Désolé, je n’irai pas manifester : Il ne s’agit de savoir si des personnes de même sexe peuvent former un couple. Il s’agit de savoir si elles peuvent se marier, s’il y a un sens à ce qu’elles se marient. On peut contester cela sans être ni borné ni homophobe. Il suffit de ne pas se satisfaire d’arguments de midinette (ils s’aiment donc marions-les) et de prendre conscience des implications idéologiques et politiques de la théorie du genre.
Il faut commencer par réfléchir à ce que sont le mariage et la famille et à ce qu’en dit l’idéologie du genre, puis plus largement à ce qu’elle dit des différences de sexe et de comportement sexuel.
La famille organise le rapport social de sexe. Elle est une institution, présente dans toutes les sociétés, dont l’un des objets est d’assurer la reproduction sociale par le contrôle des filiations. La prohibition de l’inceste, dont on fait souvent la base de toute culture, ne se conçoit pas sans elle. Qu’elle soit nucléaire ou communautaire, la famille est le noeud même de toute société puisqu’elle est au croisement des rapports sociaux de sexe et des rapports de génération qui sont présents dans toutes les sociétés, à toutes les époques, et quel que soit leur mode de production. On peut remettre en cause cela mais il faut au moins en être conscient.
Reste le second volet du problème : on nous parle « d’orientation sexuelle ». Que recouvre ce vocabulaire nouveau ? La réponse est : il s’agit d’un renversement dans la façon de caractériser un individu. Ce renversement est une opération idéologique.
En effet, on peut caractériser un individu à la fois par son sexe et sur la base d’un comportement sexuel plus ou moins exclusif. La question est alors celle de la stabilité de ces classifications. C’est celle des fondements de l’une et de l’autre et de là c’est la question de ce qu’on peut fonder sur l’une et sur l’autre. Si la classification par la différence de sexe a été jusqu’à présent le fondement exclusif de la structure familiale c’est qu’elle est stable et qu’elle permet à la famille de jouer son rôle dans le renouvellement de la société. On voudrait considérer que la seconde classification (celle sur le comportement) permet un fondement aussi stable. Mais il n’en est rien car, non seulement l’orientation sexuelle peut varier mais plus encore elle n’a de sens que par la différence sexuelle. Elle ne peut que venir après. C’est dans la négation de cette évidence que commence l’opération idéologique de la théorie du genre. Cette opération consiste à vouloir substituer à l’identité sexuelle fondamentale (celle qui différencie les hommes et les femmes), une identité fondée sur la sexualité qui oppose les hétérosexuels aux homosexuels. On opère un glissement d’une classification des sujets selon leur sexe à une classification selon le « genre ».
Cette substitution du sexe par le genre n’est pas légitime : elle est illogique car elle se fonde sur ce qu’elle nie. En effet, ni l’hétérosexualité ni l’homosexualité - qui sont la structuration du désir - n’ont de sens sans référence à la différence sexuelle. La substitution de l’une par l’autre ou même l’affirmation d’une équivalence entre ces deux formes « d’identité » s’appuie sur l’un des faits constatés pour récuser l’autre (sur la variété des comportements pour occulter la pertinence de la différence des sexes). Une des conséquences du glissement opéré ainsi par l’idéologie du « genre » est de construire une classification sexuelle des individus, qui ne concerne plus leur sexe, mais leurs goûts et qui vise à les enfermer dans une détermination fixe et définitive, à doter chaque « communauté » d’une culture propre exclusive de l’autre.
Pour achever le travail de renversement, on ajoute à cela que la différence des sexes est une « construction sociale ». On part d’une évidence et d’un constat simple : attribuer un sens à la différence des sexes est l’un des traits fondamentaux, peut-être même fondateur, de l’espèce humaine ; le statut des hommes et des femmes dans une société est largement déterminé socialement (avec le concours des autres rapports sociaux). L’avenir de l’enfant, garçon ou fille, est marqué par la structure sociale. L’opération de l’idéologie du genre consiste à partir de cela pour en faire une opération « performative » c’est-à -dire qui crée elle-même son objet. L’idéologie du genre dit donc que la différence des sexes est une construction sociale et sur ce plan elle voudrait la mettre au même niveau que le choix de « l’orientation sexuelle ». Ce que cette opération idéologique veut faire oublier c’est que les constructions sociales ne s’édifient pas de façon absolument arbitraire et autonome, à partir de rien. La forme historique que prend la différence des sexes ne peut pas être le prétexte à occulter cette différence. On omet de voir qu’il n’y a ici ni matière à performativité ni à un choix parce qu’il n’y a pas de base sur laquelle viendraient se greffer les objets du choix. Il n’y a pas sous les formes sociales des statuts masculins ou féminins, un sujet neutre ou asexué. La philosophe Michèle Le Doeuff fait d’ailleurs remarquer que la « perspective dite de gender » conduit à sa propre négation. Elle écrit : « on ne croit plus à des natures sexuées, tout çà c’est du culturellement construit, mais construit par qui ? Ah ! par les hommes et du coup, comme ils sont constructeurs de la culture plus que construits par elle, c’est bien une masculinité en soi, pour soi et réelle qui détermine les productions culturelles ». On bute toujours sur cette évidence : la différence des sexes est un fait de nature, la différence des comportements n’en est qu’une suite. Il n’y a pas égalité entre sexe et orientation sexuelle. L’un et l’autre n’ont pas le même titre à être le fondement de l’institution de la famille.
Tout cela ne serait que fantaisie et jeu pour intellos branchés si cette opération ne venait se greffer sur l’offensive ultra-libérale et si elle n’en était pas un des fers de lance. Car, il n’y a pas d’innocence là -dedans. On trouve les mêmes relais et les mêmes financiers. C’est ainsi qu’en France, on voit s’agiter l’agent d’influence Pierre Bergé qui est un de ceux qui ont contribué l’alignement du journal, « de référence », Le Monde. Il en est devenu l’un des actionnaires et a contribué à le mettre sous le contrôle du propagandiste Alain Minc. Ce même homme est le financier et l’inspirateur des groupes LGBT et c’est en leur nom et au milieu d’eux qu’on l’a entendu faire récemment cette déclaration à l’inspiration idéologique limpide : « Nous ne pouvons pas faire de distinction dans les droits, que ce soit la PMA, la GPA. Moi, je suis pour toutes les libertés. Louer son ventre pour faire un enfant ou louer ses bras pour travailler à l’usine, quelle différence ? C’est faire un distingo qui est choquant."
Il est clair que la gauche communiste fait fausse route en cette compagnie. Elle ne voit pas qu’elle serait bien mieux inspirée de se soucier de ce qui détruit l’institution familiale et devrait se rappeler ce passage du Manifeste du Parti Communiste : « La famille, dans sa plénitude, n’existe que pour la bourgeoisie ; elle a pour corollaire la suppression forcée de toute famille pour le prolétaire …. ». Elle ne voit pas qu’elle cède sans combattre à l’idéologie du « genre » venue des Etats-Unis. Ce qui fait que cette idéologie est diffusée avec tant de complaisance, c’est qu’elle constitue une charge particulièrement efficace contre le marxisme qu’elle prend si on peut dire à revers. Cette idéologie a pour avantage de faire l’impasse sur l’idée de rapports sociaux et de déplacer la conflictualité sociale des rapports sociaux (qu’ils soient de classe ou de sexe) sur une tolérance réciproque entre « genres » qui appelle une lutte contre les discriminations et les préjugés. Elle supplante et annule l’idée de lutte de classe et de lutte pour l’égalité des sexes. Elle travaille à la division généralisée en multipliant les sous-groupes LGBT, QIA etc. (son imagination est infinie).
Marx Lemoine
http://www.humanite.fr/politique/les-partisans-du-mariage-pour-tous-passent-l-offen-513509