Le 21 octobre 2000, à Ramallah, tandis qu’une balle de M16 israélien volait avec ardeur vers mon poumon gauche, j’ai eu le temps de me dire : « Bon, je vais au tapis mais, merci le diable et Robert Ménard, Reporters Sans Frontières sera là pour me relever ».
En cas de malheur, quand vous êtes journaliste, « correspondant de guerre » comme ils disent, vous êtes imprégné, instruit du total support que vous pouvez attendre de l’ONG sans frontières. Très mal en point mais même pas mort, j’ai pu constater l’incroyable soutien que m’a délivré RSF à mon endroit : rien. Mais pourquoi ? Parce que je n’avais pas reçu la bonne balle, y’avait erreur comme souvent chez Colissimo. Si les ordures salopardes et fascistes Serbes m’avaient collé la même punition au Kosovo, là, je ne dis pas. Le bronze pour ma statue, dressée dans le jardin de Ménard, était déjà prêt, bouillant à glouglous. Mais là, être touché par du 5,56 lancé par un État démocratique, c’était inconcevable pour RSF. Sûrement ma faute.
Poussé au cul par mon avocat, l’admirable et si patient William Bourdon, le Ménard a été contraint, dans mon dossier, de se porter partie civile. Pour « tentative d’assassinat volontaire », incrimination qui le mettait en transe. Comment le petit Robert pouvait-il expliquer à ses amis israéliens sa trahison judiciaire ? Le soutien à un gugus hostile ? J’ignore par quelle génuflexion le pitre, aujourd’hui de Béziers, s’est fait pardonner. Mais je n’ai plus entendu parler de RSF. Sauf en 2012, dans un lapidaire communiqué, toujours publié sous la pression de Bourdon. J’ai donc été un reporter sans Reporters Sans Frontières. Aujourd’hui c’est avec le Syndicat National et la Fédération Internationales des Journalistes que je termine mon combat devant les juges, dix-neuf années plus tard.
Et je tire une grande satisfaction que ces défenseurs en peau de lapin m’aient ignoré. Le dernier avatar de cette ONG amie de l’OTAN et des néoconservateurs étasuniens le démontre : le 19 mai à Tel Aviv, en présence du président israélien, RSF a reçu le Prix Dan David. C’est étonnant comme un million de dollars suffit à ramollir le morale. Et RSF a un énorme besoin d’argent, tant la PME est lourde. Ménard était bien plus doué pour rabattre les dollars venus de Washington, ou de l’extrême droite cubaine exilée à Miami. A ce sujet, pour pénétrer à l’intérieur de cette machine qui ressemble à l’éléphant d’acier qui se balade parfois dans les rues de Nantes, sautez sur le livre de Maxime Vivas La Face Cachée de Reporters sans frontières chez Aden éditions. Maxime met l’ONG à poil, la vérité toute nue.
A Tel Aviv, sous les hourras de l’ambassadrice de France, Christophe Doloire est resté ferme sur le principe en recevant un prix patronné par un criminel de guerre : Henry Kissinger. Bravo Christophe, tu es un saint. Petit drame, il faut partager les sous avec un pseudopode du milliardaire Georges Sorros. Un faucon américano-canadien qui tient boutique de l’ultra libéralisme à l’université de Budapest. Savoir que ce personnage a approuvé toutes les guerres étasuniennes doit consoler Deloire dans son devoir de partage. C’est un frère en idées. Compter les dollars avec un tel compère, ça fait monter le cours de l’honneur. Le président de RSF, piètre Haski, et des éminences du Conseil comme Paul Moreira(1), des gens intraitables avec principes, doivent ressentir un peu de la joie de Christophe. Un garçon enthousiaste mais qu’il faut aider puisque, outre l’enfant Jésus, il doit aussi porter la lourde engeance de RSF sur le dos.
Les Palestiniens, qui sont des cons, n’ont rien compris au combat de RSF ont protesté contre ce « Nobel » remis à Christophe : « Le fait que Reporters sans frontières ait reçu ce prix porte tristement atteinte à sa crédibilité. En réalité, recevoir un prix pour « la démocratie » en présence de Reuven Rivlin, président du régime israélien qui a voté, en juillet dernier, la Loi sur l’Etat-nation qui institue officiellement l’apartheid, n’aide pas la démocratie, bien au contraire. » Allons bon. Jamais contents ceux-là. Catherine Hall est elle aussi est une emmerdeuse. Cette historienne et féministe anglaise d’University College de Londres a refusé les dollars de Dan.
La dernière fois que j’avais pris Deloire en flagrant délit de braconnage, c’est en 2013. A la lecture de nouvelles venues du Gabon j’avais constaté que notre mètre-étalon de la déontologie s’en était allé faire la quête chez l’exemplaire Ali Bongo. Pour l’excuser, disons qu’il n’était pas seul dans cette battue, puisque le leader était une petite bande attachée à Libération, organisatrice d’un Forum qui, on le sait aujourd’hui (le Parquet National Financier enquête), lui a rapporté 3,45 millions. Associé à cette entreprise démocratique, on ignore en revanche combien RSF a tiré de sa mission civilisatrice... Tout cela pour vous indiquer que Deloire a autre chose à faire que de s’occuper d’un journaliste qui s’est fait flinguer par Israël.
La mécanique de RSF est semblable à celle des éoliennes : faire du vent pour en tirer de l’énergie. Il faut paraître, passer à la télé, émouvoir, protester pour affirmer la posture du défenseur de presse. Porter des « vestes de reporters » même pour aller au Zéphyr boire un coup sur les boulevards. Après il faut espérer recevoir assez d’argent pour faire vivre la boutique. Vous l’avez bien compris, le dollar ne vient que si l’ONG soutien la démocratie, celle de Dick Cheney, de Paul Wolfowitz et autres néocons, et ainsi on pérore sans honte et en toute liberté lors de raout organisés par la French American Foundation, une officine de la CIA. Ainsi, à Bayeux, où RSF patronne un barnum sur le thème de « correspondants de guerre », un Prix a été remis à Bilal Abdul Karim, magnifique homme de presse mais aussi djihadiste à ses heures. Un supporteur de « rebelles syriens », ça ne se conçoit pas sans Prix.
On notera que, depuis quelque mois, RSF se penche enfin sur un OVNI pendant longtemps ignoré, la presse française. Les journaux étant des bailleurs de fonds de Ménard, ce dernier n’était pas assez sot pour les critiquer. Plutôt à les aider en dénonçant les vrais ennemis des journalistes tricolores, les énergumènes de banlieue. En son temps, Ménard a osé publier tout un « rapport » nous enseignant que le beur, recevant mal l’aimable et bien disposé cameraman de BFM, était vraiment un disciple de Pol Pot. Notre vrai ennemi. Doloire a tourné cette page. Il ose évoquer le cadavre qui bouge encore, les journaux de France. Avec les sous du Prix Dan David, Drahi, Lagardère, Dassault et Niel ont intérêt à faire gaffe, les missiles vont tomber. Et attendre le Prix Jair Bolsonaro. C’est sympa, il est remis au Brésil. Avec des filles, de la musique.
Jacques-Marie BOURGET
EN COMPLEMENT (LGS) :
Sur cette vidéo datée du 7 juin 2018, la revue REGARDS.fr, de Clémentine Autain (député LFI/Ensemble) et Elsa Faucillon ( députée PCF) accorde un interview de 20 minutes à Christophe Deloire Pierre Haski.
A partir de la minute 9.35, va être désigné nommément le nom d’un grand ennemi de la presse en France, peut-être un peu responsable de violences contre les journalistes.
(1) Note de Maxime Vivas à propos de Paul Moreira, membre du conseil d’Administration de RSF : Il avait naguère en charge l’émission "90 minutes" sur canal +. Il avait produit un reportage puant de mauvaise foi sur Cuba : il filmait en caméra caché (alors que n’importe qui peut filmer à Cuba) pour créer une ambiance d’oppression, il provoqua longuement un policier, sans obtenir l’incident souhaité, il proposa à un enfant rencontré dans la rue de l’emmener au musée puisque le régime castriste interdisait l’accès aux mineurs non accompagnés. Tout était de ce tonneau (de rhum frelaté).
Voici comment son reportage était présenté : « Enquête clandestine sur l’apartheid cubain. Pour échapper au contrôle de la police politique sur les Cubains qui parlent aux journalistes étrangers et montrer l’apartheid qui sépare implacablement les Occidentaux de la population locale, une équipe de « 90 minutes » s’est introduite clandestinement dans l’île, où la révolution « romantique » a viré au cauchemar ».
Clandestine, apartheid, contrôle, police, introduite clandestinement, cauchemar. Le tout en quatre lignes. C’était l’annonce d’un reportage pire que ça.
J’avais polémiqué avec lui après la diffusion de ce pamphlet malhonnête. Il m’avait répondu par une assez longue lettre d’où il ressortait que j’étais un stal, qu’on n’avait pas la même conception de la démocratie et que j’étais informé par les services secrets cubains.
Normal qu’il administre à présent une ONG (sic) que Ménard sut faire financer par des sociétés écrans de la CIA.
MV.