Là où les hommes souffrent, les femmes portent ces souffrances. Marginalisation économique et discriminations ont constitué des ghettos où les citoyens ne se sentent pas égaux aux autres et les citoyennes encore moins. Nous sommes des femmes de ces quartiers qui avons décidé de ne plus nous taire face aux injustices que nous vivons, qui refusons qu’au nom d’une "tradition", d’une "religion", ou simplement d’une violence, nous soyons toujours condamnées à subir.
La vie de nos quartiers, des familles qui y vivent, des enfants et de leur avenir ne pourra évoluer sans que nous, les femmes, y retrouvions toute notre place, toute notre dignité.
Dénoncer le sexisme omniprésent, la violence verbale, physique, la sexualité interdite, le viol modernisé en "tournantes", le mariage forcé, la fratrie en gardien et l’honneur de la famille ou des quartiers en prison ; dénoncer tout cela pour ne plus céder à cette logique du ghetto qui nous enfermera définitivement tous dans la violence s’il n’y a pas de révolte.
A l’heure où chacun cherche une réponse à la violence qui mine notre société, nous voulons dire que le premier pas passe par notre libération et le respect de nos droits les plus élémentaires. Pouvoirs publics, médias, partis politiques ne voient et ne parlent de la banlieue qu’au masculin.
Nous n’apparaissons que de temps à autre, gentilles, réussissant bien à l’école ou à l’atelier cuisine qui prépare les repas de la fête de quartier. Silence sur nos vies, sur celles qui ont fugué, qui font le ménage du matin au soir, qui se cachent pour aimer ou se retrouvent maman à peine sorties de l’enfance.
Alors, nous avons décidé de ne plus attendre que cela aille de mal en pis, nous avons décidé d’agir, pour que la vie change pour nous, nos familles et nos quartiers. Parler sans tabou des choses que l’on cache aux autres sera difficilement accepté par certains.
A eux nous leur disons : Comment pourriez-vous vaincre l’injustice, le racisme, la relégation, l’échec scolaire, la prison, si vous nous oppressez, vous aussi ?
Des millions de femmes dans les banlieues ne veulent plus de ce faux choix entre la soumission aux désordres du ghetto ou vendre son corps sur l’autel de sa survie.
Ni putes, ni soumises, simplement des femmes qui veulent vivre leur liberté pour apporter leur désir de justice.
Pour la mise en place d’une politique d’Etat volontariste afin de renforcer les valeurs républicaines et favoriser la paix sociale :
– Ouverture de structures permettant l’accès aux droits élémentaires :
Droit à l’éducation sexuelle pour tous :
– Connaissance du corps,
– Les différents modes de contraception
– Information sur les MST
Droit à l’éducation civique
– Apprentissage renforcé de la langue,
– Cours d’éducation civique,
– Permanences juridiques encadrées par des professionnels
– Connaissance des droits du citoyen
– Accès à l’information, l’orientation et le traitement, si besoin est
Droit à la sécurité pour tous
– Permanences d’accueil spécifique pour les victimes de harcèlement sexuel
– Création de centres d’hébergement d’urgence pour les victimes de :
– Violences morales, physiques (conjugales ou non)
– Mariages forcés et polygames
– Création de services d’accueil dans les commissariats en relation avec les structures d’aide aux femmes
– Création d’un dispositif légal permettant aux services consulaires français à l’étranger de protéger et de rapatrier les citoyennes françaises ou étrangères vivant en France, mariées de force
– Lutter contre toutes les sources qui alimentent les filières de prostitution (polygamie, filières clandestines, rupture familiale etc….)
Pour la reconnaissance des associations et en particulier des associations de femmes de quartier comme des acteurs à part entière de la démocratie locale et participative :
– Financements spécifiques et conséquents pour les différentes actions et la formation des cadres associatifs féminins
– Mise à disposition de locaux et de salles pour faciliter la pratique de la démocratie de proximité.
Pour une politique de la ville en faveur de la mixité :
– Mise en place de projets mixtes,
– Favoriser toute action visant à un meilleur accès à la culture et aux loisirs,
– Une meilleure reconnaissance et représentativité des associations de femmes des quartiers dans les différents dispositifs d’état et des collectivités territoriales,
– Favoriser toute initiative créant du lien entre le centre-ville et les quartiers.
Pour une politique familiale qui permette d’alléger les contraintes quotidiennes pesant sur les femmes :
– Mise en place de nouvelles crèches,
– Mise en place d’un dispositif qui allège le coût d’une place en crèche.
– Améliorer et renforcer le dispositif de garde à la carte.
Pour une politique de l’emploi volontariste :
– Favoriser une politique de lutte contre le travail précaire
– Renforcer le dispositif existant et faire appliquer systématiquement la loi contre toutes les formes de discrimination
– Application réelle et concrète des lois sur l’égalité professionnelle.
Pour une politique éducative mixte et démocratique :
– Maintenir et renforcer le creuset français, et favoriser la mixité dans les établissements scolaires
– Améliorer les dispositifs d’orientation (choix des filières)
– Rendre attrayantes et accessibles les différentes filières jusque-là réservées aux garçons
– Lutter contre les filières "voie de garage" qui ne mènent qu’à des petits boulots ou au chômage
– Introduire dès la classe primaire et jusqu’au lycée des cours sur l’éducation sexuelle, civique, l’égalité des sexes et les droits spécifiques des filles.
APPEL NATIONAL DES FEMMES DES QUARTIERS
Nous, femmes vivant dans les quartiers de banlieues, issues de toutes origines, croyantes ou non, lançons cet appel pour nos droits à la liberté et à l’émancipation.
Oppressées socialement par une société qui nous enferme dans les ghettos où s’accumulent misère et exclusion.
Étouffées par le machisme des hommes de nos quartiers qui au nom d’une "tradition" nient nos droits les plus élémentaires.
Nous affirmons ici réunies pour les premiers "Etats Généraux des femmes des Quartiers", notre volonté de conquérir nos droits, notre liberté, notre féminité. Nous refusons d’être contraintes au faux choix, d’être soumises au carcan des traditions ou vendre notre corps à la société marchande.
– Assez de leçons de morale : notre condition s’est dégradée. Les médias, les politiques n’ont rien fait pour nous ou si peu.
– Assez de misérabilisme. Marre qu’on parle à notre place, qu’on nous traite avec mépris.
– Assez de justifications de notre oppression au nom du droit à la différence et du respect de ceux qui nous imposent de baisser la tête.
– Assez de silence, dans les débats publics, sur les violences, la précarité, les discriminations.
Le mouvement féministe a déserté les quartiers. Il y a urgence et nous avons décidé d’agir.
Pour nous, la lutte contre le racisme, l’exclusion et celle pour notre liberté et notre émancipation sont un seul et même combat. Personne ne nous libèrera de cette double oppression si ce n’est nous mêmes.
Nous prenons la parole et lançons cet appel pour que dans chaque cité de France, nos soeurs, nos mères entendent ce cri de liberté et rejoignent notre combat pour mieux vivre dans nos quartiers.
Pour que nous soyons entendues : Diffusez notre Appel le plus largement possible et Participez à l’ensemble des initiatives féministes et antiracistes qui restent le coeur de notre combat !
Fédération Nationale des Maisons des Potes
190, Boulevard de Charonne - 75020 PARIS
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Fax. 01.44.93.23.24
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