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Nous ne participerons pas à la gestion électronique des races et des semences

La gestion électronique n’est que la planification de l’éradication de la biodiversité. Comment ?

Tout éleveur doit déclarer le nombre d’animaux qu’il détient, puis ceux qui rentrent et ceux qui sortent de sa ferme. Il doit identifier chaque animal par un n° individuel inscrit sur une boucle accrochée à chaque oreille, boucles achetées auprès de fournisseurs agréés par l’administration qui peut ainsi contrôler toutes ses activités. S’il ne se soumet pas, il perd d’abord les « aides » de la politique agricole commune, puis son autorisation de vente. Si cela ne suffit pas, ses animaux sont saisis et conduits à l’équarrissage. Le 1er juillet 2013, toute brebis ou chèvre, tout bélier ou bouc qui ne porteront pas à l’oreille une puce électronique seront saisis et conduits à l’équarrissage.

Selon le Ministère de la propagande, ces obligations de traçabilité sont faites pour protéger le consommateur. 99,99 % des « accidents » alimentaires ont pourtant pour origine la transformation et la distribution industrielles, et non les élevages. La récente découverte de viande de cheval dans des lasagnes à la viande de boeuf montre bien que la traçabilité s’arrête à l’abattoir. Après, plus personne n’est responsable...

A quoi servent alors ces puces électroniques ? La suite du programme nous l’indique : « à compter du 1er janvier 2015, le matériel génétique support de la voie mâle acquis par les éleveurs de ruminants est soumis à obligation de certification, qu’il s’agisse de semence ou d’animaux reproducteurs ». En langage normal, cela veut dire que les éleveurs n’auront plus le droit d’échanger des animaux avec leurs voisins pour sélectionner eux-mêmes leurs troupeaux. Ils seront obligés d’acheter des reproducteurs certifiés pour leur performance. La « génomique » est la nouvelle arme des sélectionneur. Elle détecte les gènes de la performance, puis les numérise dans des logiciels électroniques brevetés qui ne sélectionnent que des individus « élites » qui en sont porteurs. Ces logiciels peuvent aussi programmer l’éradication de tous les animaux « hors type », comme cela s’est fait récemment avec les moutons au prétexte d’une vieille maladie, la tremblante... bien que des animaux génétiquement résistants soient eux aussi tombés malade. Et tant pis si les gènes de rusticité et les capacités de résistance présents chez les « hors type » sont définitivement perdus !

Un ruminant rumine : ça prend du temps, ce qui ralentit ses performances. Les gènes de performance permettent aux ruminants de produire sans ruminer, en se gavant de concentrés industriels à base de soja OGM importé et de bouillie de maïs fermenté sans mourir dans les heures qui suivent. Un animal « performant » est hors sol, il n’a plus de système immunitaire et dépend pour survivre de l’administration permanente de vermifuges, d’antibiotiques et autres compléments pharmaceutiques. Si un animal « performant » ne dispose pour manger et ruminer que de l’herbe de prairies naturelles, de parcours et de fourrage produit localement, il ne produit plus. Seul l’animal rustique « non performant » peut produire avec l’herbe locale. Son système immunitaire se construit et se transmet de générations en générations en échangeant avec les autres organismes vivant naturellement dans son terroir, à commencer par la diversité des prairies naturelles. Seul l’éleveur qui vit au quotidien avec ses animaux peut développer et sélectionner cette adaptation locale. Pour cela, il doit de temps en temps chercher du « sang neuf » chez ses voisins qui ont sélectionné la même adaptation locale. Certes, introduire parfois un reproducteur venant d’une autre région peut renouveler la diversité et apporter quelques caractères intéressants. Mais une race locale rustique se sélectionne d’abord avec des animaux nés localement, ce qui sera définitivement interdit en 2015.

Regardons maintenant du côté des plantes cultivées. La loi du 8 décembre 2011 annonce les procédures destinées à interdire ou à taxer les semences de ferme de variétés protégées par un Certificat d’Obtention Végétale (COV). A quelques exceptions près, toutes les variétés inscrites au catalogue qui autorise la commercialisation de leurs semences sont protégées par un COV de plus en plus doublé souvent de brevets. Elles ne poussent qu’avec moult engrais et pesticides chimiques qui nous empoisonnent à petit feu. Les paysans qui refusent ces poisons doivent sélectionner eux-mêmes leurs propres semences paysannes locales et rustiques. Mais ils n’ont pas le droit de les échanger avec leurs voisins parce qu’elles ne peuvent pas être inscrites au catalogue. Sans ressemer sa récolte, pas d’adaptation locale ; sans échanges de semences, pas de sélection ! La même loi veut que les agriculteurs qui produisent leurs propres semences se déclarent à l’administration. Un projet de règlement européen sur la santé des plantes prévoit d’obliger les agriculteurs à enregistrer aussi tous leurs échanges, achats ou ventes de semences. La commission européenne a annoncé la mise en place d’une gestion électronique de tous les mouvements de semences à l’échelle européenne. Les logiciels sont prêts pour permettre aux semenciers d’identifier les paysans qui doivent leur verser des royalties, ceux qui ont utilisé des semences de ferme interdites et ceux qui échangent leurs semences paysannes sans autorisation. Ils sont prêt aussi à programmer avec précision l’éradication de toutes les semences « illégales ». Seules les semences-propriétaires confisquées par les Droits de Propriété Industrielle (DPI = COV et brevets) des multinationales pourront être cultivées.

Ces logiciels électroniques sont incapables d’améliorer le vivant sans le rendre malade et finalement le détruire. Ils ne sont là que pour organiser le contrôle et l’appropriation de tout ce qui bouge par les DPI. Seul le paysan peut accompagner le renouvellement naturel et gratuit de la vie dans sa ferme. C’est pourquoi nous ne participerons pas à son éradication électronique. Que le droit nous en soit ou non reconnu, nous continuerons à reproduire et à échanger librement nos animaux et nos semences : il en va de l’avenir de nos enfants !

Guy Kastler,
délégué général du Réseau Semences Paysannes
http://www.semencespaysannes.org/

publié dans Campagne Solidaire n°282 mars 2013
et dans la « Mauvaise Herbe », journal de la Confédération Paysanne de la Drôme

http://www.confederationpaysanne.fr/campagnes_solidaires.php?type=CS&PHPSESSID=odj1ajloq7jo857rh4evjccmg6

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