Les financements continuent de baisser
Contrairement aux déclarations gouvernementales et conformément au budget de l’Etat pour 2018, le financement d’Etat des hôpitaux, des structures de santé régionales et du Système national de santé de premier degré* a diminué de 350 millions d’euros par rapport à 2017.
Cette diminution est la conséquence des obligations qui découlent du « Mémorandum », en particulier du « Programme de stratégie financière à moyen terme (2018-2021) » imposé par l’Union européenne et signé par notre actuel gouvernement avec le plein consentement de Nouvelle Démocratie. Ces baisses, à la suite de celles des années précédentes, auront des conséquences particulièrement négatives dans les hôpitaux, où les phénomènes de ralentissement du fonctionnement et de déliquescence des services s’accentuent.
La dotation d’Etat 2018-2021 fait diminuer de 617 millions d’euros les crédits d’achat d’appareils, de matériel, etc. Avec ces baisses, le Système national de santé (ESY) devra affronter des problèmes supplémentaires pour ses fournitures et son fonctionnement.
L’Agence nationale des services de santé (EOPYY : organisme d’assurance public qui finance les services de santé) dépend entièrement des cotisations des assurés et ne reçoit aucun financement de l’Etat.
Le gouvernement assure que les cotisations versées aux caisses d’assurance compenseront ces diminutions par l’augmentation des revenus de l’EOPYY. Cela ne correspond pas à la réalité puisque le travail non déclaré – entraînant l’absence de cotisations santé – a pris une ampleur effrayante, alors que cet organisme public est déjà surendetté !
Des abus de la part de certains médecins
A noter par ailleurs que les phénomènes de corruption dans l’hôpital public n’ont pas cessé, car aucune volonté politique n’existe pour les combattre. Dans le fonctionnement du système hospitalier grec, il y a malheureusement des abus qui ont des conséquences négatives sur la situation économique des patients et dans certains cas sur leur santé. Il existe une corruption étendue, en particulier dans le secteur de la chirurgie des hôpitaux où un large cercle de chirurgiens de toutes spécialités demande aux patients d’importants dessous de table. Habituellement versés d’avance ! Dans de nombreux cas des chirurgiens de différents hôpitaux publics ont été arrêtés par la police sur dénonciation de leurs patients et l’argent a effectivement été retrouvé en possession de ces praticiens indignes.
Le manque de médecins et de matériel médical
Les données relatives au manque de personnel sont tragiques ! On évalue qu’à l’ESY il manque 6 500 médecins titulaires et environ 20 000 infirmiers. L’embauche prévue de 3 200 médecins avec des contrats d’un an n’est pas en mesure de répondre aux attentes, non seulement en raison du besoin réel en médecins, mais aussi en raison du caractère temporaire de ces embauches. Cette situation a des conséquences particulièrement négatives sur les conditions de travail des médecins et du personnel soignant qui se trouvent dans l’incapacité d’assurer un bon niveau de soins.
La crise augmente la demande dans les hôpitaux
En 2008, les hospitalisations s’élevaient à 1,5 million ; aujourd’hui elles dépassent 2,5 millions. On estime entre 25 et 30% les Unités de soins intensifs et les Unités de soins spécialisés fermées par manque de personnel. Aux urgences, l’attente des patients atteint souvent dix heures. La crise est particulièrement aiguë dans les hôpitaux psychiatriques, mais aussi dans les soins psychiatriques du système général, qui sont pratiquement en train de disparaître.
Les soins de premier degré ne sont pas assurés partout
Le Réseau national de santé du premier degré (PEDY) et les Centres locaux de santé (KY) couvrent les communes et les régions et constituent l’axe principal pour les soins de santé du premier degré. Ils souffrent d’un manque criant de médecins, de personnel, de matériel médical et d’équipement diagnostique. Aujourd’hui, environ 2500 médecins travaillent dans les PEDY, alors qu’on estime qu’il en faudrait 7500 .
Dans de nombreux PEDY de province, il n’y a aucun médecin, ni même un seul médecin des caisses d’assurance de l’Agence nationale de Santé pour couvrir les besoins ! Les patients de ces centres de province sont obligés de s’adresser aux médecins privés et de payer de leur poche des sommes importantes. Les chômeurs et les personnes non assurées sans ressources s’adressent aux hôpitaux de province, où les soins médicaux sont gratuits. Dans ce cas, le rendez-vous à l’hôpital, à cause de la charge de travail et du manque effrayant de personnel médical, est fixé à 4, 6, voire 10 mois plus tard ! Le résultat en est que des milliers de malades, chômeurs ou plus généralement issus de milieux pauvres, connaissent de sérieuses difficultés à se soigner et cela accroît le nombre de décès.
Les soins dentaires, parent pauvre
Inacceptable aussi est la situation dans le domaine des soins dentaires, où, dans les Centres de santé KY et PEDY, il n’y a pas toujours de dentiste qui puisse répondre aux demandes de soins dentaires et, quand il y en a, ils ne peuvent pas toujours effectuer de travaux dentaires importants par manque de matériel, d’outils ou d’équipements. Le règlement en la matière stipule que les travaux de prothèse sont exclus de la protection dentaire aussi bien pour les assurés que pour les non assurés. Il faut signaler que les soins dentaires sont en Grèce particulièrement onéreux ; malgré la crise économique catastrophique et le taux de chômage important, les tarifs élevés des cabinets dentaires privés n’ont pas du tout baissé.
Les médicaments, un coût élevé
La loi de 2016 qui établissait la fourniture gratuite de médicaments (sans aucune participation, soi-disant) aux non assurés s’est révélée ne pas correspondre aux annonces du gouvernement Syriza. Dans à peu près 90% des cas, en plus du reste à charge, les assurés doivent verser la différence entre le prix conventionné fixé par l’EOPYY et celui établi par la pharmacie privée qui vend le médicament. Il s’agit de dépenses importantes, auxquelles ne peuvent pas faire face les chômeurs et les personnes sans ressources, et c’est l’une des raisons pour lesquelles ils s’adressent aux pharmacies solidaires.
Effrayant aussi est le nombre de médicaments que le gouvernement a exclus des ordonnances [donc non remboursés, NDT] pour servir la politique d’austérité et limiter les dépenses publiques, avec pour résultat pour des millions de Grecs des couches populaires pauvres l’impossibilité d’acheter les médicaments nécessaires à leur santé. Il s’agit d’une politique inhumaine et criminelle délibérée.
Par ailleurs, le gouvernement a supprimé le livret de prévoyance à plusieurs dizaines de milliers de personnes sans ressources. Auparavant, les possesseurs de ces livrets avaient le droit de recevoir les médicaments entièrement gratuitement, exclusivement à l’hôpital. Ce droit a été supprimé en même temps que les livrets de santé. Ce geste du gouvernement avait pour but de diminuer les dépenses pharmaceutiques des structures publiques de santé pour répondre à l’injonction d’obtenir des « excédents budgétaires ».
Ainsi la dépense pharmaceutique moyenne par personne est passée en Grèce de 15,7% à 26,5% du revenu.
Budget pharmaceutique : en baisse
Le budget des dépenses pour la partie pharmaceutique des hôpitaux jusque fin 2018 a été diminué de 1,94 milliard, alors qu’était diminuée de 302 millions la partie examens diagnostiques et de 235 millions d’euros le paiement des frais d’hospitalisation à des cliniques privées qui ont des contrats avec le système de santé public.
En psychiatrie, la situation est catastrophique
Même la loi sur les médicaments psychiatriques a changé. Ils étaient distribués auparavant gratuitement et exclusivement par les structures publiques de santé mentale. Et le marché des médicaments psychiatriques a été sournoisement et légalement « rétrocédé » aux pharmacies privées, de sorte que le patient est obligé de payer de sa poche afin de diminuer les dépenses de l’Etat. Cela a été imposé par la Troïka, au service de l’appétit vorace des monopoles et du système.
L’écrasante majorité des hôpitaux psychiatriques publics et les cliniques psychiatriques correspondantes dans le système hospitalier public, ont pratiquement cessé de soigner de manière globale les personnes qui sont atteintes de maladies mentales.
La plupart ont cessé de garder les patients en hospitalisation alors que leur maladie psychiatrique l’imposait. Les cas ne sont pas rares où certains hôpitaux « jettent » littéralement leurs malades mentaux à la rue. En même temps, sur ordre du ministère de la Santé, les hôpitaux refusent systématiquement la délivrance de médicaments psychiatriques aux patients non hospitalisés, en dépit des injonctions de la loi et des dispositions constitutionnelles en la matière.
Le Dispensaire social - Pharmacie sociale de Vyronas a dénoncé certains hôpitaux comme étant des lieux de maltraitance et souligné la responsabilité du gouvernement dans cet abandon des soins psychiatriques.
Depuis le début de la crise, le financement public des programmes de santé mentale a baissé de 55%.
Il s’agit d’une politique gouvernementale antipopulaire complètement alignée sur les politiques réactionnaires de l’U.E. et verrouillée par l’objectif des fameux excédents budgétaires.
Le nombre de dépressions a été multiplié par 2,5 depuis le début de la crise et plus généralement les maladies psychiques et les suicides augmentent de manière exponentielle, si bien que la plupart des hôpitaux sont « poussés au démantèlement », c’est-à-dire à se saborder.
Le gouvernement Syriza et le ministère de la Santé ignorent complètement les besoins dramatiques croissants dans le secteur de la santé psychique.
On assiste par ailleurs à des phénomènes révoltants : dans de nombreux cas on voit se substituer à la responsabilité médicale une attitude de mépris à l’égard des besoins des patients et un abandon de la mission médicale. Comme les hôpitaux psychiatriques refusent de prescrire les médicaments et de les fournir, les malades chômeurs et non assurés se retrouvent sans ressources et dans des situations désespérées où leur santé est en jeu.
*Le système de santé de premier degré : les PEDY et KY sont des structures qui correspondent aux dispensaires, PMI, centres de vaccination, etc. qui existaient naguère en France.
L’EOPYY correspond à notre Sécurité Sociale et l’ESY au ministère de la Santé. NDT
Dimitris Souliotis
Responsable du Dispensaire-Pharmacie Sociale de Vyronas
Prisonnier politique sous la dictature de 1967 à 1974
Traduction/Adaptation : Solidarité Grèce 67
Site/Blog : http://k-iatreio.blogspot.com