Le Pentagone dit au Sénat américain que les guerres vont continuer durant des dizaines d’années

Témoignant devant la Commission du Sénat américain sur les Forces armées, jeudi, des responsables du Pentagone ont affirmé que les lois sur la « Guerre contre le terrorisme » leur accordent des pouvoirs étendus pour mener des guerres partout dans le monde, y compris aux États-Unis, sans l’autorisation du Congrès.

Le vice-ministre de la Défense Michael Sheehan, a affirmé que la loi AUMF d’Autorisation de l’usage de la force armée, votée en 2001 par le Congrès après les attentats du 11 septembre, constitue une autorisation effective du Congrès pour les prochaines guerres menées dans le cadre de la « Guerre contre le terrorisme. » De son point de vue, le Pentagone peut continuer sa campagne mondiale d’assassinats par drones et lancer de nouvelles guerres tant qu’elles sont classées dans la catégorie « guerre contre le terrorisme, » sans avoir besoin d’une nouvelle autorisation du Congrès.

« Pour le moment, tout va bien avec l’AUMF, telle qu’elle est actuellement, » a dit Sheehan. « Présentement […] cela fait l’affaire. »

Sheehan a clairement dit qu’il croyait que cette autorisation de guerre s’étendait jusqu’à un avenir indéfini. Il a dit, « De mon point de vue, cela va continuer pendant un bon moment, oui, au-delà du deuxième mandat du président […] je pense que ce sera au moins pour 10 ou 20 ans. »

La position de Sheehan représente un rejet flagrant de la constitution américaine. L’article 1, section 8, de la constitution dispose : « Le Congrès aura le pouvoir […] de déclarer la Guerre, d’accorder des lettres de marque, et d’établir des règlements s’appliquant aux captures sur terre et sur mer. » Cependant, les hauts responsables du Pentagone sont, dans les faits, en train d’affirmer que le pouvoir du Congrès sera, pour une durée indéfinie, surpassé par le président et l’armée qui pourront lancer des guerres sans limites, à volonté.

Si la question est présentée publiquement comme un débat sur la révision de l’AUMF, des sections puissantes de la classe dirigeante américaine sont en fait en train de prendre des mesures pour suspendre des dispositions essentielles de la constitution américaine et installer une dictature militaro-présidentielle. En réaction aux interrogations de sénateurs amicaux, les responsables du Pentagone ont indiqué qu’ils pensent que l’AUMF permet à l’exécutif d’envahir unilatéralement, sans y avoir été provoqué, d’autres pays et de mener une guerre sur le sol des États-Unis.
Le sénateur Lyndsey Graham a demandé si l’AUMF actuelle conférait au président américain Barack Obama l’autorité pour déployer « une présence militaire » au Yémen au Moyen-Orient, ou au Congo en Afrique. Le conseiller général en poste au Pentagone, Robert Taylor, a répondu par l’affirmative
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« Seriez-vous d’accord avec moi si je dis que le champ de bataille se situe partout où l’ennemi choisit de l’établir ? » a demandé Graham.

Sheehan a répondu, « Oui, Monsieur, de Boston aux FATA [les Federally Administered Tribal Areas, au Pakistan], » faisant référence à ces régions qui sont une cible importante des attaques de drones américains, et à la prise de contrôle par l’armée de la ville de Boston le 15 avril lors des attentats contre le Marathon.

Dans le témoignage qu’il avait préparé, Sheehan a de plus écrit que « Etre citoyen américain n’immunise pas un membre de l’ennemi contre des attaques » de la part des forces américaines. Avec ce commentaire, Sheehan a encore une fois indiqué que le Pentagone approuve l’assassinat par les drones américains d’Anwar al-Awlaqi, un citoyen américain, le 30 septembre 2011. Washington n’a donné aucune preuve qu’Awlaki préparait ou menait un quelconque attentat contre les États-Unis, avant de l’assassiner avec un missile Hellfire.

Cela fait suite aux spéculations publiques, au début de l’année, du procureur général Eric Holder sur la possibilité d’assassinats extrajudiciaires contre des citoyens américains sur le sol américain, au cours d’opérations antiterroristes.

Tout le cadre des auditions au Sénat témoigne du profond déclin de la démocratie américaine. L’AUMF elle-même est un document antidémocratique, autorisant le président à utiliser la force contre toute « nation, organisation, ou personne, qui d’après lui a planifié, autorisé, commis ou contribué aux attentats terroristes qui ont eu lieu le 11 septembre 2001, ou abrité de telles organisations. »

Alors que l’AUMF était cyniquement présentée comme visant Al Quaïda et les Talibans afghans, Washington l’a pris comme un chèque en blanc pour mener des guerres impopulaires et commander des assassinats sur toute la planète.

Le prétexte était fondamentalement frauduleux, en ce que cette politique ne visait pas en premier lieu Al Quaïda. Elle visait à installer un pouvoir néo-colonial au Moyen-Orient, où la plupart des pays n’ont joué aucun rôle dans le lancement des attentats du 11 septembre, afin de prendre le contrôle de ressources pétrolières essentielles et de renforcer la position géostratégique de Washington vis-à-vis des autres grandes puissances étrangères. Elles visaient également à supprimer l’opposition populaire à une telle politique parmi la classe ouvrière américaine en installant un climat de peur et d’intimidation.

Les besoins changeants de la politique impérialiste américaine au cours des 12 dernières années ont complètement démenti le prétexte que ses guerres sont justifiées par l’AUMF. De nombreux groupes affiliés à Al Quaïda que Washington est en train d’attaquer, comme Al Quaïda au Maghreb islamique et Al Quaïda dans la Péninsule arabique, n’existaient pas en 2001 et n’ont joué aucun rôle dans les attentats du 11 septembre. Washington se sert même d’autres groupes, comme le Groupe islamique combattant en Libye ou le Front Al Nusra en Syrie, comme d’alliés de circonstance dans ses guerres pour un changement de régime dans ces pays.

Le Pentagone a réagi en affirmant que l’AUMF lui accorde également la possibilité de mener une guerre contre des « forces associées, »bien que ce terme n’apparaisse pas dans le texte de l’AUMF. Cela a provoqué des questions et même certaines critiques de la part des sénateurs.

Le sénateur Angus King a noté, « Vous avez pour l’essentiel réécrit la Constitution, là […] vous avez inventé ce terme, forces associées, et il annule les pouvoirs du Congrès sur la Guerre. » Il a ajouté, « Je ne suis qu’un vieux petit juriste de Brunswick, dans le Maine, mais je ne vois pas comment vous pouvez sérieusement lire ceci comme étant conforme à la Constitution. »

Le Sénateur John McCain a dit que, lorsque le Sénat avait voté l’AUMF en 2001, « Aucun d’entre-nous n’aurait pu envisager [d’accorder] l’autorité [pour déclencher une guerre] au Yémen ou en Somalie […] Que vous veniez ici nous dire que nous n’avons pas besoin de changer l’AUMF ou de la réviser, est, je pense, plutôt déconcertant. »

Le Sénateur Joe Donnelly a soulevé la question d’Al Nusra lors de l’audition au Sénat, et a demandé si en s’affiliant à Al Quaïda – comme l’a fait Al Nusra – un groupe devenait automatiquement une menace envers les États-Unis.

Sheehan a répondu, « Oui monsieur, même si je dois bien le reconnaître, on entre ici dans des zones un peu troubles, parce qu’il y a des groupes qui ont ouvertement affirmé leur soutien à Al Quaïda et pourtant, en fait ,en tant que gouvernement, nous n’avons pas complètement tiré toutes les conséquences de cela. »

Néanmoins, tous les sénateurs ont insisté sur leur accord fondamental concernant ce cadre frauduleux de la « guerre contre le terrorisme. » King a insisté, « je ne suis pas en désaccord sur le fait qu’il nous faut lutter contre le terrorisme. »

McCain a déclaré aux responsables du Pentagone, « Je ne vous le reproche pas, parce qu’en fin de compte vous avez carte blanche sur ce que vous allez faire de par le monde. »

Ces commentaires révèlent clairement la réalité politique que l’unique base sociale pour la démocratie aux États-Unis est la classe ouvrière. Même si l’AUMF et la « guerre contre le terrorisme » sont publiquement exposées comme des prétextes utiles à l’armée américaine pour s’emparer de pouvoirs immenses en violation de la Constitution, l’establishment politique officiel continue de soutenir le Pentagone, afin de faire progresser les intérêts stratégiques de l’impérialisme américain.

Alex Lantier

http://www.wsws.org/fr/articles/2013/mai2013/pent-m21.shtml

COMMENTAIRES  

25/05/2013 20:36 par Bonjour

Voilà qui est dit concernant l’action militaire US au Proche-Orient et en Afrique.

Pour l’Europe, peu de choses ont vraiment changé depuis la guerre froide, les Européens sont appauvris et divisés, donc hors jeu :

"Les USA n’excluent pas un rapprochement des positions de la Russie et des USA concernant la sécurité en Europe" - RIA Novosti.

26/05/2013 07:45 par CN46400

En clair, il n’est plus nécessaire, au USA, de faire tomber deux tours, pour obtenir que les feux anti-guerre passent au vert....

26/05/2013 10:02 par Jean-Loup

Cet article confirme un vieux pressentiment que je traîne avec moi depuis des années. Je pensais en toute innocence que ces faits et cette volonté de dominer, régenter le monde et le mettre en coupe réglée resteraient occultes et dissimulés au plus grand nombre ! Et bien non il est affirmé ouvertement et même revendiqué par cette loi !

Et je ne peux m’empêcher de citer Woodrow Wilson, Président des Etats-Unis de 1913 à 1921 : "Puisque le commerce ignore les frontières nationales, et que le fabricant insiste pour avoir le monde comme marché, le drapeau de son pays doit le suivre, et les portes des nations qui lui sont fermées doivent être enfoncées. Les concessions obtenues par les financiers doivent être protégées par les ministres de l’Etat, même si la souveraineté des nations réticentes est violée dans le processus. Les colonies doivent être obtenues ou plantées afin que pas un coin du monde n’en réchappe ou reste inutilisé."

Autrement dit toute nation collectivité ou personne qui n’achète pas ce que je veux lui vendre, et ne me vends pas ce que je veux lui acheter au prix que, moi, je lui fixe, et qui, de plus, n’adhère pas à mon "idéologie" mercantile sera considéré comme nation terroriste, collectivité ou individu terroriste et par conséquence éradiqué et remplacé par qui je désignerais !

26/05/2013 17:28 par Lionel

...Pendant que pullulent les groupuscles d’auto-défense armée, civils ou paramilitaires plus ou moins nazillons mais dans tous les cas très dangereux !
Ils ont été les premiers à dénoncer les "patriot act", la concentration extrême des pouvoirs présidentiels d’Obama et la permanente remise en cause de l’ex-intouchable et sacrée Constitution.
Dans un tel contexte je suppose qu’ils ont un tapis rouge auprès de "l’opinion".
L’Europe se calque dans ses mesures législatives sur cette droitisation étasunienne, ils tentent de mettre en place l’arme fatale, l’irréversibilité de la main-mise de l’occident sur le reste de la planète.
La loi d’exception votée récemment donnant à Monsanto un blanc-seing qui le met à l’abri de toute poursuite pénale est de la même veine, une fois l’ensemble du règne végétal contaminé nous n’aurons plus le choix et l’accord sur le projet de loi européen sur l’interdiction de culture, échange même gracieux de toutes les semences non répertoriées ( 95 % des semences utilisées de par le monde pour l’alimentation ) aux professionnels comme aux amateurs fait partie de cette stratégie de mise en coupe réglée de tout ce qui peut se monnayer.
Jean-Pierre Berlan nous a dit il y a déjà une quinzaine d’années qu’ils n’hésiteront pas à nous faire payer l’air que l’on respire et la lumière du soleil, il a été visionnaire !

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