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MEXIQUE : ACTEAL, TERRORISME D’ETAT ET IMPUNITE

Le gouvernement mexicain, par l’intermédiaire de la Cour Suprême de Justice de la Nation, vient de faire libérer 20 des paramilitaires qui en décembre 1997 ont assassiné 45 indigènes tsotsil du Chiapas, en majorité des femmes et des enfants, appartenant à l’organisation catholique des « Abejas ».

Les membres des Abejas ont le tort de soutenir les revendications des zapatistes, avec lesquels la seule divergence porte sur l’organisation armée, que ces chrétiens fervents et pacifistes refusent.

Les victimes étaient en prière lorsque les paramilitaires ont surgi pour commettre le massacre. A quelques centaines de mètres, était déployé un détachement de l’armée fédérale mexicaine, sous les ordres d’un général.

Ce massacre a entraîné l’exode de plusieurs milliers d’habitants d’Acteal et des communautés voisines, et une forte insécurité, attisée par la présence des militaires.

Devant l’indignation nationale et internationale, et la pression de la population locale, la « justice »officielle avait dû opérer des arrestations. Mais les responsables au plus haut niveau, notamment le président de la République Ernesto Zedillo et le ministre de l’intérieur Emilio Chuayffet, n’ont jamais été inquiétés.

La stratégie de « guerre de basse intensité », incluant la création et l’utilisation de groupes paramilitaires, a été mise en oeuvre par le gouvernement mexicain en réponse aux exigences zapatistes de terre, de justice et de dignité. Les paramilitaires sont recrutés dans les villages indigènes. Payés, armés, entraînés et protégés par l’armée, ils sont également « récompensés » par l’usurpation des terres et des biens des familles qu’ils terrorisent et font fuir.

La libération des assassins, ordonnée sous le prétexte d’irrégularités dans les procédures pénales qui ont accompagné leur arrestation et leur condamnation, sème le désarroi, la colère et la peur chez les familles des victimes et les survivants.

Elle témoigne d’une volonté réitérée d’assurer l’impunité de ceux qui commettent des crimes d’Etat, au Mexique et ailleurs. Elle s’inscrit dans la continuité de ceux qui ont été récemment perpétrés contre des populations en résistance à Atenco, à Puebla ou dans l’Oaxaca, et fait craindre à un retour des pratiques des assassinats massifs (massacre de Tlatelolco en 1968) et de la « guerre sale » (enlèvements et exécutions clandestines opérées par l’armée, tortures et meurtres systématiquement impunis) des années 70 et 80.

Le message envoyé par le président Calderón et ses juges aux victimes d’Acteal ne s’adresse pas qu’aux victimes. Il vise également les zapatistes et tous ceux, nombreux au Mexique, qui résistent « en bas et à gauche », sur le terrain, aux politiques brutales de saccage et de destruction permettant à une poignée d’entreprises et d’individus de s’enrichir.

Il ne faut pas oublier que la « guerre de basse intensité », menée contre les zapatistes et les peuples indigènes, enseignée à l’Ecole des Amériques (1) de Fort Benning, aux USA, est une « invention » française. En outre, nos gouvernements vendent du matériel militaire à l’armée mexicaine, et des membres du RAID ont participé à la « formation » de policiers de ce pays. Cela explique probablement l’épais silence et la désinformation, dans la presse de chez nous, à propos de la violence de l’Etat mexicain.

Jean-Pierre Petit-Gras

(1) Les putschistes du Honduras, comme la grande majorité des dirigeants des dictatures militaires des années 70 et 80, y ont reçu une formation.

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