Pudeur ?
La femme primitive, fière de sa féminité, défendit longtemps « sa nudité » que l’art antique a toujours représentée. Et, dans la vie actuelle de la jeune fille, il est un moment où elle sent, par un atavisme secret, la fierté de son sexe, elle a l’intuition de sa supériorité morale et ne comprend pas pourquoi il faut en cacher la cause. A ce moment, flottant entre les lois de la Nature et les conventions sociales, elle ne sait pas si le nu doit l’effrayer ou ne pas l’effrayer. Même une sorte de souvenir atavique, confus, lui rappelant l’époque antérieure au vêtement, lui montre comme un idéal paradisiaque les usages de cette époque de l’humanité.
Chez le jeune homme, des changements bien différents surviennent par suite de son entrée dans la vie sexuelle. C’est chez lui qu’il y a, pour passer de l’enfance à l’adolescence, une révolution mentale, une crise intellectuelle et morale, une conversion accompagnée d’un changement du regard. L’apparition de la barbe lui fait perdre sa beauté enfantine, sa voix devient grave et sourde, ces changements le troublent profondément. Il devient timide en face de la Femme et cherche à dissimuler ses caractères sexuels. C’est lui qui invente le vêtement, et nous verrons chez certains peuples primitifs les hommes se voiler la partie inférieure du visage pour cacher la barbe naissante ; chez les Touareg les hommes sont voilés et les femmes ne le sont pas. Et, dans les peuplades sauvages, les missionnaires n’arrivaient pas à obtenir des femmes jeunes qu’elles adoptent l’usage du jupon.
La pudeur c’est la honte masculine attribuée à la femme, pour deux raisons : la première, c’est parce que l’homme croit la femme soumise aux mêmes lois que lui ; la seconde, c’est que, dans le cours de l’évolution humaine on a renversé la psychologie des sexes pour des raisons sociales que nous expliquerons plus loin, attribuant à la femme les conséquences psychologiques de la sexualité masculine.
Ce système est l’origine des mensonges conventionnels qui, à la longue, et par une sorte de suggestion sociale, ont intimidé la femme.
C’est après avoir été longtemps persécutée dans sa sexualité que la femme s’est pliée (en apparence au moins) au régime de honte que l’homme lui a imposé, mais rien, en elle, si ce n’est l’habitude, ne lui inspire cette pudeur dont on lui fait un mérite et qui n’est, en réalité, qu’un outrage fait à son sexe.
Ce n’est pas sans lutte, du reste, que ce renversement des lois psychologiques s’est imposé.
C’est au moment de la vie où le jeune homme est dominé par les hontes de son sexe que la jeune fille se sent prise des fiertés du sien. L’homme se cache, la femme se montre, l’homme se couvre, la femme se découvre.
Du reste le déshabillé revient souvent dans les modes de la femme. Jamais dans celles de l’homme.
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