@Anonyme : c’est très bien expliqué.
J’ajouterai que, jusqu’à il y a peu, il était clair dans l’esprit de la population que les services publics n’étaient pas censés être rentables. Aujourd’hui, la tendance a été inversée.
Car les politiques successives ont progressivement mis le ver dans le fruit (en se réfugiant derrière les diverses injonctions européennes, où déjà, en 1991, l’UE …) pour faire admettre le démantèlement des services publics en dénigrant les fonctionnaires (traités de "frileux" et de conservateurs accrochés à leurs "privilèges") et en prétendant que les services publics représentaient un coût bien trop élevé pour la collectivité.
Ainsi, en 2004, Renaud Dutreil, ministre de la Fonction publique et de la Réforme de l’État (2004-2005), déclarait :
"Le problème que nous avons en France, c’est que les gens sont contents des services publics. L’hôpital fonctionne bien, l’école fonctionne bien, la police fonctionne bien. Alors il faut tenir un discours, expliquer que nous sommes à deux doigts d’une crise majeure (…), mais sans paniquer les gens, car à ce moment-là, ils se recroquevillent comme des tortues."
Le même sinistre individu déclarait également, lors d’un forum de la "Fondation Concorde" :
"Les retraités de la fonction publique ne rendent plus de services à la nation. Ces gens-là sont inutiles, mais continuent de peser très lourdement. La pension d’un retraité, c’est presque 75% du coût d’un fonctionnaire présent. Il faudra résoudre ce problème."
Rappelons que M. Dutreil a quitté la politique pour présider à partir de septembre 2008 (jusqu’en juin 2012) la filiale américaine du groupe de luxe français LVMH à New York. Tout un symbole de son dévouement à la Fonction Publique.
Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres, mais ce ministre-là annonçait clairement la couleur.
Et le travail de sape s’est fait progressivement mais sûrement.
Les gouvernements successifs (même avant cela) ont fragilisé les services publics de l’intérieur (en réduisant les effectifs, en embauchant du personnel précaire et non formé, en diminuant les investissements etc.) pour rendre les services publics impopulaires afin d’ouvrir la voie aux privatisations.
Dire que "pour le moment le modèle SNCF est pas trop mal, et qu’il n’y a pas trop de trains qui déraillent ou en retard. Il faut comparer à ce qui se fait ailleurs (privatisé souvent) et la SNCF c’est pas trop mal", c’est ignorer les réalités.
L’arrogance, en prime.
Heureusement, qu’il n’y a pas "trop de trains qui déraillent" !
Il n’y en a pas non plus "tant que ça" dans les pays européens où le réseau ferroviaire est (plus ou moins) privatisé.
Cependant, ce n’est pas un critère : d’abord, AUCUN train ne devrait dérailler.
Ensuite, si on regarde ce qui se passe dans le domaine des transports aériens, finalement, on pourrait aussi dire que "c’est pas si mal", puisque qu’il n’y a "pas tant d’avions que ça" qui s’écrasent.
C’est vrai, ça. Les survivants qui atterrissent tous les jours devraient être infiniment reconnaissants aux compagnies privées de les avoir amenés à bon port, malgré le manque de personnel qualifié et un matériel vétuste.
Quant à dire qu’"il n’y a pas trop de trains en retard ", c’est pareil.
Et c’est se contenter de la médiocrité. Naguère, les trains arrivaient à l’heure, et c’était la fierté des cheminots de réussir cette performance jour après jour, quelles que soient les conditions.
Pourquoi, aujourd’hui (alors que c’était évident "avant"), devrions-nous être "contents" quand notre train est arrivé à l’heure, que nous n’avons pas raté notre correspondance, que nous sommes arrivés à l’heure au travail, ou que nous n’avons pas subi le désagrément d’un déraillement ?
D’autre part, cette affirmation est fausse. Il suffit de prendre le train pour s’en rendre compte. Et il ne suffit pas de faire un sondage auprès de ses voisins pour en faire une vérité générale.
D’abord, la direction a fait le choix de "privilégier" les TGV, ce qui veut dire que ce sont les trains régionaux qui pâtissent le plus des défaillances.
Or, si on veut voyager en dehors des grands axes, c’est là que les anomalies les plus criantes apparaissent et qu’on voit clairement qu’il ne s’agit plus d’un service public.
De nombreuses lignes ont été supprimées, les horaires des correspondances sont souvent inadaptés, et les parcours sont tronqués, ce qui signifie que le trajet d’une gare à l’autre s’effectue par autocar privé.
Au temps pour les économies d’énergie et la préservation de l’environnement.
Et dans le même ordre d’idées, les gares TGV ont été construites hors des villes, ce qui implique des déplacements supplémentaires en voiture et, éventuellement, des frais de parking.
Ca ne va pas toujours "si mal" ?
Par-dessus le marché, avec la multiplication des tarifs, la plupart des voyageurs dans un même wagon n’ont pas payé le même tarif.
Un tarif qui peut être 10 fois supérieur à un trajet en avion dans une compagnie "low-cost".
Cherchez l’erreur.
Pour couronner le tout, la pseudo-"chasse aux fraudeurs" est drastique et des mercenaires payés par la SNCF imposent des amendes immédiates sans possibilité de recours, qui sont encore alourdies si on ne peut pas payer sur place.
Quant au transport de marchandises par train, c’est la débâcle, également.
A part ça, tout va bien. Madame la Marquise.
Et on se demande bien pourquoi ces éternels mécontents de cheminots font encore grève.
Total respect pour les cheminots qui se sont battus pendant des années, que dis-je, des décennies, pour préserver la qualité d’un service public dont toute la population a bénéficié d’une façon ou d’une autre.
Ils ne gagnaient pas beaucoup d’argent et ils en ont beaucoup perdu. Ils étaient mus par la fierté de leur métier et le souci des usagers.
Tout ça pour que Lou Ravi de la crèche vienne leur dire qu’il n’y a pas le feu au lac.