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Sur la Chine Le Monde n’informe pas, mais fait obsessionnellement un portrait épouvantable de ce pays

Leplâtre et sa truelle

Aah, le Monde et ses pigistes, immuable source de soupirs, de levers d'yeux au ciel (ou d'oeil aux cieux pour l'éborgné) et de massage de sourcils fatigués à force de froncements... Cette fois-ci encore, Simon Leplâtre, dans ses oeuvres de journaliste canapé-café nous dispense ses opinions sur le récent assouplissement de la politique zéro-covid en Chine... Pour le plaisir de ceux qui l'emploient ? Ça ne fait aucun doute. Pour l'édification du peuple ? On va voir pourquoi j'en doute. Dans tous les cas, Jean-Claude Van Damme a du souci à se faire : voici une sérieuse concurrence en matière de souplesse des abducteurs. Je dédie ce texte à Autrement.

Je dois le dire en préambule, la paire circonflexée Lemaître-Leplâtre est une énigme pour moi.

À propos de ces deux correspondants du Monde en Chine, j’ai, par une sorte d’idée reçue peut-être fausse, la naïveté de croire qu’on les a envoyés sur place, vivre, travailler, enquêter, s’informer et informer, en raison de leur connaissance du pays et surtout de la langue, sinon comment leur tâche serait-elle seulement possible ? Et que ces liens tissés devraient naturellement conduire lorsqu’il s’agit de la transmission d’informations au sujet d’un pays qu’on connaît bien, sans bien sûr parler d’adoration ni même de complaisance, à une certaine mesure, une pondération dans les propos, et j’ose le mot : de l’objectivité.

Or, c’est nettement l’inverse qui domine. Leurs communiqués se suivent et se ressemblent. Une rhétorique systématiquement accablante et calomnieuse, un vocabulaire diffamant et accusateur servent à rendre compte de la moindre information et parfois en se contredisant comme on va le voir car il est une chose aussi certaine que la révolution des planètes autour de l’astre du jour, c’est que quoi que la Chine fasse ou entreprenne, elle sera toujours coupable soit de le mal faire soit de faire le mal aux yeux de ces parangons de l’information certifiée authentique.

Du coup, j’en suis à me demander si ces deux « chroniqueurs » de la Chine ne seraient pas victimes du syndrome Ursula Gauthier. Le 18 novembre 2015, cette journaliste correspondante du Nouvel Obs à Pékin avait commis un article plein de bienveillance pour la Chine et le peuple chinois suite aux attaques terroristes du 13 à Paris. Elle y disait notamment de ce peuple, cependant qu’il rendait en masse hommage aux victimes parisiennes, qu’il « n’éprouve que peu de sympathie pour le reste du monde » (1), mais surtout elle y accusait le gouvernement chinois d’amalgame opportuniste lorsque celui-ci osait qualifier de « terroriste » (c’est elle qui apposait une paire de guillemets à la mention terroriste) d’une récente attaque qui avait eu lieu au Xinjiang et fait 50 morts. Selon elle, ce n’était pas du « terrorisme », mais l’expression d’une fatigue, d’une colère, d’une « explosion de rage », supposément fréquente dans la région... Pire, elle rendait dans son article l’état chinois responsable de cette colère qui avait mené de gentils et honnêtes Ouïghours opprimés par lui à massacrer leur concitoyens. Naturellement, ce pamphlet diffamatoire avait valu à la journaliste de se voir refuser le renouvellement de son visa, ce qu’elle s’était empressée de faire passer pour une expulsion quasi manu militari. Faut c’qui faut pour rentrer en France ornés de l’auréole des journalistes qu’on a voulu faire taire (à défaut de celles sous les aisselles causées par un travail harassant). Ursula devait rêver à Albert Londres ou à Pulitzer.

Depuis, remontée, elle a continué son travail de sape dans le confort de ses bureaux parisiens. Il n’y a pas que les chats qui retombent toujours sur leurs pattes.

Mais revenons à Leplâtre et d’abord au contexte.

Jusqu’à une date récente, la politique chinoise de lutte contre la pandémie de covid se caractérisait par une « tolérance zéro » face au virus. Cette politique extrêmement restrictive, faite de confinements répétés et longs, d’isolements des cas positifs et de tests permanents visait officiellement à protéger les populations à risque, notamment les personnes âgées, peu vaccinées en comparaison d’autres pays. Si la Chine a semblé mieux s’en sortir que le reste du monde durant la première année de la pandémie, la fin des restrictions en Europe et aux États-Unis n’a pas infléchi la politique zéro-covid prônée par le président chinois Xi Jinping qui s’est poursuivie alors qu’une partie du reste du monde retrouvait peu à peu un semblant de normalité, avec des campagnes de vaccinations qui s’étiolaient par lassitude des rappels constants et un variant omicron moins virulent, bref ce qu’on peut espérer s’approcher d’une sorte d’immunité collective.

La Chine a poursuivi sa chasse au virus, inlassablement, sourde aux railleries du monde occidental qui retrouvait sa liberté. Dans un des rares articles de Leplâtre où il fait montre d’objectivité, on parvient à entrevoir que la politique de Xi, incomprise par des Occidentaux souvent condescendants y compris votre serviteur, est motivée, dans un pays de près d’un milliard et demie d’habitants, par la crainte de l’explosion des cas dans un contexte de couverture vaccinale peu étendue et de faiblesse des infrastructures hospitalières. On ne pourra nier cela dit qu’une partie de la population chinoise, notamment la jeunesse et la population active, malgré sa résilience, ait fini par se lasser de ces restrictions en voyant que le reste du monde vivait avec le virus.

Quoi qu’il en soit, Simon Leplâtre n’a pas eu de mots assez durs pour critiquer sans discontinuer la gestion chinoise du covid. Petite parenthèse ici, essentielle : il ne s’agit pas de promouvoir la politique chinoise en matière de gestion de la pandémie, ni d’interdire la critique. Juste de démontrer l’existence d’une narration toujours dégradante, quel que soit le sujet. Si une simple lecture des titres des articles publiés par Leplâtre (et Lemaître) donne une idée de l’arrogance du ton adopté, si elle suffit à comprendre l’absence totale d’objectivité face à l’information, elle ne permet pas de remarquer les procédés malhonnêtes mis en place : titres accrocheurs (2), généralisations faites à partir d’un seul cas (dont on n’a d’ailleurs jamais aucune preuve qu’il ne soit pas fictif), distorsion des informations aboutissant à des fake-news. Dans ce cas, il est vain d’espérer de Leplâtre des observations pouvant donner une image favorable de la Chine. Non, tout, absolument tout est fait pour donner d’elle une image exécrable.

Le 31 décembre 2021, « Dans la ville chinoise de Xi’an, la stratégie zéro Covid jusqu’à l’épuisement », il y parle de « mesures inhumaines », de gens « qui peinent à s’approvisionner en nourriture ». Ting, une étudiante de Xi’an, positive au variant Delta, a été transférée (forcément) sans explications dans un hôtel où (forcément) la clim’ ne fonctionne pas alors qu’il fait moins dix dehors, elle grelotte sous la couverture (forcément) fine de la chambre d’hôtel. Dans les articles de Leplâtre et Lemaître, la technique est éculée : on nous conte les déboires d’un personnage qui autorisent les auteurs à faire une généralisation fallacieuse.

Le 7 avril 2022 : « A Shanghaï, au nom de la politique zéro Covid, des enfants et des nouveau-nés séparés de leurs parents », on y apprend l’horrible histoire de M. Ceng, dont le jeune fils nouveau-né a été mis à l’isolement. En réalité, c’est la maman, positive au covid, qui a été séparée du bébé (nul ne sait si elle était d’accord ou pas, mais on peut émettre l’hypothèse qu’en tant que jeune maman responsable, elle a dû certainement penser qu’il valait mieux éloigner son enfant le temps qu’elle guérisse... non ?). En lisant un peu plus loin l’article, on apprend que la mère et l’enfant sont dans la même clinique, juste dans des services différents. Ce qui est fréquent en cas de complications. Leplâtre mentionne aussi une vidéo prise dans l’hôpital en question qui « montrait des dizaines d’enfants, souvent à cinq ou six dans des lits à barreaux de fer : beaucoup de nouveau-nés, certains en larmes, dépenaillés, ou la tête sous une couverture... » À l’entendre, la Chine, c’est la Roumanie post-Ceaucescu. On est forcés de le croire sur parole.

Le 8 avril 2022, « Les Français de Shanghaï privés de vote à l’élection présidentielle à cause du confinement ». Un chef d’entreprise français expatrié à Shanghai témoigne : « Je suis frustré : j’ai l’impression qu’en Chine, on me prend à la fois ma liberté de mouvement et de pensée. Après, je trouve que les moyens de voter pour les référendums et les élections sont obsolètes en 2022, à l’heure du numérique ». Navré, je ne peux pas vraiment compatir en pensant à ces pauvres Français expatriés que la dictature sanitaire chinoise a empêchés de faire leur devoir de citoyens et non seulement d’aller répandre le virus au nom de celui-ci, mais en plus de réélire Macron.

Le 13 avril 2022 : « Covid-19 : à Shanghaï, vague de départs parmi les expatriés soumis au confinement ». Autrement dit, fuite des cerveaux (américains) dans l’Empire du milieu face au « risque de voir parents et enfants séparés », « du fait d’une application arbitraire de la loi ». L’anxiété est palpable chez les expatriés, la rumeur circule que « de nombreux habitants se plaignent de manquer de nourriture, l’accès aux hôpitaux est compliqué, et plus de 100 000 personnes positives se trouvent actuellement dans des centres de confinement aux conditions spartiates. » Je ne doute pas que chez des gens peu habitués à se restreindre, la panique à l’idée de pénuries ou simplement d’une dépendance totale au bon vouloir des autorités peut être grande.

Le 27 avril 2022, « Covid-19 en Chine : à Shanghaï, les autorités durcissent encore leur politique d’enfermement maximal », Shanghai est devenu une prison à ciel ouvert et quand on parvient à s’en échapper, on tombe dans des hôtels miteux avec « des murs rongés par l’humidité, un mobilier couvert de traces de chlore et des cafards qui parcourent la chambre ».

Le 20 mai 2022, « En Chine, la poursuite des mesures drastiques contre le Covid-19 pousse la population à vouloir s’exiler », c’est Sam, cette fois qui illustre l’enfer chinois. Sam est épuisé par le confinement à Shanghai débuté entre fin mars et début avril : « J’ai peur parce qu’ils peuvent m’embarquer à tout moment : il suffit d’un cas positif dans mon bâtiment, et je serai envoyé en centre d’isolement. Ils peuvent venir à minuit, aucune discussion n’est possible. Et, en plus, il faut laisser sa porte ouverte pour que des équipes viennent asperger votre intérieur de désinfectant... On n’a même pas la liberté de rester chez soi. » Il en a tellement marre qu’il veut quitter la Chine. Hélas pour lui, « le gouvernement de Pékin multiplie les mesures de restriction au départ ». Forcément. Quelques jours plus tard, le confinement shanghaïen prendra fin, on espère que Sam aura changé d’avis.

* * *

Bien sûr, le moindre signe de protestation, la plus petite expression d’exaspération, de colère ou d’impatience, bien naturels et faciles à trouver lorsqu’un peuple est soumis à de telles restrictions, sont montés en épingle par Leplâtre. C’est une population entière qui se rebelle, un pays qui se révolte. Alors, quand arrivent les premiers bruits d’un mécontentement populaire à travers la Chine, le cher ange s’enflamme. Et les médias occidentaux de concert. En effet, la jeunesse chinoise estudiantine semble ruer dans les brancards après des mois de confinement obligatoire sur les campus loin du foyer et lassée des cours en distanciel. Certains se mettent à brandir des feuilles blanches à hauteur de visage. L’Occident qui a toujours besoin de symboles baptise ce mouvement de protestations, la « Révolte des feuilles blanches », ce qui permet de l’inscrire dans le sillon des révolutions de couleur, ou des parapluies, au choix. Seulement, on est quand même loin du compte. Quelques centaines de manifestants, tout au plus, disséminés sur le gigantesque territoire chinois dans des villes de plusieurs millions d’habitants, ça ne fait pas une révolution. Comme à leur habitude, les médias occidentaux enflent, exagèrent, extrapolent, amplifient, surestiment, dramatisent, zooment des détails en dissimulant le tableau d’ensemble. L’essentiel est de peindre celui d’un début d’insurrection.

Le 22 novembre 2022, Leplâtre semble prendre prétexte à une discussion informelle avec une personne qui pourrait être une relation amicale ou professionnelle. Cette personne témoigne de sa lassitude vis-à-vis des restrictions qui ont compliqué la vie des jeunes chinois. Il en a fait un article qu’il intitule : « En Chine, la frustration de la jeunesse qui subit la politique zéro Covid prend une tournure politique »

Le 25 novembre 2022, Leplâtre titre « En Chine, les émeutes dans la principale usine d’iPhone du monde révèlent les limites du zéro Covid ». Il s’agit en réalité d’une grève et de manifestations dans l’usine d’un sous-traitant taïwanais d’Apple, Foxconn. Cela n’avait a priori pas grand-chose à voir avec le covid mais avant tout avec des salaires dûs impayés. Mais c’est toujours ça de pris : le géant aux pieds d’argile vacille.

Le 27 novembre, « Chine : à Shanghaï, des centaines de jeunes manifestent contre la politique zéro Covid après le drame d’Urumqi ». Première vraie manif de Shanghaiens suite à l’incendie d’une résidence confinée à Urumqi au Xinjiang. Si moi j’y vois d’abord de la compassion pour leur compatriotes Ouïghours, lui tombe pratiquement en pâmoison face à ce qu’il croit être les prémisses d’un Tiananmen en 2022. La révolte gronde. Dans un tweet ne cachant pas sa joie de voir les signes de revendications pour plus de démocratie (3), après un article tout aussi enthousiaste dans lequel il affirme que des manifestants ont réclamé la démission de Xi, il déclare n’avoir jamais vu ça en Chine... Il a la mémoire courte, ce journaliste... Sauf si pour lui, Hong-Kong, ce n’est toujours pas la Chine. Allez savoir.

Certes, les Chinois en ont marre de ces restrictions et veulent pouvoir revivre normalement. Tout de même, force est de constater que le boulot de Simon Leplâtre, qui devrait être celui de « reporter », se rapproche de plus en plus de celui d’agitateur étranger. En tout cas, il s’apprête à assister à la démonstration de ce qu’il appelle de ses voeux, c’est-à-dire le fonctionnement démocratique d’une société, mais on verra que c’est un éternel insatisfait.

L’actu bouillante commençant à refroidir, les jours suivants, Leplâtre reprend l’information en boucle. Trois articles, coup sur coup réarrangent les mots pour dire la même chose : quand même, cette manif’, quel moment historique ! On y apprend quelques trucs intéressants entre les mentions de la dictature chinoise et des violences policières : la manif de Shanghai qui avait commencé par « un petit attroupement (...) avec des fleurs et des bougies au sol » en hommage aux victimes de l’incendie a eu lieu dans la Wulumuqi lu, la « rue Urumqi ». Celle-ci est réputée dans le Shanghai by night, notamment au sein de la sphère expat’ : c’est une sorte de « rue de la Soif » dans laquelle se succèdent les bars, souvent à entraîneuses. Toujours d’après Leplâtre, « des centaines de jeunes sortis boire un verre dans les bars du centre-ville ont afflué, formant une manifestation exceptionnelle où la foule allait reprendre en chœur des slogans contre la politique zéro Covid ». Le fait que des jeunes qui sortent boire des verres dans les bars fassent relativiser la rigueur des restrictions dues au covid ne semble pas effleurer Leplâtre... qui préfère comparer la Chine à une dictature.

* * *

Les jours qui suivent ces soubresauts populaires sont déterminants pour la rhétorique médiatique occidentale, à commencer par celle de Leplâtre. En effet, contre toute attente, le gouvernement chinois, après deux années d’une politique très stricte face à la pandémie décide soudainement d’assouplir les règles et par ricochet la vie quotidienne du peuple chinois. La question n’est pas vraiment de savoir (si tant est que cela soit possible) si Xi a répondu aux protestations de la jeunesse chinoise ou si ces ajustements étaient prévus de longue date. Les deux théories coexistent. Par contre, à l’échelle de Leplâtre et de son confrère Lemaître, il se passe très vite, dans une sorte de tectonique neuronale, un recalibrage du discours qui, encore maintenant me laisse pantois d’un mélange d’admiration (pour la souplesse) et de consternation (pour la mauvaise foi).

Après des dizaines d’articles éreintant sans relâche la politique sanitaire chinoise, qu’il qualifiera de dictatoriale, d’autoritaire et d’inhumaine, Leplâtre change son fusil d’épaule et se met à railler les conséquences de ce relâchement et en premier lieu l’augmentation des cas qui ne tarde pas à arriver. Pas question pour lui d’admettre que ces changements soient la preuve qu’un fonctionnement démocratique puisse avoir lieu en Chine, c’est-à-dire de citoyens mécontents que l’on écoute. Oh que non ! Leplâtre est pris la main dans le sac et agit comme un enfant qui se bouche les oreilles et fait beaucoup de bruits avec sa bouche pour ne pas entendre ce qu’on lui dit.

Dès le 30 novembre, il publie un texte, « Face aux protestations, la Chine menace et envoie des signaux faibles d’ouverture » qui tente de faire accroire l’idée d’un gouvernement chinois aux abois, acculé, mais toujours menaçant, qui n’a d’autre choix que de s’incliner ou de mordre. Il ironise sur les accusations faites par la Chine à propos des « activités d’infiltration et de sabotage des forces hostiles, (...) [d]es actes illégaux et criminels qui perturbent l’ordre social ». Or, on sait que c’est plausible.

Le 7 décembre, Leplâtre n’a plus grand-chose à raconter, donc il continue de gloser sur la nuit du 26 au 27 novembre à Shanghai, dans un article intitulé Après les manifestations à Shanghaï, l’étouffement de la colère contre le zéro Covid. Si je le mentionne, ce n’est pas tant par sa pertinence que parce qu’il me rajeunit. Il y raconte encore une fois cette veillée aux chandelles en hommage aux victimes d’un incendie à Urumqi, ayant supposément eu lieu dans un immeuble confiné, qui a été rejointe plus tard dans la nuit, vers 3 heures du matin, par une foule de jeunes sortant des boîtes et des bars de la rue Wulumuqi, réputée festive à Shanghai. Or, il s’avère que je connais bien cette rue parce que je l’ai fréquentée plus d’une fois à l’époque où je vivais et travaillais là-bas. À 3 ou 4 heures du matin, rares étaient les individus, chinois ou étrangers, qui ne soient pas imbibés, qui se promenaient, chantaient ou criaient dans les rues. Je n’ai rien à ajouter sauf qu’avec un portable et une dose relative d’imagination, un flic qui embarque un mec en état d’ivresse, en Chine, ça se transforme aisément en répression policière sur Twitter...

C’est dix jours plus tard, le 17 décembre, dans un article à quatre mains avec Frédéric Lemaître que les premiers reproches pleuvent : « le nombre de personnes infectées a explosé », « les habitants sont contraints de se confiner », « le variant Omicron risque de tout emporter sur son passage », « la politique de dépistage systématique ayant été abandonnée le 7 décembre, plus aucune donnée publique n’est vérifiable ». Avec un culot olympique, et alors qu’il a appelé de ses voeux pendant des mois et sans la moindre réserve la fin des restrictions, il blâme le gouvernement chinois : « la digue sanitaire mise en place par le gouvernement chinois contre le Covid-19 a fini par céder ».

L’apothéose dans l’hypocrisie est atteinte le 25 décembre : « En Chine, la propagande peine à trouver le ton après l’abandon de la politique zéro Covid » titre cette girouette hors catégorie. D’après lui, « la propagande chinoise » se serait moquée du chaos étatsunien, mais il oublie un peu vite les accusations répétitives de Trump à l’encontre de la Chine au plus fort de la pandémie et de la gabegie sanitaire qui lui a valu de ne pas être réélu. La Chine qui aurait eu, d’après le correspondant du Monde à Shanghai, le tort, on ne sait pourquoi, de présenter le virus comme une menace mortelle, « peine à trouver le ton »... Leplâtre, quant à lui, l’a trouvé : la Chine a encore tout faux, coupable d’abandonner les malades à eux-mêmes et à leur propre responsabilité. Lorsqu’il l’accuse d’un virage à 180 degrés, les bras m’en tombent. Je ne peux, devant tant de putasserie, que reprendre à peu de choses près ses propres mots : après des mois passés à diaboliser la politique chinoise et à s’immiscer dans les affaires du peuple chinois pour le « protéger », Simon Leplâtre a fait la preuve qu’il n’est plus en Chine pour informer mais pour désinformer, en faisant de manière si obsessionnelle, sans relâche, un portrait épouvantable de ce pays.

Peu importe qu’il ait abandonné son objectivité en cours de route. Elle s’est fissurée dans le courant de l’année 2019, année des manifestations hongkongaises et des premières mentions de la narrative ouïghoure, quand il a commencé a distiller, soit par carriérisme soit par servilité, sans la plus élémentaire retenue des publications qui faisaient place nette à ce qui est, pour tout journaliste occidental, un trait plus honteux qu’une chaude-pisse : de la propagande. Oui, oui, la propagande, c’est les autres, pas moi. Et de ce mot, il en a usé à l’encontre du gouvernement chinois avec une prodigalité illimitée.

Comme le maçon sur son mur, Simon Leplâtre sur ses articles écrit à la truelle.

Xiao PIGNOUF

* * * * * * * * * * *

(1) Ce type de jugement de valeur sur une société témoigne souvent d’une ignorance mêlée d’arrogance dont j’ai été souvent témoin (et parfois même coupable). En dix années passées en Chine, je n’ai jamais personnellement subi la moindre manifestation hostile pour le simple motif d’être étranger. Par contre, l’agressivité des étrangers, la plupart du temps occidentaux, que ce soit par impatience, condescendance ou incompréhension, est très fréquente. Partout où je me suis trouvé, que ce soit au milieu d’étudiants qui éprouvent pour leur enseignant le même niveau de respect qu’à l’égard de leurs parents ou dans un train parmi des travailleurs migrants, j’ai toujours été traité amicalement, avec chaleur et curiosité. Le respect est une rue à double sens. Le peuple chinois n’est pas l’Etat chinois et si ce dernier éprouve effectivement une grande méfiance vis-à-vis, non pas du reste du monde, comme le dit Gauthier, mais de l’Occident, eh bien, chat échaudé craint l’eau froide, comme dit le dicton.

(2) Un titre accrocheur révèle souvent ses artifices dans les sous-titres et le corps de l’article. Il permet à moindre coût de duper ces lecteurs qui croient s’informer en ne lisant que les titres.

(3) Ce tweet est illustré d’une vidéo, probablement filmée par Leplâtre, où l’on entend les manifestants crier un slogan. Dans son tweet, il nous explique que les revendications sont : « la liberté, la démocratie » et « la liberté d’expression de la presse ». Sauf que non. En tout cas, pas dans l’extrait qu’il nous montre et il ne nous en montre aucun dans lequel ce serait le cas. Il ajoute que seuls les « sinisants » (*) comprendront. Lui comprend (il parle donc mandarin) et il est forcé de l’admettre dans les commentaires qui suivent son tweet. Ce que crient à tue-tête les gens, c’est : 场所码,操你妈 ! (Chǎngsuǒ mǎ, cāo nǐ mā !), c’est-à-dire littéralement « QR code, nique ta mère ! », protestant ainsi contre le fait de devoir scanner un QR code à l’entrée des lieux publics.

(*) J’ajoute cette note à une note : pourquoi « sinisant » au lieu de « sinophone », comme « francophone » ou « anglophone » ? Dit-on « francisant » pour « parlant le français » ? « Siniser » contient, comme « franciser », le suffixe -iser indiquant un processus de transformation. « Sinisant » signifie « qui se transforme en chinois ».

EN COMPLEMENT PAR LGS

Sur Ursula Gauthier  : https://www.legrandsoir.info/pourquoi-ursula-gauthier-de-l-obs-a-du-quitter-la-chine-et-pourquoi-on-s-en-f.html

https://www.legrandsoir.info/ursula-gauthier-est-en-france-helas.html

»» https://taistoixiao.wordpress.com/2022/12/29/leplatre-et-sa-truelle/
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Déposséder les possédants - La grève générale aux « temps héroïques » du syndicalisme révolutionnaire (1895-1906)
CHUECA, Miguel
Textes de Édouard Berth, Henri Girard, Jean Jaurès, Hubert Lagardelle, Paul Louis, Fernand Pelloutier, Émile Pouget, Georges Sorel et Henri Van Kol Réunis & présentés par Miguel Chueca La grève générale exprime, d’une manière infiniment claire, que le temps des révolutions de politiciens est fini. Elle ne sait rien des droits de l’homme, de la justice absolue, des constitutions politiques, des parlements ; elle nie le gouvernement de la bourgeoisie capitaliste. Les partisans de la (…)
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Viktor Dedaj

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