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Lettre à Madame Marie-Odile IMBERT, Consul-Adjoint Chef de Chancellerie de la France au Togo

Lomé, le 15 novembre 2011

A
Madame Marie-Odile IMBERT
Consul-Adjoint Chef de Chancellerie de la France au Togo / Lomé-TOGO

Madame,

Il est évident pour moi qu’après cette lettre, je serai rayé de la liste des invités aux célébrations de l’indépendance de la France et aux soirées personnelles de Monsieur l’Ambassadeur de la France avec titre "d’anti-français" comme vous aimez à nous classer, mais je m’en moque, j’ai des amis Français respectables que j’apprécie, que j’aime bien, qui sont solidaires de ma vision du monde et qui n’ont rien de la piteuse image que vous nous donnez de la France.

Je suis Frédéric GAKPARA, Frédéric Evariste Kossigan GAKPARA-YAWO à l’état civil, Artiste, Ecrivain et Promoteur Culturel de profession, Fondateur de la FONDATION DENYIGBA , Directeur Général du CENTRE CULTUREL DENYIGBA, Secrétaire Général-Adjoint de la Coalition Togolaise pour la Diversité Culturelle , membre de plusieurs réseaux africains de promoteurs culturels et j’en passe.

Il vous est souvenance que successivement aux dates du 12 septembre 2011 et du 27 septembre 2011, vous m’aviez opposé votre refus de m’octroyer un visa d’entrée en France. Plus que les refus, ce sont leurs raisons qui m’indignent et m’obligent à vous répondre.

Les deux raisons avancées au premier refus étaient, sur votre liste, au point trois (3) : « vous n’avez pas fourni la preuve que vous disposez de moyens de subsistance suffisants pour la durée du séjour envisagé ou de moyens pour le retour dans le pays d’origine ou de résidence, ou pour le transit vers un pays tiers dans lequel votre admission est garantie, ou vous n’êtes pas en mesure d’acquérir légalement ces moyens » ; et au point huit (8) : « les informations communiquées pour justifier l’objet et les conditions de séjour envisagé ne sont pas fiables ».

Madame, ces raisons m’avaient fait sourire tandis que bien de mes amis français résidant au Togo en étaient scandalisés. Quand des personnes ressources françaises sont intervenues pour vous signaler que j’étais bien connu des services français et que je n’avais pas la tête à devenir un sans-papier, vous leur auriez répondu que ce n’était ni le CCF, ni le SCAC qui délivraient les visas, c’était vous et que vous n’aviez d’instructions à recevoir de personne. Très bien !

J’avais donc en toute humilité décidé de vous fournir mon compte bancaire et la caution bancaire en Carte Visa d’une valeur de deux millions (2.000.000) de francs CFA au lieu des un million deux cent mille (1.200.000) francs CFA qui m’étaient réclamés. Quant à la deuxième raison, j’avais signifié à mes amis français, que je n’en rajouterai mot car je n’avais aucune autre justification à apporter de mon séjour. J’avais été invité par ma soeur qui vit depuis 1984 et en toute légalité en France et je ne voyais pas en quoi l’invitation d’une maison d’édition ou d’un imprimeur devait être supérieure à la sienne, certifiée par la mairie de Maule dans les Yvelines.

Vous aviez donc, Madame, refusé tout complément de mon dossier et exigé que je dépose un nouveau dossier avec un nouveau frais de quarante mille (40.000) francs CFA de dépôt de dossier. Soit ! La France est en récession économique et a besoin de nos sous de sous-développés et je la comprends.

Mais que ne fut la surprise à ma deuxième demande de visa, Madame ? Pas que vous ayez seulement ramené la première raison, la même au point trois (3) à laquelle j’avais pourtant répondu par une caution nettement supérieure à celle demandée mais, que vous ayez aussi ramené comme deuxième raison (il fallait toujours en trouver au moins deux pour faire crédible) une toute autre que celle du point huit (8), abandonnée alors que je n’avais pourtant pas donné d’avantage d’éléments à propos ; celle au point neuf (9) stipulant : « votre volonté de quitter le territoire des Etats membres avant l’expiration du visa n’a pas pu être établie ». Waouh ! Tout porte à croire qu’entre temps, Madame de la France s’était abonnée aux vaudous togolais à mon propos pour déterminer si j’avais ou non la volonté de quitter sa belle France. Vous êtes pitoyable, Madame ! Dirigez-vous la France sur la base des subjectivités ou sur la base des lois ?

Dans la foulée, j’ai rencontré une demi-douzaine d’artistes, non des moindres, à qui vous aviez opposez le refus d’octroi de visa, avec presque les mêmes raisons aussi fallacieuses que débiles. Pensez-vous qu’un artiste qui est invité avec son groupe à prester en France avec une prise en charge de la structure qui l’invite, puisse être obligé et être réellement capable de garantir encore 30 euros par jour et par personne de son groupe durant toute la période de son séjour ? Foutaise ! CELA S’APPELLE DE LA SUPERCHERIE POUR ENTRAVER LA LIBRE CIRCULATION DES ARTISTES TOGOLAIS.

De 2004 à 2007, j’avais constamment travaillé en réseau avec le CCF qui était, peu avant ces années, désespérément désempli des artistes et du grand public (comme c’est encore le cas aujourd’hui d’ailleurs). Le CCF m’avait commandé une oeuvre qui pouvait gagner le pari de remplir sa salle de spectacle et j’avais créé La Charcuterie de la République, l’oeuvre qui défraya la chronique, assurant les meilleures recettes au CCF. Je jouais plus au CCF et je le promouvais au détriment de mon propre centre. Je prêtais mes matériels de lumière au CCF tandis que ce dernier me prêtait ses matériels de sonorisation. Sur la base de mes recommandations, des artistes et régisseurs togolais prestaient au CCF, bénéficiaient de bourses de stage auprès du SCAC et avaient leur visa pour la France. A ce jour aucun d’entre eux ne s’est établi illégalement en France. Et vous voulez que je vous prouve quoi ? La France serait-elle toujours aussi ingrate ? Paierait-elle toujours ses "amis" en monnaie de singe, tout comme elle paye les enfants d’esclaves et les enfants de "tirailleurs" ?

Quand Monsieur votre Ambassadeur m’invitait aux soirées restreintes des intellectuels et leaders d’opinion togolais dans son salon, je ne savais pas que je n’étais ni plus ni moins que "Le Nègre". Comme le dirait le commandant militaire de la force onusienne dans le film Hôtel Rwanda : « (pour eux)…, vous n’êtes même pas des nègres, vous n’êtes que des africains… » Le Vénérable Thomas SANKARA l’avait déjà si bien compris, lui qui disait : « L’esclave qui n’est pas capable d’assumer sa révolte ne mérite pas que l’on s’apitoie sur son sort. Cet esclave répondra seul de son malheur s’il se fait des illusions sur la condescendance suspecte d’un maître qui prétend l’affranchir. Seule la lutte libère... »

Madame, je vous le déclare sans ambages, ou vous êtes une désaxée en quête de personnalité sous les tropiques ou vous êtes une négrophobe en mission diplomatique. Je planche pour la dernière car vous auriez visiblement la lourde tâche électoraliste de battre le record des refus de visa pour votre campagne 2012, n’est-ce pas ? Alors allez-y ! Distribuez des refus de visa pendant que vous profitez de notre beau soleil. L’Extrême Droite votera pour vous, n’ayez crainte !

D’abord, pour votre gouverne, je voudrais vous signaler que j’avais déjà séjourné en 2006 en France et que, non seulement il ne m’était pas réclamé à l’époque autant de paperasses de merde, mais en plus, au lieu de trois mois que prenait mon visa, j’étais rentré chez moi deux mois avant l’expiration de mon visa en ne passant qu’un mois sur le "magnanime sol français". Sachez, Madame, qu’auparavant je n’avais jamais demandé de visa d’entrée en Europe, ni en Amérique du Nord (puisque vous pensez que ce sont bien là les eldorados des Africains), et sachez aussi que je n’ai jamais joué de toute ma vie au « Loto visa », une autre connerie d’avilissement des peuples d’Afrique à laquelle je ne m’adonnerai jamais. Sachez, Madame, que depuis cette première fois, je n’ai plus demandé de visa jusqu’à ce mois de septembre 2011. Toutefois, retenez que j’ai ma fille qui est née sur le sol français et qui peut avoir sa nationalité française si cela lui chante et que j’ai le droit de lui rendre visite quand bon me semble ; retenez aussi que j’ai une autre soeur qui vit en France depuis 1962 et un frère qui vit aux Etats-Unis depuis 1989 et nous sommes tous du même père et de la même mère (il faut bien que je le précise) ; ceci, pour vous signifier en conclusion de cette première mise au point, que la France n’est pas ma tasse de thé et que si je me rabaisse à vos tracasseries humiliantes d’obtention de visa, c’est pour des impératifs professionnels et familiaux, et non pour chercher ma pitance.

Ma pitance, Madame, sachez que je la trouve bien chez moi, malgré la déliquescence de la vie que nous impose la politique merdique de la FRANCAFRIQUE qui maintient à la tête des Etats francophones, des pouvoirs impopulaires et de surcroît insoucieux du sort de leurs peuples ; malgré le mépris de l’Etat Togolais à l’endroit de mes compétences et initiatives ; malgré le refus de la France , depuis 2008, de m’accorder des subventions… Eh oui, j’avance et mes projets évoluent, malgré la censure économique que je subis, forcément pour mes opinions politiques et forcément pour le Centre Culturel Denyigba que j’ai créé et que certains milieux diplomatiques jugent gênant pour le monopole du Centre Culturel Français. Que c’est pitoyable d’entendre dire : « Ne pensez-vous pas que deux centres c’est trop pour Lomé ? » ou alors « Est-ce qu’à la fin vous n’allez pas concurrencer le CCF ? »… Qu’avez-vous au juste mis aux titres de votre Service de Coopération et d’Action Culturelle - SCAC ? Parce que je réalisais des travaux majeurs avec mes financements et que je projetais impliquer des partenaires anglophones, germanophones, chinois et arabes à l’horizon 2015, on va jusqu’à écrire sur mon dossier au SCAC : « Il est fou », et on refuse dorénavant de m’accorder des financements ? Qu’y-a-t-il donc de mal à construire dans mon centre le Château Tamberma qui est classé patrimoine mondial de l’UNESCO ? On aurait préféré que je crée un festival à la con dont le financement servirait à payer le voyage de "formateurs français" par une compagnie française de voyage, des "formateurs" qui seront hébergés dans un hôtel français et qui seront restaurés dans un restaurant français et voilà la belle destinée de "l’Aide au Développement" ? Moi je ne suis pas un "commerçant culturel" et je crains de ne pouvoir jamais être, malgré toute ma bonne volonté, un bon élève de Cultures-France ainsi que d’autres réseaux français. Je ne trouve, moi, aucune concurrence à ce que tout le monde mette du sien à promouvoir sa culture et à établir le pond des dialogues culturels. Pour moi, Madame, la Culture est un Acte de Vie et c’est fièrement que j’ai fait don de mon immeuble d’une valeur de plus de cent soixante dix millions (170.000.000) de francs CFA à la Fondation Denyigba. Je n’ai donc pas fait cela pour après aller dormir dans les égouts de la France , Madame ! Sachez aussi que je produis non seulement des artistes togolais et africains au Centre Culturel Denyigba mais aussi, des artistes français. Alors ne vous foutez pas de ma gueule car ce que j’ai investi et continue d’investir dans la culture, venant de ma poche, vous ne l’avez certainement jamais fait chez vous. Je suis employeur et non employé et je connais le stress de la fin du mois en pensant à mes employés et je suis fier d’être toujours debout malgré les difficultés ; je connais autant, des jours d’opulence que des jours sans avoir rien à offrir à mon estomac, mais vivant tout au moins en toute dignité ; alors vous qui êtes une employée gracieusement payée aux frais du contribuable français et aux frais de dossier que les Togolais payent à votre consulat, une fois encore, ne vous foutez pas de ma gueule. Et passez bien le message à vos agents d’interview, qu’ils arrêtent de mépriser mes compatriotes !

De mes raisons de séjour, sachez que ma soeur m’a invité, non seulement pour la visiter (c’est son droit absolu), non seulement pour acheter des projecteurs et trouver de nouveaux partenaires pour mon centre (puisque le SCAC ne veut plus me financer), non seulement pour chercher un imprimeur pour mon nouveau livre, mais aussi, pour l’anniversaire de ma fille. En passant, sachez qu’elle est très heureuse que vous ayez refusé le droit d’entrée sur le territoire français à son père.
Imaginez donc le degré de ma "foutue fierté", Madame ; à l’idée que je puisse tout de même payer, chaque année, avec ma "pitance d’homme sans ressources de séjour en France", les vacances et la scolarité de ma fille qui est en école privée en France. Que vous êtes demeurée, Madame ! Sans ressources de séjour en France, moi ! Sans volonté de quitter la France , moi ! Vous auriez pu trouver un autre alibi qui soit plausible ; par exemple, « je lui refuse le visa parce qu’il pue le rebelle ». Oui, je suis un rebelle et je vous emmerde, Madame !

Vous prenez les Africains pour des andouilles pour perdre leur temps et leur argent à aller se plaindre à votre fameuse Commission de Recours contre les Refus de Visa à Nantes dont vous seuls en connaissez la composition ? Je suis Togolais, je réside sur le territoire togolais et c’est d’ici que j’aurai à vous répondre, Madame ! Je ne suis pas un mendiant à la porte de la France.

Sachez donc, en toute conclusion, que s’il faille aller vivre en clandestinité en France, parce que je meurs de faim chez moi, je préférerais mourir en face de Lomé 2 avec une pancarte portant l’inscription : « Monsieur le Président, vous faites la honte de mon pays car n’étant ni plus ni moins qu’un Préfet de la France , une employée du nom de Marie-Odile IMBERT peut aussi se permettre de mépriser le peuple togolais. Monsieur Votre Défunt Père, MALGRE TOUT, aurait donné 48heures à cette…je ne sais quoi, pour quitter le territoire togolais. »

Voilà , Madame de la France , les mots peu diplomatiques qui obstruaient ma gorge et qu’il fallu que je déversasse d’urgence pour mourir de glaive plutôt que de mépris. Evidemment, je vous le concède, vous n’étiez que la goutte d’eau de trop. J’espère pour vous que vous allez vous raviser de vos performances de Distributrice Automatique de refus de visa aux Togolais et avoir plus d’égard pour eux. Quant à moi, je reviendrai demander mon visa l’année prochaine et qu’il vous reprenne de salir mon passeport avec votre cachet à la con de refus de visa ! "Le fou" que je suis est prêt à vous en mettre plein la vue et les ouïes…

J’espère (puisqu’il paraît que vous venez d’arriver) que ma carte de visite, mieux, mon pédigrée, a été suffisamment exhaustif pour votre gouverne. Il ne me reste qu’à vous souhaiter, au nom de tous ceux à qui vous refusez le visa, un excellent et gracieux séjour sur la terre de mes aïeux, Madame. Et c’est sans rancune !

Frédéric GAKPARA

Ampliation :
Monsieur le Président de la République Togolaise
Monsieur le Président de la République Française
Monsieur le Ministre Togolais des Affaires Etrangères
Monsieur le Ministre Français des Affaires Etrangères
Monsieur le Ministre Togolais de la Culture
Monsieur l’Ambassadeur de la France au Togo
Commission des Recours contre les décisions de Refus de Visa d’entrée en France

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Du vivant des grands révolutionnaires, les classes d’oppresseurs les récompensent par d’incessantes persécutions ; elles accueillent leur doctrine par la fureur la plus sauvage, par la haine la plus farouche, par les campagnes les plus forcenées de mensonges et de calomnies. Après leur mort, on essaie d’en faire des icônes inoffensives, de les canoniser pour ainsi dire, d’entourer leur nom d’une certaine auréole afin de « consoler » les classes opprimées et de les mystifier ; ce faisant, on vide leur doctrine révolutionnaire de son contenu, on l’avilit et on en émousse le tranchant révolutionnaire.

Lénine

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