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Marche des fiertés : de la dépolitisation à l’homo-nationalisme

Le 30 juin 2018, la Marche des Fiertés Lesbiennes, Gais, Bisexuel-les et Trans s’est tenue à Paris. L’événement étant, depuis les émeutes de Stonewall (28-29 juin 1969) commémorant les morts et les victimes de l’homophobie et de la transphobie, une fenêtre pour la cause LGBT+.

C’est une manifestation importante pour des parts de la population habituellement marginalisées et condamnées – y compris parfois en France – à l’entre-soi voire à la clandestinité. La marche cette année encore ne fait pas consensus, que cela soit dans la gauche militante au sens large, ou dans la sphère des associations LGBT+. Elle est aujourd’hui perçue par beaucoup comme la vitrine aseptisée d’un progressisme de façade du gouvernement bourgeois et capitaliste, ou comme un lieu de fausse diversité où les multinationales (Mastercard, Tinder) peuvent exprimer leur soutien à la population homosexuelle gentrifiée, bourgeoise et blanche. D’autres encore regrettent de voir cette manifestation historique se transformer en « Techno Parade Bis » sans revendication ferme et révolutionnaire, où l’on déambule entre les chariots des associations et partis politiques et celles des entreprises et multinationales repeintes en arc-en-ciel « gay friendly ».

La cause LGBT concerne de près les JRCF, comme l’anti-racisme et le féminisme. Ces questions sont intrinsèquement liées, en tant que faits sociaux, aux conditions matérielles de la société. Sans remise en cause de la division sexuelle du Travail dans l’histoire et dans le capitalisme il ne peut y avoir de changement miracle des mentalités et d’évolution radicale de la place des femmes et des minorités de genres, ainsi que de la perception commune de l’orientation sexuelle et des codes de genres. Tout comme l’exploitation historique et contemporaine des populations « indigènes » par l’impérialisme français et européen – d’abord dans le commerce triangulaire des esclaves puis dans le cadre du colonialisme et enfin dans l’exploitation de la main d’œuvre immigrée par le capital – ne peut être détruite sans mener à bout la lutte des classes. Le rapport de production conditionne les rapports sociaux. Les violences anti-LGBT, le machisme et le racisme ne peuvent s’arrêter dans l’exploitation de l’homme par l’homme, où la majorité est dominée et exploitée par une classe dirigeante. En tant que produit de la division du travail et de la société en classes antagoniques, les dominations sociétales n’ont pas de place dans une société communiste (société sans classe) puisque ce mode de production évacue leurs causes. Les communistes ont à cœur en tant qu’humanistes la lutte contre toute forme de discriminations. Ces discriminations s’opposent au modèle de société que nous prônons.

La vitrine « gay friendly » de la mairie Parti Socialiste ou du gouvernement En Marche (qui ose proclamer l’égalité entre homme et femme comme cause quinquennale alors même que sa politique ne la fait pas avancer d’un pouce) est une totale hypocrisie. La gauche progressiste est dépassée par les tendances bourgeoises et collaboratrices qui ne voient pas, ou ne dénoncent pas les problèmes que posent la dépolitisation de la manifestation des Fiertés et sa récupération par toute sorte d’enseignes publicitaires. La mairie de Paris s’appropriant de l’imagerie « gay » (passages cloutés peints en arc-en-ciel qui seront conservées -source : Twitter : Mairie de Paris) et ayant depuis 2017 permis à la marche de partir de la place de la Concorde ne fait que tenter de se donner une image de progressisme. Alors même qu’elle participe aux projets du « Grand Paris » bourgeois, poussant la gentrification de la proche banlieue (Saint-Denis, village olympique choisi dont la gentrification a commencé) et réduisant l’autonomie des départements de la Petite Couronne. L’entreprise étasunienne de transaction Mastercard a été requise pour la quête lors de la marche, des bornes et des logos de l’entreprise, ainsi qu’un char réservé seront bien évidemment présents (Source : slate.fr). Même chose pour le géant Google. Le mot d’ordre de la manifestation : « Les discriminations, au tapis, dans le sport, comme dans nos vies ! » On voit l’étendu des revendications d’un événement aux mains des entreprises capitalistes et du gouvernement bourgeois.

On est loin des revendications révolutionnaires du mouvement LGSM des grèves britanniques de 1984-85 et le ras-le-bol qu’exprimaient les pionniers de Stonewall et des premières « Prides » face à l’oppression policière, la marginalisation et l’homophobie ordinaire, mais aussi contre l’exploitation capitaliste et les politiques néolibérales. Puis contre l’épidémie de VIH, la médicalisation de l’homosexualité, de la dysphorie de genre. On en oublie que les luttes LGBT ont aussi historiquement été convergentes avec les revendications de la classe ouvrière. La visibilité de la cause transgenre n’est pas évidente non plus. L’accès à la PMA pour les femmes lesbiennes comme revendication n’est que peu affichée alors même que les associations LGBT et politiques de gauche la soutiennent et la revendiquent.

Ce mot d’ordre semble d’autant plus futile quand on constate la hausse des crimes et agressions homophobes et transphobes annoncées ces dernières années par les instituts de sondage et d’observation du phénomène (SOS-Homophobie : +19,5 % de témoignages d’actes homophobes en 2016 par rapport à l’année précédente / source : Le Monde). 121 agressions rapportées en 2016, des taux de suicides ou d’abandon familial toujours très haut dans la jeunesse LGBT, et une peur présente chez beaucoup. Dans le cadre de la crise du capitalisme, cela coïncide aussi avec la fascisation des pays d’Europe et la radicalisation de l’extrême droite française. Ces attaques homophobes sont aussi l’objet de préjugés immenses qui alimentent le phénomène de l’homo-nationalisme. Des personnes homosexuelles font le constat qu’une partie de la population d’origine immigrée a une série de préjugés homophobes. Cela est généralement imputé de manière totalement idéaliste à l’Islam seul, sans recul sur les causes sociales et historiques du machisme et de l’homophobie qui y est lié. Après ce constat, prétendant oublier que ces préjugés et ces actes émanent aussi de la population française « de souche », ils font par un chauvinisme et un racisme total la démonstration de leur ignorance. Ainsi le mal, l’homophobie, proviendrait de l’immigration, et l’occident blanc serait par nature progressiste et bon. On a pu voir cet homo-nationalisme soutenir la campagne de Donald Trump ou de Marine Le Pen. Il faut comprendre l’enjeu de cette position caricaturale. En accusant vulgairement la population immigrée et racisée d’être la seule cause de leur souffrance, les homo-nationalistes rejettent toute approche marxiste et matérialiste des discriminations. Ainsi des personnalités comme Florian Philippot peuvent revendiquer leur homosexualité pour donner des tons plus « progressistes » à leur discours identitaire, nationaliste, bourgeois, et plus encore, incohérent. La lutte populaire pour les droits des personnes LGBT a permis à la bourgeoisie homosexuelle de s’exprimer à son tour et d’accaparer un discours venant de la base. Comme l’anti-racisme fut jadis accaparé par SOS-Racisme et par le Parti Socialiste, privant de parole les personnes des quartiers populaires, l’homo-nationalisme et l’homosexualité libérale empêchent certains de réaliser l’ancrage de ce qu’ils subissent dans la superstructure idéologique, conditionnée par l’infrastructure économique.

On voit là les limites d’un mouvement entre les mains de la bourgeoisie. Perte de force revendicatrice des organisations, collusion avec le capitalisme et son chien de garde, le fascisme. Les sursauts venant de la base appelant à un cortège de tête dénonçant tout ou partie de ces phénomènes de dépolitisation et de récupération politique et médiatique ne sont pas assez. Il faut un front réellement progressiste et un discours révolutionnaire porté par une organisation politique d’avant-garde. L’aboutissement des luttes LGBT ne peut se faire que dans la sortie du capitalisme et dans la réalisation d’une société sans classe, sans exploitation, et sans discriminations.

L’histoire, bien qu’elle soit souvent oubliée, nous le montre. Dès 1918, le gouvernement bolchevique de Lénine a légalisé l’homosexualité en Russie. Le premier Etat qui fit ce progrès immense était la Russie soviétique. La France n’accomplit cela que dans les années 1980. Si ce progrès fut victime d’un retour en arrière dans les décennies qui suivirent, il ne faut pas oublier de quel camp politique il émanait. Le mouvement anglais « Lesbians, and Gays Support the Miners » (LGSM), fondé par Mark Ashton, membre du Parti communiste de Grande-Bretagne réalisa dans les années 1984-85 l’importance d’une lutte convergente de la classe ouvrière dont la majorité des homosexuel(le)s font évidemment partie. À l’heure du recul des conquis sociaux et des casses sociales, nous, communistes LGBT devons non seulement refuser la récupération politique et médiatique de notre cause, et l’exploitation de la classe ouvrière réduite au silence par les têtes d’affiche de la Marche des Fiertés.

»» http://jrcf.over-blog.org/2018/07/m...
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