Nous sommes en juin 1968 à Amiens.
Le 12, le quotidien local Le Courrier Picard publie un communiqué de l’ORTF Amiens-Picardie. La station régionale explique pourquoi elle est en grève. Elle annonce que des tracts seront distribués dans la ville et que le soir, à 21 heures, un grand meeting-gala se tiendra au cirque municipal (une construction en dur bien connue des Amiénois pouvant contenir 6 000 spectateurs). Interviendront le journaliste sportif François Janin (spécialiste de la natation et ardent militant syndicaliste), Michel Drey, également du service des sports, le présentateur Gérard Klein, dont les sympathies de gauche sont discrètes mais connues, et le chanteur Jo Dassin.
Le 13 juin, jour du gala, Le Courrier Picard apporte d’importantes précisions. Jacques Dutronc (disons anar de droite), Françoise Hardy, Marie Laforêt et Éric Charden (clairement de droite) seront de la fête. Il est signalé que Joe Dassin fera malheureusement faux bond.
Tout cela pour dire que, alors que le mouvement était en phase de recul, qu’Hubert Beuve-Méry, le patron du Monde, retour de Madagascar, avait traité les manifestants de « voyous » (1) et que Bertrand Girod de l’Ain venait de comparer, dans l’édition du 12 juin, la Sorbonne à un « bateau ivre », d’importantes vedettes de la chanson, nullement en phase avec les soixante-huitards, surfaient sur la vague encore quelque peu tourbillonnante d’événements qui avaient sidéré De Gaulle et que Pompidou n’avait pas vu venir.
Ces vedettes viendront toutes seules et rapidement à résipiscence.
(1) Ce à quoi des journalistes lui avaient répondu : “ mais ce sont nos enfants ! ”. Et puisqu’on est dans les souvenirs...
Document transmis par mon ami et camarade Claude Dewaele.
En logo de l’article, Alain Bombard, à l’époque médecin à Amiens, lors de la première manifestation en avril 68 dans la capitale picarde (photo de Claude Dewaele).