Le Courrier, mercredi 9 Août 2006.
Evidemment, un des premiers devoirs de la presse est de tendre autant que possible à l’objectivité. Evidemment, il n’est pas toujours simple de rendre compte des événements sous les bombes et de comprendre les tenants et les aboutissants d’un conflit opposant deux pays. Mais les mots ont un sens, et le vocabulaire mesuré des médias francophones dissimule mal une agression injustifiable. Celle de l’Etat hébreu au Liban. Chacun défendra son professionnalisme comme il le souhaitera, souvent en se cachant derrière un équilibre dans les interventions, la volonté de donner la parole à un camp autant qu’à l’autre. C’est aller un peu vite en besogne. L’objectivité passe aussi par la nature des intervenants, la qualité de l’observation sur place ou tout simplement le choix des termes.
A commencer par la qualification du conflit lui-même. Il ne s’agit pas, contrairement à ce qu’affirment certains, d’une offensive israélienne contre le Hezbollah, mais bien contre le Liban. Il est évidemment plus politiquement correct d’affirmer qu’Israël lutte contre le terrorisme. Comment justifier alors la mort de centaines de civils libanais ?
Ensuite, il y a les mots qui décrivent le conflit. Au Proche-Orient, il semblerait que ce soit toujours les Arabes qui attaquent et Israël qui se défende. Pour la presse, cela s’appelle des « représailles ». Certes, ces représailles commencent gentiment à ressembler à une « boucherie ». Mais avant que les médias n’utilisent ce vocable, il faut comprendre que nous avons affaire à un cas de « légitime défense ». Et la presse de nous rappeler que le Hezbollah est soutenu par la Syrie et l’Iran. Alors qu’on oublie aisément qu’Israël est appuyé et armé par les Etats-Unis qui, en matière de violations des droits humains, n’ont rien à envier aux deux pays arabes. Il y a finalement les termes tabous ou peu usités : comme « violation du droit international », « respect des Conventions de Genève », « punition collective », « ingérence » ou « occupation ».
Le grand reporter britannique Robert Fisk, revenu de mission au Sud Liban, remarque que trop peu de journalistes enquêtent sur les événements eux-mêmes. Ils se contentent de donner la parole aux responsables politiques [1]. « Les mensonges pleuvent comme les bombes sur le Liban. »
On ne peut que donner raison au journaliste anglais quand il appelle ses confrères à circuler sur les champs de bataille avec un livre d’histoire sous le bras. Il serait même recommandable d’élargir son exhortation à l’ensemble des rédactions. Rappelez-vous par exemple que, à la fin de la guerre du Liban en 1990, le gouvernement étasunien soutenait la présence syrienne au pays du Cèdre, en échange de son aide dans la Guerre du Golfe...
Virginie Poyetton
– Source : Le Courrier de Genève www.lecourrier.ch
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