Texte splendide, émouvant et riche de sa sobriété.
Du Maupassant, du Céline, du Brel, "oui not’ Monsieur, oui not’bon maître" y a de tout ça...et c’est vrai, " Y’en avait bien de la misère" en ce temps là ".
Mais ces temps là sont pas si vieux. ils existent toujours chez les employés viticoles des riches châteaux bordelais, les petites mains, les derniers esclaves. Ils ont au moins comme "ligne bleue des Vosges", comme horizon pour toute leur vie, un smig des fois tout juste amélioré, lorsqu’il est même atteint, le dos cassé et des tendinites à la pelle.
Parlez avec des assistantes sociales du Médoc par exemple vous comprendrez... et alors boycotterez ce vin, dont soit dit en passant, son prix est une escroquerie, qui ne profite qu’à ...devinez à qui !
En Sud Gironde, la qualité des terres est très irrégulière, souvent très pauvre, du boulbène comme ils disent, avec des remontées de graves (des cailloux) compactée où rien ne s’enracine.
Début des années 1990, on a acheté une ferme, c’est un bien grand mot ; l’étable pouvait y accueillir 6 vaches, et "l’exploitation" faisait 6/7 hectares, dont bien deux hectares de boulbène, donc de mauvaises terres. C’était des métayers, donc qui payaient au "patron" (le propriétaire) un pourcentage en nature sur chaque récolte.
Et il y avait des joualles.
Joualle - Wikipédia :
"rangées de vigne à écartement variable"
Ce qui n’est pas dit chez Wiki, et qui m’a été rapporté par un ancien, c’est que le "patron" lui, il était intéressé à avoir du vin, le nécessaire il l’avait largement, donc le "superflu" l’intéressait bougrement...
Connaissant la pauvreté du métayer, sachant donc que ce dernier était obligé de choyer prioritairement les cultures vitales ( les céréales), pour être bien certain que la vigne (le superflu) fut engraissée avec du fumier, les rangs de vigne avaient été dispersés volontairement au milieu des autres cultures pour bénéficier ainsi de leurs engrais...
La piquette, ce que l’on dit d’un mauvais vin, c’était en réalité le vin du métayer : une fois le raisin pressé, sur la rape ainsi obtenue on rajoutait de l’eau et du sucre et ça repartait en fermentation. Le breuvage ainsi obtenu n’était acceptable que des habitués. C’était un remède garanti contre tous les encombrements intestinaux....
L’habitation avait deux chambres avec des planchers posés sur terre battue, troués à cause de l’eau qu’il y avait dessous.
La pièce principale de moins de 30 m², servait de cuisine, salle à manger salon salle de bains avec un évier en pierre cimenté.
quand nous sommes arrivés, on n’a même pas eu le coeur de prendre des photos...
« de là à dire qu’ils ont vécu
lorsque l’on part aussi vaincu,
c’est dur de sortir de l’enclave..." (Brel, Jaurès) »