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Les 85 les plus riches et la meilleure moitié (Common Dreams)

Selon un récent rapport d’Oxfam International, les 85 personnes les plus riches du monde possèdent la même richesse que les 3,5 milliards qui composent la moitié la plus pauvre de la planète. Cette affirmation me semble peu plausible. Je pense que les 85 personnes les plus riches, qui « pèsent » ensemble de nombreuses centaines de milliards de dollars, possèdent, en fait, beaucoup plus de richesses que la moitié la plus pauvre.

Comment ces deux cohortes, les 85 plus riches et les 3,5 milliards les plus pauvres, pourraient-elles posséder la même accumulation de richesse ? La grande majorité des 3,5 milliards n’a simplement aucune fortune. Des centaines de millions d’entre eux ont des emplois qui leur permettent à peine de nourrir leurs familles. Des millions d’entre eux dépendent de la charité privée et de l’assistance publique pour survivre. Des centaines de millions sont sous-alimentés, souffrent d’insécurité alimentaire voire de la faim, y compris beaucoup d’entre les plus pauvres aux États-Unis.

La plupart de ces 3,5 milliards gagnent en moyenne 2,50 USD par jour. Les 40 % les plus pauvres de la population mondiale ne représentent que 5 % de tous les revenus mondiaux. Environ 80 % de toute l’humanité vit avec moins de 10 USD par jour. Et les 50 % les plus pauvres ne participent qu’à hauteur de 7,2 % à la consommation totale. Comment pourraient-ils avoir accumulé une quantité de richesses comparable à celle des 85 les plus obscènement riches ?

Des centaines de millions de personnes vivent dans la dette, même dans les pays « riches » comme les États-Unis. Ils y sont confrontés pour leurs soins de santé, leurs dettes de consommation, d’éducation et ainsi de suite. Beaucoup, sans doute la plupart de ceux qui possèdent des maisons, qui ne vivent ni dans des cabanes ni sous des ponts ni dans des vieilles voitures, sont malgré tout perclus d’hypothèques. Cela signifie que leur patrimoine familial net est négatif ; inférieur à zéro ! Ils ne possèdent pas, ils vivent dans la dette.

Des millions parmi les 50 % les plus pauvres peuvent posséder des voitures mais la plupart du temps ils en possèdent aussi les traites. Ils sont le moteur de la dette. Dans des pays comme l’Indonésie, pour les millions qui ne possèdent pas leur véhicule, il y a les bus surchargés, cabossés, les véhicules qui se spécialisent dans les pannes et les plongeons dans des ravins sur des routes mal entretenues. Parmi les 50 % du bas de l’échelle, nombreux sont ceux qui vivent des déchets collectés sur les décharges d’ordures et qui doivent envoyer leurs enfants travailler dans de sinistres ateliers clandestins qui les détruisent psychologiquement.

Le nombre de personnes vivant dans la pauvreté augmente à un rythme plus rapide que la population mondiale. Donc, la pauvreté se répand même quand la richesse s’accumule. Il ne suffit pas de déplorer ces extrêmes inégalités, nous devons aussi expliquer comment elles se forment.

Le 85 les plus riches dans le monde comprennent probablement les quatre membres de la famille Walton (propriétaires du géant mondial de la distribution Wal-Mart, parmi les dix premiers super-riches aux États-Unis) qui, ensemble, « valent » plus de 100 milliards de dollars. Les familles riches comme les DuPont ont des participations majoritaires dans des sociétés géantes comme General Motors, Coca-Cola, et United Brands. Ils possèdent une quarantaine de domaines seigneuriaux et musées privés dans le seul Delaware et ils ont mis en place 31 fondations exonérées d’impôts. Les super-riches aux États-Unis et dans de nombreux autres pays trouvent des moyens, légaux et illégaux, de dissimuler leur richesse dans des comptes secrets. Nous ne connaissons pas réellement le véritable niveau de richesse des très riches.

En ce qui concerne la partie la plus pauvre de la population mondiale, que je nommerais la « meilleure moitié », celle qui lutte avec vaillance pour survivre, de quelle sorte de richesse pourrions-nous parler ? La richesse totale possédée par les 85 super-riches et la richesse totale détenue par le monde de 3,5 milliards les plus pauvres, sont de dimensions et de natures différentes.

Ces jets privés, ces hôtels de luxe, ces propriétés foncières, ces superbes résidences de vacances, ces appartements de luxe, ces résidences privées et ces voitures de luxe, sans parler des centaines de milliards de dollars en actions, en obligations, les locaux commerciaux, les œuvres d’art, les antiquités, etc., toute cette énorme richesse, comment la comparer aux quelques millions de voitures d’occasion, aux meubles usagés et aux téléviseurs fatigués, prêts à rendre l’âme ? Quelle valeur de revente, peut-on espérer de ces malheureux biens à la durée de vie incertaine ? Surtout dans des communautés à taux de chômage élevé, aux conditions de santé et de logement lamentables, sans eau courante, sans installations sanitaires décentes, etc. Nous ne connaissons pas réellement le véritable niveau de pauvreté des plus pauvres.

Des millions d’enfants, qu’il faut compter dans les 50 % inférieurs ne voient jamais l’intérieur d’une école. Au lieu de cela, ils travaillent dans des usines, des mines et des exploitations agricoles dans des conditions de péonage. Près d’un milliard de personnes sont incapables de lire ou d’écrire. Le nombre de personnes vivant dans la pauvreté augmente à un rythme plus rapide que la population mondiale. Donc, la pauvreté se répand même quand la richesse s’accumule. Il ne suffit pas de déplorer ces extrêmes inégalités, nous devons aussi expliquer comment elles se forment.

Mais pour l’instant, répétons-le : les 85 personnes les plus riches du monde, loin de posséder autant de richesse que les 50 % les plus pauvres, en accaparent beaucoup plus. La multitude qui peuple les échelons inférieurs – même prise dans son ensemble – ne dispose d’à peu près rien.

Michael PARENTI

Texte original : https://www.commondreams.org/view/2014/02/18-5

Traduction Daniel Sillou

Penseur et écrivain de la gauche radicale états-unienne, Michael Parenti est l’auteur de nombreux livres.

Son site (en américain) http://www.michaelparenti.org/

Deux de ses ouvrages sont, actuellement traduits en français :

Histoire et Mystifications (aux éditions Demi-Lune)
et
Le Mythe des jumeaux totalitaires (aux éditions Delga)

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Michael PARENTI
Analyste politique progressiste de tout premier plan aux États-Unis, Michael PARENTI, docteur en Sciences Politiques de l’Université de Yale, est un auteur et conférencier de renommée internationale. Il a publié plus de 250 articles et 17 livres. Ses écrits sont diffusés dans des périodiques populaires aussi bien que dans des revues savantes, et ses textes engagés l’ont été dans des journaux tels que le New York Times et le Los Angeles Times. Ses livres et ses conférences, informatives et (…)
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