Le "Code des Templiers" et un exemple de leurs lettres de menaces aux entreprises
Mais au cours de la dernière semaine, les événements ont dépassé les prévisions gouvernementales, et en moins de temps qu’il ne le faut pour le dire, la coordination des forces fédérales avec les Autodéfenses s’est fissurée, après la conférence tenue entre la momie Fausto Vallejo, le vice-roitelet fantoche qui mène le gouvernement de Michoacán et le mini vice-roitelet du castel de l’avenue Bucareli, Miguel Ángel Osorio Chong [ministre de l’Intérieur], deuxième couteau du joueur de pipeau Peña Nieto, qui a donné l’ordre de désarmer les corps armés - après la "chute" d’une avionnette dans laquelle voyageait le leader des rebelles michoacains, le docteur Mireles, au moment où les forces d’autodéfense avançaient sur Apatzingán et Uruapan et où les criminels bloquaient les routes, incendiaient des camions et des commerces dans diverses communes michoacaines.
À la différence de ceux qui font une analyse simpliste de la situation et assurent que “Les Chevaliers templiers ont déjà réussi à intégrer l’armée mexicaine à leur meute de chiens d’attaque” ou que “Les forces armées (sont prêtes) à protéger les Chevaliers templiers” et à agir contre les groupes civils armés, il est nécessaire d’approfondir la réflexion un peu plus pour ne pas tomber dans la tentation de penser que l’on a déjà affaire à une guerre civile, ou que les corps d’autodéfense sont les défenseurs authentiques du peuple, ou qu’il s’agit d’une insurrection prolétarienne contre la bourgeoisie, ou encore que ces corps d’autodéfense agissent à la manière des policiers communautaires de Guerrero et de la patrouille communautaire de Cherán et d’autres peuples indigènes du Plateau purépecha. Ils ne sont similaires ni par leur origine ni par leur structures, ni par leurs objectifs.
L’apparition des Corps d’autodéfense en février 2013
Les groupes d’autodéfense ont surgi au départ, au Michoacán, dans des communes urbanisées ou en tout cas pas ou peu indigènes, comme Coalcomán ou Tepalcatepec, lieu d’où surgit la proposition initiale, inspirée par l’exemple de la patrouille communautaire de la municipalité autonome de Cherán et dans laquelle toute la population civile est active ou est impliquée : c’est que toute la population (petits commerçants, paysans, taxis, épiciers, menuisiers, restaurateurs, artisans, éleveurs, grands agriculteurs, mineurs et entrepreneurs) subissait des vols, des extorsions, des enlèvements, des viols, des assassinats et des obligations de payer le racket de “sécurité”.
Mais, bien que tous les secteurs de la population soient en alerte, ce réseau d’autodéfense est dirigé et subventionné par des éleveurs et entrepreneurs agricoles, dont le leader est le médecin et professeur José Manuel Mireles. En février et mars 2013, au début de ces actions de défense contre les Templiers et indirectement contre les gouvernements municipaux et le gouvernement de l’État michoacain, infiltrés tous deux par les narcos, ils se virent harcelés par l’armée et le gouvernement fédéral qui à plusieurs reprises tentèrent de les dissuader de sortir leurs armes de leurs râteliers ou carrément de les désarmer. Finalement, après des dialogues officiels avec les représentants des autodéfenses, le gouvernement fédéral se mit d’accord pour réaliser des actions coordonnées avec les « insurgés » afin de combattre le crime organisé.
Les “territoires libérés” des "méchants" allèrent en augmentant jusqu’à englober des lieux aussi importants que Nueva Italia ou La Huacana qui s’ajoutèrent aux petites localités de Tomatlán, Carillo Puerto, Aquila, Aguililla, Antúnez, Parácuaro, Tantcitaro, Acahuato, Buenvista, La Ruana et Churumuco, qui vinrent grossir la liste des villages michoacains qui s’étaient levés contre les « méchants » comme Cherán, Nahuátzen, Cherato, Cheratillo, Urapicho, Zicuicho, Oruscato, Ocumitzo et les autres communautés autochtones qui s’étaient unies, des années auparavant, pour combattre le fléau du crime, mais avec d’autres conceptions, méthodes et objectifs.
Le mouvement des autodéfenses est sorti du chapeau des Fédéraux et de Peña Nieto, laissant une fois de plus des marques d’infamie sur sa houppe sanglante
Le mouvement a échappé au contrôle du gouvernement fédéral quand, après avoir pris La Huacana, Parácuaro, la Cohuayana et Nueva Italia, les « communautaires », comme disent les médias (créant une confusion dans l’opinion publique), décidèrent de prendre Apatzingán, « quartier général » des « Chevaliers », qui ne sont pas plus templiers que les pirates ne sont des altruistes. Ainsi sentant l’odeur d’insurrection de la bourgeoisie qui s’est arrogé le rôle de dirigeante naturelle des autres classes sociales et qui prend ses forces depuis la base, les notables de l’État se sont alarmés et ont commencé à exhaler des relents méphitiques. La Momie Vallejo, dépêchée à Apatzingán, (Ay, que ne donnerait pas ce vieux pour ressembler ainsi, ne serai-ce qu’un tout petit peu, au grand Vallejo, Don Demetrio !) demande « l’aide » de Peña Nieto (comme dans le cas d’ Atenco où les PRDistes Higinio Martinez et Nazario Gutiérrez demandèrent « l’appui » du gouverneur de l’époque de l’État de Mexico… Peña Nieto ! pour qu’il réprime les petits vendeurs de rue d’Atenco, on connaît la suite !).
Et ici, avec le même prétexte que celui utilisé dans la Nación de los Machetes (Atenco), le même personnage au pouvoir – la marionnette de Salinas, celui qui a donné l’ordre à l’armée d’attaquer les Corps d’autodéfense - l’armée est entrée à Antúnez comme elle était entrée à Atenco, assassinant 4 personnes, dont une petite fille de 11 ans, selon les informations d’El Universal. Infâme ! Sans doute est-ce là le sceau de Peñanieto-la-répression qui agit comme un malade. Mais l’Autodéfense d’Antúnez, dit Estanislao Beltrán, coordinateur général, n’a pas rendu les armes, et ne les rendra pas jusqu’à ce que tombent les chefs de l’organisation criminelle.
Soulèvement populaire à partir des réseaux sociaux ?
Face à cela, une image naïve a été diffusée par de nombreux fessebouquiens dans les réseaux sociaux : on serait face à un soulèvement populaire, un mouvement né à la base, comme à Cherán, nous serions en guerre civile et à un pas de la révolution sociale. Non, mais c’est le danger : que les bases débordent les dirigeants, les entrepreneurs agricoles et éleveurs, et identifient tout d’un coup clairement leurs adversaires, disant NON aux partis politiques !, et proposent des structures d’ autogouvernement, exactement comme cela s’est passé dans le premier village qui a affronté les « méchants », à Cherán.
Ainsi, le gouvernement préfère avoir comme ennemis les Templiers, qui finalement sont des lumpen-prolétaires et donc des alliés objectifs de la bourgeoisie, qu’un peuple organisé qui, dans la lutte pour la survie, pourrait effectuer un saut qualitatif pour acquérir la conscience de classe.
C’est ce que redoute le gouvernement : que la population passe de “corps” organisés à des assemblées communautaires et déborde ses actuels dirigeants. Parce que l’évolution d’un peuple en arme et organisé est doublement dangereuse. D’ailleurs une chose est sûre, ce ne sont pas les Templiers qui contrôlent le gouvernement, c’est lui qui reçoit l’aide des Templiers pour semer la terreur et désarticuler les communautés. Ils sont comme cul et chemise. Si au départ le gouvernement a appuyé le Conseil d’Autodéfense, ce fut parce qu’il y avait des membres de la bourgeoisie qui faisaient du lobbying auprès de lui pour protéger leurs intérêts, mais ce mouvement qui s’étend dangereusement à travers les villages et les villes lui échappe. Pour cette raison, d’ « allié » des forces d’autodéfense des municipalités, il en est venu à reprendre une posture « institutionnelle », « promettant » l’application stricte de la loi. Ouais, ouais… !
Différences entre polices communautaires et groupes d’autodéfense
Un fossé les sépare ! Il est important de ne pas assimiler ces mouvements d’autodéfenses avec les polices communautaires, comme celles du Guerrero, qui existent déjà depuis 18 ans, et qui ont énormément évolué. Actuellement on dénombre 24 polices communautaires qui appartiennent à la Coordination Régionale des Autorités Communautaires (CRAC), et qui vont bien au-delà de l’autodéfense. Ces polices s’inscrivent dans un projet de développement intégral auto-soutenable de la région et dans la création d’un système de justice unique en son genre, en outre elles n’ont pas de leaders mais une structure horizontale et tentent par tous les moyens d’éviter toute alliance avec le gouvernement. Ce qui les différencie des groupes d’autodéfense est leur système de justice et d’autorité communale. Il est clair que ces organisations incommodent le gouvernement du Guerrero. En revanche, il y existe d’autres polices communautaires qui sont plus proches du gouvernement comme c’est le cas de l’UPOEG, l’Union des Peuples et Organisations de l’État du Guerrero.
Tous ces groupes de base ont un dénominateur commun : ils sont le résultat de l’augmentation de la criminalité, des vols, enlèvements, assassinats, crimes résultant du degré de pauvreté le plus élevé du territoire mexicain. Au Michoacán, ils ont des origines similaires mais avec des différences sensibles. Ici intervient le crime organisé, les narcos, qui sont présents sur le territoire urbain et rural.
D’où la différence de nom et de traitement
Les noms ont également leur raison d’être, les CRAC elles-mêmes refusent le nom de « groupes ou corps d’autodéfense » parce qu’elles sont des projets communautaires de base. Elles disent : « Nous ne sommes pas de l’autodéfense, nous sommes des ’institutions’, protégées par les lois du Guerrero et l’article 169 de l’OIT [obligation de consultation préalable, libre et informée des communautés Indigènes pour tout projet concernant leurs terres, NdT] », et en effet les polices communautaires sont reconnues par la loi dans cet État rebelle.
Leurs instances décisionnelles sont les assemblées communautaires, régies par des règlements et des lois internes, c’est une structure très différente des tout jeunes corps d’autodéfense michoacains. De même, les noms des groupes armés ne sont pas innocents, chacun résulte d’un concept différent. « Police », « ronde/patrouille » et « gardes communautaires », qui gardent une indépendance par rapport au gouvernement, ce n’est pas la même chose que « corps », « groupes » ou « conseil d’autodéfense », qui font alliance avec le gouvernement et agissent de concert avec lui, comme dans le cas qui nous occupe au Michoacán, quoiqu’à présent l’accord de coopération ait été rompu, sous le même prétexte que celui utilisé au Guerrero, l’argument du gouvernement étant qu’il ne peut y avoir de civils armés.
Ainsi, tant que les organisations du peuple n’envahissent pas le territoire du pouvoir, elles sont tolérées. Mais quand l’organisation acquiert un caractère radical, immédiatement, on attribue des « enlèvements », « homicides » et autres crimes aux membres des gardes communautaires, comme cela c’est passé avec les CRAC qui sont les organisations armées que combat le gouvernement parce que, du fait qu’elles recherchent l’autonomie et l’autogestion, elles sont incommodantes. D’où l’emprisonnement de Nestora Salgado à Olinalá, l’arrestation de Gonzalo Molina à Tixtla et d’Arturo Campos à Ayutla, qui est également détenu.
C’est cela la logique du gouvernement. Les "corps d’autodéfense" ne seront pas désarmés à condition de promettre de ne pas sortir du giron de l’État, ce qui veut dire : à condition qu’ils garantissent que leur organisation restera seulement d’autodéfense. Dès lors, on pourra affirmer que ceci n’est pas une guerre civile, ni un soulèvement populaire et encore moins le début d’une révolution sociale. Des secteurs de la bourgeoisie agraire ont vu leurs intérêts affectés de manière sensible et pour le moment leur définition exacte est : Corps d’Autodéfense.
Mais il serait bon que ces mêmes secteurs retournent leurs armes contre l’attaque criminelle de Peña Nieto contre le peuple mexicain.
Salvador Díaz Sánchez
Source : http://www.lajornadadeoriente.com.mx/2014/01/15/autodefensas-en-michoacan-guerra-civil-o-insurreccion-de-la-burguesia