Le sain, le pathologique, le malsain sont parmi les termes les plus abusivement et les plus violemment sollicités dans l’agressivité sémantique, épistémique officielle des oligarchies. Et l’étiologie des malaises sociaux ne peut qu’interroger les artefacts immatériels à la fois idéels et hyperactifs d’une idéologie souvent accusatrice, (une "idéo-actéologie" vu sa détermination de l’action sociale) qui construit les « valeurs » collectives et la « nature des choses » cette sorte de seconde nature à la Nature, au gré de ses intérêts oligarchiques…
Dans la valeur à la fois lexicologique et logique d’un lemme, il est rare de trouver aussi tranchés et immédiatement intelligibles en un même signifiant, ce, avant toutes les vagues des connotations, les deux antonymes (pathologique et malsain) pressentis au sens dénoté de l’unité sémantique "Sain". Comme si le pathologique désigné et senti comme insanité et dérèglement par l’organisme dont il trouble le bon fonctionnement, est à l’instar du malsain pour la morale d’abord spirituelle, métaphysique où ce dernier (le malsain) renvoie à la perversion qui chambarde l’être humain qu’il risque de faire descendre dans l’infrahumain, le contraire de son être, l’opposé de sa nature ! Le malsain est au niveau social, affaire d’indécence mentale et de jugement par la culture, où la société en tant que champ anthropologique des visions du monde (weltanschauungen), attend un certain comportement conforme à ses fondements idéologiques vecteurs de ses lois et de ses codes institutionnels visibles et discrets de toutes sortes, étayant le normal et l’anormal, le juste et l’injuste, le bon et le mauvais...
Là , les sèmes dénotatifs du sain, cèdent le pas aux connotations qui, par leur nuance et leur éloignement premier via la manipulation herméneutique performative du langage construisant les perceptions collectives, se consacrent selon le réflexe-juge de la société, à la totalité pluridimensionnelle de l’homme au monde : individu et social ; organique et mental, strié à raison ou à tort par l’omniprésente étamine de la décence convenue contre le pervers et l’indécent.…
Le connotatif comme performativité idéologique.
La plus terrible propriété du pouvoir, c’est de faire de l’idéologie sans en avoir l’air, c’est d’établir ses vues, mêmes les plus loufoques, les plus toxiques et les plus mensongères comme évidence pour la société, comme fait mental et comportemental naturel pour le peuple.
Nous sommes dans une diversité d’inférences multiples accaparant tous les domaines existentiels des hommes par les sensibilités idéologiques qui objectivent l’homme pour le juger et parfois, le vouent au lynchage des vitupérations pour l’ajuster au comportement systémiquement idoine. Le connotatif est essentiellement constitué de sèmes idéologiques qui, dans la terminologie collective, excède les contours du lexicologique, s’imprime dans la weltanschauung civilisationnelle, étayant des codes culturels passant du religieux au juridique et au séculier ; du sacré au profane ; du politique jusqu’à la communication interpersonnelle, jusqu’à l’érotique et la relation amoureuse et de couple. Les sèmes idéologiques sont donc au langage, les éléments suggestifs opérant dans la sémantique discrète inavouée des dirigeants du monde au-delà de ce que les linguistes nomment les lemmes, c’est-à -dire les signifiants. Le connotatif est donc l’arme de la norme aux mains de l’oligarchie historique qui le change selon ses besoins et évolution. Car il s’agit essentiellement d’acte de signification du monde, ce qui est l’essence même de la norme instituée avec toutes ses règles et tous ses principes. Et nulle oligarchie, nul pouvoir ne laisse ce privilège (tout pouvoir, hormis celui de Dieu étant privilège et non droit transcendant) et cette prégnance assoyant sa primauté sur tous, entre les mains d’autrui. D’où, seule une révolution peut faire en sorte que tombent les normes et que soient transformés les sèmes connotatifs imprimés aux vocables-clés de la rection institutionnelle dans leur immanquable charge culturo-idéologique et leur ancrage au mental collectif comme nature des choses, ces fameuses métanatures culturelles évoquées au début de ce texte. Métanatures qui déterminent le mode sociopolitique et économique via le normal et l’anormal, c’est à dire le sain et le pathologique.
La logorrhée gnomique et la bile sentencieuse des structures qui ont fonction de dispensatrices et rectrices officielles du sens, ne s’offusquent guère du traitement de l’économie collective par des dirigeants qui appauvrissent le monde pour quelques-uns. Pas plus que ces mêmes institutions du sens comme l’école, la presse ne sont horrifiées par cette insanité autrement manipulatrice du système malsain de l’occident, qu’est l’argutie, consistant à justifier les séculaires méfaits hégémoniques occidentaux qui perdurent et se renouvellent systématiquement contre l’humanité, en proclamant que « toute civilisation dominante ayant fait autant, cela tient du normal de la nature humaine et est donc sinon acceptable mais inévitable, fatal » ! Comme si ce qui était mal autrefois et ailleurs, et puisque les autres ont été ou sont des salauds en leur temps et espace, rend admissible que maintenant, par des moyens d’ailleurs bien plus meurtriers et étendus, vu le support industriel, technique et technologique dont il dispose, qu’un quarteron d’États occidentaux agresseurs du monde, accomplisse et perpétue ses monstruosités multiples contre l’humanité et contre la planète !
Outre cet aspect plutôt général du politique dans le connotatif, il est la couleur férocement économique du sens connoté. Les pires prédateurs économiques des sociétés et du monde, ceux dont les agissements et les fausses valeurs préconisées constituent les monstres dénaturants, les minotaures déshumanisants, qui orchestrent tous les maux : de la paupérisation des masses à l’écrasement des pays périphériques ; des crises socioéconomiques aux désastres anthropologiques (j’évoque l’abêtissement et la réification des humains) en passant par les catastrophes écologiques. Toutes ces misères d’un monde rendu par leurs actes, néant de toute valeur, sans autre axiologie que l’argent et la consommation. Eux, non seulement normaux, sains d’esprit mais adulés, idolâtrés, faisant payer à tous leurs propres abominations, leurs mauvais choix économiques et leurs infamies innombrables à toute l’humanité quand la crise de leur système malsain éclate au visage de tous.
La norme avec ses principes, ses lois, ses définitions du sens - tant que la société sera entre les mains des prédateurs idéologiques qui arguent de bien en dénaturant tout - demeurera violence et aberration qui s’impose selon la rationalité agressive et criminelle des oligarques. Le pire, le plus malsain et pathologique dans tout cela, est que l’école et l’université, tous les échelons et niveaux du système éducatif, et leur activisme, reproduisent jusque dans la théorie, la justification de l’imposture. Puis, les médias avec leur culture du clinquant, consacrent à travers le populisme culturel et ses culturèmes, c’est-à -dire les codes sensationnalistes de cette culture médiatique, un vulgarisme-angélisme qui renforce les connotations nécessairement idéologiques pour signifier à l’adresse du populo les faits et choses de la vie courante. Et, pis encore, les peuples, les nations, les États, mollissent devant le trône diabolique, combien ignominieux de ces quelques-uns qui se permettent d’imposer leurs plus fienteuses exactions en Norme Suprême !
Pour constater la nocuité de ce mal civilisationnel aliénant qui est tout sauf incohérent, il suffit d’observer cette société ou, pour plus de précision, cette institution sociale embringuant monsieur tout le monde qui gesticule, idolâtre ses bourreaux, et pervers, dénonce le marginal, le non intégré par refus et par incompatibilité, comme anormal parce que dysfonctionnel ! Mais alors, qu’est-ce que bien fonctionner dans un système délétère, a-t-il de sain voire de méritant ?
Au bout de ce questionnement, force est de constater que c’est un élément fondamental de l’institution sociale, que de se considérer comme Fonction dictatrice des fonctionnements individuels et grégaires, Norme centrale dispensatrice de toutes normes. Quiconque donc, ne s’efforce d’être dans la norme préétablie, est impitoyablement sanctionné par le rejet, le refus et la récrimination haineuse de ces matérialistes que le Christ appelle dans son Évangile, « insensés qui accumulent du matériel et croient idiotement par l’accumulation, valoriser leur néant, combler leur existence illusoire, voire acquérir leur être » ! Ah ! Vraiment méprisable élite-canaille que ces immondes maîtres-esclaves de la sordidité normative, répressive des structures !
Faire de la pensée collective un tremplin vers les valeurs pleinement spirituelles et humaines, et réfuter l’abysse des instincts que fait l’idéologie dominante, voilà une piste digne pour tout penseur digne. La pensée, la parole vraiment engagée, est, en effet, tremplin humanisant contre la catapulte abêtissante du faux sens qui sévit dans notre société pathogène et malsaine.
Qui sait, peut-être qu’au bout du compte, les peuples conscientisés finiront un jour par démanteler la thaumaturgie d’État des groupuscules nantis qui façonnent légalement et structurellement la pathologique énormité d’une démocratie sans peuple, le malsain prodige d’un mode démocratique anti-peuple, strictement à la mesure de leurs intérêts et gloires oligarchiques !
Le refus de l’ordre du mal, tient à l’émancipation mentale des esclaves encore débilement heureux, se disant indolemment libres et acquiesçant leur sujétion par leurs utilisateurs pour quelques miettes et le confort de vivre en reflets et par procuration, la vie de leurs maîtres.
L’engagement contre l’ordre idéologique du monde prend tout son sens, lorsque la pensée de dignité de l’homme ose dire non à l’illusion d’un aller de soi naturel du statu quo, pour exiger une humanité plus digne de sa vérité, sa vocation supérieure contre la mécanique matérialiste d’un système dont les pulsions semblent trop nouées à l’Hadès pour dépasser la poussière et le néant.
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE