Le coupable présumé a été rapidement arrêté : James Earl Ray. Incarcéré au Missouri State Penitentiary, il s’en est évadé et a été à nouveau arrêté à Londres, deux mois après la mort de Martin Luther King. Il était porteur de faux papiers. Il est mort en prison le 23 avril 1998 à l’âge de 70 ans.
Pour Roger Martin et pour beaucoup, se pose la question de savoir si le pasteur a été victime d’un fanatique ségrégationniste isolé ou si ce dernier a bénéficié de complicités, si le meurtre était un coup monté dont James Earl Ray était un élément et la victime expiatoire. Et Roger Martin d’écrire :
QUI, COMMENT, POURQUOI ?
INCOHERENCES, FAUX, MENSONGES
ET QUESTIONS SANS REPONSES
Martin Luther King prônait la désobéissance civile, il se battait pour le droit des noirs, contre les injustices qu’ils subissaient, pour l’égalité. Son prestige était immense. Il était haï par le Ku Klux Klan. Orateur trop talentueux, prix Nobel de la Paix, il était surveillé en permanence par les services secrets US. Le FBI avait une fiche sur un de ses grands-pères communiste et avait introduit un informateur au sommet du Comité des responsables chrétiens du sud fondé par Martin Luther King. Par lui, le FBI était informé des dates et des lieux de déplacement du pasteur.
Il était devenu l’ennemi public N° 1 en adjoignant à son combat contre la ségrégation raciale d’autres combats : lors de son discours de Riverside, un an, jour pour jour, avant d’être abattu, il avait parlé pour les droits civiques, contre la guerre du Vietnam, et pour une unification des forces en lutte contre le système politique : le capitalisme. Le gouvernement s’alarmait de son « appel à une grande marche des pauvres sur Washington », une menace pour le pouvoir.
Sur cet homme, son combat, et les circonstances troubles de sa mort, Roger Martin a écrit un livre passionnant et documenté : « Le Rêve brisé. Il y a cinquante ans tombait Martin Luther King ».
Le 15 décembre 2016, en présentant ici un autre livre de Roger Martin, « L’affaire Jules Durand » je disais de l’auteur : « Roger Martin est écrivain. C’est un ami précieux et courageux. Il a des convictions communistes et il les défend [...]. Le Grand Soir a par ailleurs publié dix articles signés Roger Martin. Naguère, des fascistes musculeux, chassant en meute, ont voulu lui faire entrer dans le crâne (et dans les dents) l’idée qu’il se trompait de combat. Mais il persiste ».
Le mentir-vrai, le mentir, le vrai
Tel qui éprouve parfois l’impression de perdre son temps à lire un polar et « en même temps » répugne à se plonger dans un document historique a priori austère, va trouver ici son bonheur : de l’Histoire contée comme un polar, un polar nourri de faits historiques.
Roger Martin lève un sourcil à chaque mort « providentielle » des amis des peuples. Emile Zola, par exemple. Il ne croit pas à sa mort accidentelle, il a mené sa propre enquête et a écrit un livre dont il a été rendu compte ici : « Il est des morts qu’il faut qu’on tue » (Editions Cherche-Midi, 2016. 538 pages, 21€).
Mais attention, sa rigueur lui interdit de tomber dans le « complotisme », défaut rédhibitoire dont il se garde dans son travail et dont il se démarque prudemment dans cet ouvrage pour couper l’herbe sous les pieds à tout mauvais inquisiteur : « Point n’est besoin d’être complotiste pour estimer que trop de points sont entourés de mystère et de silence »(P. 127). Il y revient dans les dernières pages du livre : « Contrairement à ce qu’on pourrait peut-être penser, je me méfie comme de la peste du complotisme » (p. 326).
Ces sages précautions prises en ces temps où le politiquement correct et le politiquement pensé paralysent les chercheurs de vérités, il évite également l’autre défaut, l’angélisme et il note que l’Amérique a été ébranlée par quatre assassinats marqués par « une grande part d’ombre et de mystère ». Ce sont ceux de John Fitzgerald Kennedy, Malcom X, Martin Luther King, Robert Kennedy.
Ce qui fait la force de ce livre, ce qui le rend inattaquable, ce qui en fait un document pour historiens, c’est que l’auteur confie avec parcimonie et prudence son opinion sur tant de choses qu’il expose, pour privilégier les faits, les documents, les témoignages.
On verra par exemple comment Roger Martin détaille, pratiquement minute par minute les derniers moments de vie de Martin Luther King, ce qu’il a fait, ce qu’il a dit jusqu’à 18h01 ce 4 avril 1968, dans sa chambre, puis sur le balcon du Lorraine motel à Memphis où une balle le frappait au visage, lui fracturait la mâchoire, la colonne vertébrale, lui lacérait l’artère vertébrale et la veine jugulaire, touchait la moelle épinière. Lui arrachait la vie.
On pourrait croire que Roger Martin était là à ce moment précis, comme tout au long des enquêtes et des interrogatoires comme dans les salles d’audience des tribunaux, comme dans les bureaux des services secrets. Un travail d’orfèvre.
« Le Rêve brisé. Il y a cinquante ans tombait Martin Luther King », aux éditions De Borée. 327 pages, 21 €
Maxime VIVAS
EN COMPLEMENT :
Roger Martin parlant de Martin Luther King au micro de RTL le 22 mars 2018.
Blog de l’auteur : http://roger.martin.ecrivain.pagesperso-orange.fr/Html/Acc.htm