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Un déficit de démocratie

La Tyrannie des Banques Centrales (Counterpunch)

La Banque Centrale Européenne (BCE) a annoncé récemment une hausse de son taux directeur d’un quart de point, le portant à 1,25%. C’est une très mauvaise nouvelle pour les habitants de la zone euro et peut-être aussi pour le reste du monde.

Cette initiative montre deux choses. La première, c’est que la BCE se prépare à ralentir l’économie de la zone euro et supprimer des emplois. C’est l’objectif de l’augmentation des taux. La BCE vise un taux d’inflation à 2% alors que le taux actuel est autour de 2,5%. Le taux d’inflation se situe au-dessus de l’objectif de la BCE et ceci est principalement dû à la hausse des prix du pétrole et d’autres biens de consommation. Et ces hausses de prix sont elles-mêmes dues principalement à l’instabilité qui règne au Moyen-orient et à la demande croissante de la Chine, de l’Inde et d’autres pays en rapide voie de développement.

La hausse des taux d’intérêt dans la zone euro ne fera pas grand chose pour ralentir la hausse des prix. Par contre, si la hausse des taux provoque suffisamment de suppressions d’emploi dans la zone euro, la pression sur les salaires serait telle qu’elle pourrait contrebalancer la hausse des prix. Si les prix augmentent de plus de 2%, alors la BCE pourra limiter la hausse des salaires à moins de 2%, et atteindre ainsi son chiffre magique et pouvoir annoncer «  mission accomplie ».

Ce qui soulève un autre aspect de cette initiative de la BCE. Celle-ci n’a rien appris des événements de ces trois dernières années. Ceux qui espéraient que la pire crise de ces 70 dernières années changerait le comportement de la Banque vont être déçus. Elle continue de poursuivre son objectif de limiter l’inflation sans la moindre considération quant à ses effets négatifs sur l’emploi.

Malheureusement, la BCE n’est pas seule. La plupart des Banques Centrales sont désormais dirigées par des chasseurs d’inflation qui ignorent ouvertement les effets de leurs actions sur la production, l’emploi et la stabilité financière.

Un déficit de démocratie.

Le pire dans cette histoire est que les décisions fondamentales sur la politique économique sont prises par une petite clique secrète qui agit hors de tout contrôle du public. Les décisions des banques centrales sur les taux auront probablement plus d’impacts sur l’emploi et la croissance que toute autre mesure qui pourrait être débattue à n’en plus finir au sein des parlements d’élus. Et pourtant, leurs décisions sont prises en dehors de tout cadre démocratique.

Pour être honnête, il faut reconnaître que les politiques sont largement responsables de cette situation. C’est eux qui ont crée des institutions qui placent les banques centrales hors de tout contrôle démocratique. Il n’y a probablement aucune banque plus isolée du processus démocratique que la BCE, principalement à cause de sa structure multinationale, mais toutes les banques centrales dans les pays riches jouissent d’un niveau extraordinaire d’indépendance vis-à -vis des gouvernements élus. Dans de nombreux pays, elles sont encore plus indépendantes que la Justice.

Pire encore, les politiques ont mandaté de nombreuses banques centrales, comme la BCE, pour limiter l’inflation à l’exclusion de toute autre considération. Ce qui autorise les banques centrales à supprimer des millions d’emplois pour satisfaire leur obsession vis-à -vis de l’inflation.

Accorder aux banques centrales la liberté de combattre l’inflation pourrait éventuellement se justifier si elles avaient fait preuve d’un savoir-faire, mais ce n’est même pas le cas. L’économie mondiale est sur le point de perdre 10 mille milliards de dollars parce que les banques centrales ont été incapables de freiner la bulle spéculative sur l’immobilier.

Alors que les dirigeants des banques centrales se congratulaient mutuellement pour avoir atteint leurs objectifs en terme d’inflation, les bulles grossissaient de jour en jour, et le système financier devenait de plus en plus spéculatif. Tout ce qu’ils ont trouvé à dire lorsque la bulle a éclaté en 2008 fut «  c’est une surprise ».

Dans toute autre profession, ces gens auraient été licenciés pour avoir commis des erreurs d’une telle ampleur. Si un banquier a perdu son emploi à cause de ce désastre, on n’en a pas entendu parler.

La crise économique aurait du apprendre aux banques centrales qu’il ne suffit pas de courir uniquement après l’inflation, et que le chômage et la santé et stabilité économique et financière en général sont aussi importantes. Et à cause de leurs échecs en la matière, nous aurions du assister à des licenciements de banquiers par charrettes entières.

Les banques centrales devraient aussi avoir des comptes à rendre aux gouvernements élus. Leurs choix produisent des effets que l’opinion publique a le droit de connaître, notamment lorsqu’ils décident de sacrifier l’emploi pour lutter contre un risque d’inflation.

Naturellement, différents acteurs de la société adopteront différentes positions sur cette question. Les sociétés financières, qui sont en général très proches des banques centrales, ne se sentent pas vraiment concernées par le chômage. Par contre, elles verront d’un très mauvais oeil une inflation qui leur ferait perdre d’énormes sommes d’argent.

Alors que l’opinion publique choisirait probablement le contraire, puisque des taux modérés d’inflation ne font pas courir de gros risques. C’est ce genre de choix qui devrait être soulevé dans toutes les campagnes électorales, parce que son impact est bien plus important que toute mesure fiscale ou budgétaire que les partis politiques pourraient proposer dans leurs programmes.

Cela ne signifie pas que les politiques doivent décider eux-mêmes des taux. Mais les gens qui décident devraient avoir des comptes à rendre aux politiques, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Une banque centrale devrait être soumise aux mêmes contraintes que n’importe quel autre organisme de régulation. (…)

Il s’agit simplement de rétablir la responsabilité des dirigeants des banques centrales sur leur gestion de l’économie. On ne peut plus accepter que les banques centrales se comportent comme des églises qui n’auraient aucun compte à rendre aux communs des mortels.

Dean Baker

Dean Baker is the co-director of the Center for Economic and Policy Research (CEPR). He is the author of Plunder and Blunder : The Rise and Fall of the Bubble Economy and False Profits : Recoverying From the Bubble Economy.

http://www.counterpunch.org/baker04202011.html

Traduction "ni responsables, ni coupables, ni même très doués on dirait" par Viktor Dedaj pour le Grand Soir avec probablement les fautes et coquilles habituelles

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