Retour sur les affrontements de ces derniers jours entre jeunes réunionnais protestant contre la vie chère notamment et les flics envoyés par la République coloniale. L’année dernière déjà , à Mayotte, les mahorais s’étaient battus, pour des raisons similaires, mais seuls et isolés. Cette fois-ci les organisations ouvrières de France, à commencer par l’extrême gauche, devraient construire maintenant la solidarité internationaliste et anticolonialiste !
Si la rébellion qui a commencé le 24 février dans l’àŽle de la Réunion a touché une dizaine de villes, l’épicentre du mouvement, le quartier du Chaudron, à Saint-Denis (chef-lieu de l’île), a une longue histoire de luttes. Né de la loi du 15 décembre 1964 sur proposition de Michel Debré, bras droit de De Gaulle, alors député, Le Chaudron tel qu’on le connaît actuellement a commencé à être construit en 1965 en remplacement des bidonvilles préexistants. C’est dans ce quartier populaire de Saint-Denis qui compte aujourd’hui plus de 40.000 habitants qu’ont eu lieu, en 1973, les premières mobilisations de la jeunesse réunionnaise, donnant lieu à des affrontements violents avec les CRS français envoyés par la République coloniale.
Le Chaudron, un quartier explosif
Plus récemment, au début des années 1990, le quartier a également été le théâtre d’émeutes. En février et mars 1991 les jeunes dressèrent des barricades à la suite de l’interdiction d’émettre décrétée par le CSA pour la chaîne de télévision « Télé Free Dom ». Plusieurs jeunes trouvèrent la mort au cours des affrontements avec les forces de répression. De nouveaux affrontements eurent lieu en décembre 1992, toujours dans le quartier du Chaudron mais également au Port, une ville du Nord-ouest de l’île. Ils avaient déjà pour causes profondes la misère endémique, le chômage et la vie chère. En 1999, le taux de chômage, dans la zone située entre le Chaudron et Sainte Clotilde, était d’environ 38%. Aujourd’hui, le taux de chômage se situe aux environs de 30% sur l’ensemble de l’île. Il avoisine les 60% parmi la jeunesse !
Les évènements de février 2012
Les événements de ces derniers jours à La Réunion ont démarré à la suite d’une manifestation des routiers contre le coût exorbitant des carburants. Si les médias officiels prétendent que les affrontements sont moins violents qu’en 1991-1992, des informations circulant sur internet font état d’un mort dans la nuit du 24 au 25 février ; un jeune aurait été tué par un tir de « gomme-cogne ». Cette arme utilisée par les policiers, soi-disant « nonlétale », l’est de fait, pour des tirs rapprochés. Les forces de répression déployées sur l’île sont considérables : 576 policiers et gendarmes ont été appelés en renfort.
« Vie chère » et économie coloniale
Le vendredi 24 février « la table ronde » avec les organisations syndicales de routiers et les associations de consommateurs a débouché, comme précédemment à Mayotte, sur des résultats inacceptables : baisse de 8 centimes du prix du carburant à la pompe, baisse annoncée (mais non chiffrée) du prix de vente pour 40 produits à partir de mars. La diminution du prix de l’essence est obtenue en diminuant les taxes locales sur le transport du carburant. Autant dire qu’elle sera financée par……. les travailleurs réunionnais dont 50% vit sous le seuil de pauvreté. Sur l’île le PIB moyen par habitant est de 18.250 euros, contre 30.401 euros dans l’Hexagone.
Comme à Mayotte, toute la nourriture est importée de métropole. Les terrains cultivables (44.000 hectares) sont consacrés pour 80% à la canne à sucre. Le chiffre d’affaires du principal producteur, le groupe « Quartier Français », a été de 350 millions d’euros en 2007. La distribution des biens de consommation, elle, est aux mains du groupe Casino (Jumbo Score) dont le chiffre d’affaires annuel est d’environ 900 millions d’euros.
Une répression impitoyable
Ceux qui font crever de faim le peuple, on les appelle « entrepreneurs » et ils se consacrent, paraît-il, aux « affaires ». Les flics coloniaux, eux, « font respecter l’ordre ». Ceux qui résistent et protestent contre la vie chère et cette économie coloniale, la presse et les médias disent que ce sont des « violents » et des « casseurs ». En attendant, la justice coloniale a la main lourde.
Au tribunal de Saint Denis les condamnations en comparution immédiate pour les événements de ces derniers jours sont d’une dureté extrême : huit mois fermes pour un père de famille de 46 ans accusé d’avoir « lancé des galets » ; jusqu’à deux ans pour d’autres manifestants.
Organiser la solidarité, une tâche élémentaire
Lors d’évènements similaires dont avait été le théâtre Mayotte en 2011, l’attitude des organisations ouvrières et notamment des organisations d’extrême gauche avait été consternante : pas d’appel unitaire à meeting ou à des manifestation. Seul le LKP avait sauvé l’honneur en appelant à une manifestation de soutien en Guadeloupe [1].
Ces jours-ci, notre parti, le NPA, a réussi le « tour de force » de participer à la semaine anticoloniale qui se tenait à Paris sans se battre pour y mettre au centre la lutte contre « notre » gouvernement colonialiste, maintenant, et sans faire de la solidarité inconditionnelle avec les manifestants réunionnais un axe de notre discours alors que nous étions invité sur différents médias dans le cadre de la campagne.
La direction du parti et Philippe Poutou, candidat à la présidentielle pour le NPA, devraient lancer un appel à l’ensemble des organisations du mouvement ouvrier, syndicales et politiques, pour que la solidarité des travailleurs avec le peuple réunionnais et contre la répression puisse s’exprimer à travers des meetings et des manifestations dans les grandes villes de France.
Christian Faucomprez
Source : CCR du NPA
27/02/12