patriotisme desquelles les Serbes continuent à faire confiance. Pour l’Italie, nous sommes là, moi, Vigna, un représentant du Comité contre la Guerre de Milan, très actif dans les mobilisations,et le groupe de Jugocoord qui s’occupe, depuis des années, de recherches historiques sur la Yougoslavie et le fascisme.
Je n’avais pas une idée précise du sujet que j’allais traiter dans mon intervention à la conférence. Il s’agissait d’éviter des données et considérations qui allaient certainement être traitées par de nombreux intervenants : près de 30000 raids aériens, 10000 missiles Cruise, 21700 tonnes d’explosifs, 350 tonnes d’uranium appauvri, 36000 bombes à fragmentation, des bombes au graphite, 2200 civils tués, 33 hôpitaux touchés, ainsi que 23 raffineries, le Kosmet lui-même,(4) cher à l’OTAN, avec une augmentation de 200 % des cas de cancer. Et puis la dénonciation du complot génocidaire qui a vu la complicité de l’Allemagne, en premier lieu, puis des USA, de l’UE et du Vatican, les dédommagements absents, les actions de dépollution refusées, tout comme les pays de l’OTAN refusent de reconnaître le lien de causalité entre l’uranium et des effets pathologiques mortels.
Le baptême des False Flags du deuxième millénaire.
La muse des congressistes me sourit pendant le transfert de l’aéroport au centre de la capitale. Ma grande amie et camarade serbe en résistance, Gordana Pavlovic, veuve de guerre (une des grandes dames serbes que j’ai eu la chance de connaître, avec, en premier lieu, Ivana, qui, en Italie, garde vivante la flamme de la vérité sur la Serbie), me signale le siège, que j’avais vu à demi-carbonisé, du Comité Central du Parti. Je pensais qu’on le laisserait peut-être en l’état, monument éternel du crime de l’agression. Mais le regard se heurte à un gigantesque centre commercial sur lequel se détachent l’inscription « Zara » et celles d’autres marques de la consommation effrénée et imbécile. La grande place est un parking. Les maisons, cafés, boutiques, arbres, gens du voisinage ont disparu. Une identité effacée. Le déclic, le baiser de la Muse, ç’a été le mot identité. Il m’est venu à l’esprit à ce moment-là, et n’a ensuite été prononcé que par un seul intervenant : Pyotr Olegovitch Tolstoï, vice-président de la Douma, Fédération russe. Tolstoï a associé ce terme à la jamais assez forte dénonciation des escroqueries, tromperies, mensonges, faussetés énormes par lesquelles on a voulu déformer l’image, l’identité de la Yougoslavie et amener l’opinion publique à en accepter la désagrégation, prodrome de la guerre infinie, soi-disant « contre le terrorisme », menée par une bande d’Etats qui se sont construits et perpétués dans le terrorisme.
Terrorisme qui commence par la supercherie de Racak, déclencheur de l’attaque, quand quelques dizaines de cadavres mutilés de civils ont été attribués par le chef de l’OSCE, organisme prétendument médiateur, William Walker, à un massacre perpétré par les Serbes. Les médecins légistes finlandais qui examinèrent la scène ont démontré qu’il s’agissait de miliciens de l’UCK tués en combat, et mutilés après leur mort. Ensuite vinrent les armes de destruction massive de Saddam, Oussama ben Laden, le 11 septembre, Khaddafi et Assad qui bombardent leur peuple.. Bref, la False Flag comme mère de tous les crimes contre l’humanité.
Les tromperies peuvent être révélées, les culpabilités assignées, ponts, bâtiments, lignes de chemin de fer, hôpitaux, maisons, écoles, usines peuvent être reconstruits. Mais quand une identité est blessée, mutilée, elle ne cesse de saigner. Jusqu’à la mort. Et c’est là l’objectif stratégique des fossoyeurs armés de la faux de la globalisation. Effacer l’identité par la guerre, ou l’emprisonner et l’étouffer dans la cage des structures politiques et économiques, du type OTAN, ou UE. Le terrorisme guerrier vise à frapper culture, témoignages, racines, œuvres qui sont l’expression d’une communauté dans le temps, ses usages et structures de vie commune. Il a pour but de détruire l’âme, d’effacer le nom. La guerre par l’anéantissement de ce en quoi un peuple se reconnaît, de ce qui le lie à cette histoire et ce territoire, est terriblement sous-estimée. Au congrès de Belgrade, personne d’autre n’en a parlé, mais l’approbation et l’adhésion que ce sujet a suscitées ont prouvé qu’il était souterrainement présent.
Pas seulement des maisons, des hôpitaux, des monastères, des ponts, des écoles.
En Irak, les Américains ont, en premier lieu, (j’étais encore là), fait saccager, par une main-d’œuvre importée du Koweït, la Bibliothèque et le Musée Nationaux, qui contenaient 4000 ans d’une civilisation qui a su ensuite se diffuser au reste de l’humanité (non pas toute, à dire vrai). A Ur, patrie d’Abraham, ils ont écrasé avec les chaînes de leurs chars le premier asphalte inventé par l’homme. Ils ont perpétré la destruction de Babylone, Ninive, Atra, Nimrud, Mossoul avec leurs bombes en la déléguant aux mercenaires de l’ISIS. Comme en Syrie pour Palmyre, Alep, Raqqa. Comme en Libye pour Cyrène, Leptis Magna, Ghadamès...
Pour la Serbie, nous connaissons 150 monastères orthodoxes détruits au Kosovo, et 100 autres sous les yeux de la KFOR. Quelque chose a filtré des effets génocidaires dans le temps des fumées libérées par les raffineries incendiées, des substances chimiques mortelles sorties des réservoirs de Pancevo, volontairement et précisément ciblés (ceux qui étaient vides n’ont pas été effleurés !). Mais nous ne savons rien de la destruction ou de la dégradation des musées, des cathédrales, de la Forteresse de Belgrade, des cimetières anciens, des monuments byzantins et médiévaux, des églises, mosquées et synagogues, du Parc de la Mémoire à Kragujevac, du Parc National de Fruska Gora, où arbres et monastères étaient mis en pièces sous nos yeux, des centres urbains anciens et, donc, des formes de leur vivre ensemble. Tout cela pour effacer racines, identités, âmes, pour niveler et uniformiser. Et sans identité il n’y a pas de souveraineté. Sinon celle des globalisateurs, niveleurs, expropriateurs, ennemis haineux de la culture. D’où tirer la force, le sentiment de communauté, pour lutter ?
L’identité, l’ennemi principal.
Le travail des globalisateurs ne s’achève pas avec la guerre et les bombes. Preuve en est l’Opération Migrants, global- impérialiste, réédition de la traite des esclaves et du racisme colonialiste des siècles passés, couverte par l’hypocrisie des belles âmes partisans d’un accueil inconditionnel, mais dont le but est de vider de jeunes les pays dont on pille les ressources et d’annihiler la conscience de leur identité chez ceux qui partent et chez ceux qui accueillent. En témoigne l’universalisation de la gentrification dans les métropoles. Avec l’arrivée des riches et des cadres dirigeants, et des troupes de touristes uniformisés par des scénarios uniformes, entre Tokyo, Chicago, Londres, Lisbonne et la Milan abîmée par maires et architectes. Avec l’expulsion en périphérie du corps vivant du peuple et son remplacement par des centres commerciaux, B&B, chaînes d’hôtels, restaurants et boutiques franchisées, après qu’on a rasé au sol boutiques, cafés, petits restaurants, et les places avec leurs murets, leurs bals et leurs fontaines pour le samedi soir de la communauté d’hier et d’aujourd’hui, de toujours.
« La petite vieille est assise à filer avec ses voisines,
tournée du côté où le jour se perd... »
« Les enfants, sur la petite place, en groupe,
et sautant çà et là,
font une rumeur joyeuse ».
Poète, mais aussi prophète, Leopardi : « Mais que ta fête, qui tarde encore à venir, ne te soit pas pesante ».
Le Centre Commercial Zara & Co à la place du bâtiment du Comité Central, est un mauvais signe. De même le nouveau quartier des très riches, le Waterfront (à l’anglaise !) sur le fleuve. Pour le moment, le centre semble préservé.
Le Forum de Belgrade pour un Monde d’Egaux a été, devait être, vu l’oubli ignorant des responsables et de leurs scribes, un congrès de la mémoire. Mais, de Zivadin Jovanovic jusqu’au dernier délégué, nous étions conscients que la mémoire ne sert à rien si elle n’est qu ‘une galerie d’ancêtres et de paysages – ambiance dans laquelle trop de gens s’assoupissent. La mémoire des Serbes ne cesse d’accuser et d’avertir ; pour les fossoyeurs, la Serbie devrait être devenue le paradigme de l’humanité : ou on résiste aux sirènes des USA, de l’OTAN, de l’UE, ou on meurt tous. La mémoire, quand elle est dénonciation, devient résistance. A partir de la lutte contre ceux qui reviennent aujourd’hui chargés à nouveau d’agiter la rue. Rue illégitime, utilisée pour abattre un président qui, peut-être fluctuant, a en tout cas prononcé un Non à l’OTAN qui fera date. Cet OTAN qui, à partir du projet de rassemblement de tous les Albanais dans un seul Etat aux ordres de la criminalité internationale et locale, veut poursuivre l’infinie déstabilisation des Balkans et en finir avec ce cœur serbe qui a vaincu les nazis et refuse aujourd’hui de devenir une tête de pont pour la guerre contre la Russie.
Les conclusions tirées par Jovanovic soulignent l’engagement de défendre et diffuser au niveau international la mémoire des crimes et de leurs responsables. D’en tirer le renforcement de l’opposition à l’OTAN et à l’UE au nom d’un droit international et d’une souveraineté nationale à récupérer. De nouer des rapports de plus en plus étroits avec le traditionnel allié russe. De s’insérer, avec la force de l’expérience et de la souffrance subie, dans le front international de l’anti-impérialisme et de l’auto-détermination des peuples. Sous le signe du slogan du congrès : « Paix et progrès contre guerre et domination ».
J’ai terminé mon petit discours par une promesse que nous nous retrouverions ici, tous les 500 délégués, pour le XXXème anniversaire et même le LXème. Comme nous nous battons pour une cause juste, belle et bonne, nous ne mourons jamais. Nous sommes immortels. Il faut bien sourire de temps en temps.
Fulvio Grimaldi
Notes du traducteur.
(1) Kragujevac : ville célèbre pour son usine automobile Zastava, et pour le massacre de Kragujevac : les 20-21 octobre 1941, les Allemands massacrèrent quelque 3000 civils, y compris des femmes et des enfants, principalement des Serbes et des Roms.
(2) PRC : Parti de la Refondation Communiste.
(3) Kosmet : abréviation du nom officiel du Kosovo : Province Autonome du Kosovo et de la Metohija.
(4) Sardaigne : Région la plus militarisée d’Italie, qui peut ainsi remplir le rôle stratégique qui lui a été assigné par l’OTAN.