"La Raison du plus Fort", le dernier film documentaire de Patric JEAN.
Patric est belge et a déjà réalisé "Les enfants du Borinage" qui travaillait
sur la reproduction sociale. Des derniers mots et constats de ce film,
"aujourd’hui on détruit ici une usine et demain on bâtira une prison", il
débute "La Raison du plus Fort".
"La Raison du plus Fort" travaille sur l’enfermement dans tous ces états
(social, urbanistique, carcéral), il effectue un voyage au "pays de la
discrimination raciale et sociale".
Interview de Patric JEAN
D’où vient l’idée de ce film ?
P.J. L’idée vient du rapport commandé par le ministre belge de la justice
(Verwilgen) sur les liens entre immigré et délinquant. Le masque était
tombé, Non pas celui de l’extrême droite qui n’en a plus depuis longtemps,
mais celui de certains « démocrates ». Ce rapport a beaucoup choqué les
sociologues, les criminologues mais la presse s’en est très peu émue. Comme
si cette question n’était pas tout à fait idiote. Le rapport a donc été
rédigé et, comme par hasard, il est mis en valeur et abondamment cité dans
la littérature de l’extrême droite flamande (Vlaams Block).
Qu’est-ce qui vous choquait le plus et pourquoi en faire un film ?
P.J. C’est le même ministre qui, en même temps, proposait la dépénalisation
des délits financiers pour lesquels il fallait « trouver des arrangements » et
qui a tout fait pour criminaliser la pauvreté. Même méthode en France. C’est
toute l’Europe qui est en train de passer du traitement social de la
pauvreté au traitement carcéral. En faisant ce film, je voulais montrer
ceci : la dualisation de notre société entre les populations les plus riches
et les plus pauvres est de plus en plus violente. Pour maintenir une société
de marché où ceux qui n’ont rien à perdre se tiendront tranquilles face à la
richesse des autres, aux biens de consommation à outrance, à la publicité
omniprésente, il faut une sorte d’état policier basé sur la surveillance, le
contrôle et la peur de la prison. L’attitude du gouvernement français contre
les sans-abris, prostituées et toxicomanes est exemplaire : il faut qu’ils
soient invisibles aux yeux de la petite bourgeoisie. Je pense que sur le
plan mondial c’est tout à fait comparable puisqu’on est passé d’un écart
(entre les pays riches et pauvres) de 1 à 44 il y a trente ans à un écart de
1 à 80 aujourd’hui. Et il n’y a aucune raison de penser que cela va s’
arrêter là .
Peut-on pour autant justifier la délinquance, la violence ?
P.J. Bien sûr que non. Il ne s’agit pas de dire que les riches sont méchants
et les pauvres gentils et que ce qu’ils font est bien. Il ne s’agit d’
ailleurs pas de bien ou de mal. Pour réfléchir, il faut d’abord mettre entre
parenthèses le plan moral et observer la situation rationnellement. Je vais
vous décrire une situation banale et que j’ai rencontrée : un adolescent
dont le père est chômeur de longue durée, dont les frères et sours sont
chômeurs ou très précaires, qui est tenté en permanence par la publicité
pour des objets dont il sait pertinemment qu’il ne pourra jamais les
posséder de manière légale, ses parents tremblent face à la venue possible d
’un huissier, la famille ne mange pas toujours à la fin du mois. Si vous
ajoutez à cela les conséquences psychologiques de l’exclusion (violence
familiale, dépression des parents, alcool...) et que vous considérez que ce
jeune, parce qu’il est d’origine immigrée, est souvent l’objet de brimades,
contrôles policiers et autres ségrégations, comment peut-on attendre de lui
qu’il se comporte comme un « petit bourgeois » ? Savez-vous qu’il y a des
familles où aucun enfant n’a jamais reçu un jouet à noël ou un anniversaire.
Pouvez-vous imaginer les conséquences sur un tel enfant du matraquage
publicitaire de fin d’année ? Savez-vous qu’il y a des familles en Belgique
et en France où l’on a faim à la fin du mois ? Où l’on donne à manger aux
enfants des biscuits trempés dans du lait ? Où les enfants vont voler de la
nourriture dans les grandes surfaces ? Faut-il attendre de gens que l’on
place dans le désespoir qu’ils aient une autre attitude que celle des
désespérés ?
C’est donc avant tout un problème social ?
P.J. Evidemment. Un problème d’exclusion sociale doublé d’une exclusion
raciste. L’origine nationale ne joue pas dans les phénomènes de délinquance
si ce n’est que les immigrés sont sur-représentés parmi les couches les plus
pauvres. L’Observatoire International du Travail a démontré qu’une
entreprise belge sur trois faisait de la ségrégation à l’emploi sur les
bases de l’origine nationale. Les personnes issues de l’immigration
maghrébine sont donc considérées comme des exclus visibles (même si certains
s’en sortent très bien) et donc à surveiller. Vous ajoutez à cela quelques
clichés racistes qui durent encore (les arabes sont fourbes et les juifs
radins)... Savez-vous par exemple qu’à Bruxelles, la police a organisé le
fichage de jeunes issus de l’immigration totalement inconnus de la justice.
On a organisé des rafles dans des quartiers immigrés, on a emmené des jeunes
au commissariat, on les a photographiés, fichés et relâchés. Cela ne vous
rappelle rien ? Alors pourquoi les maghrébins ? Parce que l’on sait qu’ils
sont sur-représentés dans les classes défavorisées et donc à surveiller et
aussi par racisme ordinaire. Il faut donc qu’ils soient sous contrôle. Quand
le Bourgmestre bruxellois de l’époque a été interpellé officiellement, il a
répondu en trois lignes en disant que cela correspondait aux voux de la
population ! Ce monsieur (De Donnea) est un membre éminent d’un parti
démocratique (MR) qui défend par dessus tout la société de marché.
Votre impression s’est confirmée à la prison ?
P.J. Mais c’est certain. Si l’on met de côté les délinquants sexuels, pour
le reste, les prisons sont remplies de ce que l’on appelait jadis le
sous-prolétariat. Des sans-emplois, sans formation, souvent fils de chômeurs
ou de travailleurs très précaires plus tous ceux dont le seul délit est d’
être un étranger sans papier qui a fui la misère ou la guerre. J’ai
rencontré essentiellement deux types de personnes en prison. D’abord ceux
qui sont les plus détruits par leur situation, certains ont leur place en
hôpital psychiatrique plutôt qu’en prison. Ils sont enfermés souvent pour
des petits délits et se retrouvent dans une misère psychologique et morale
indescriptible, une souffrance insoutenable. Voyez la séquence du mitard...
Imaginez ce que ce garçon fera à sa sortie. L’autre catégorie de personnes
rencontrées est celle d’hommes révoltés. Ils ont parfaitement compris le
système, analysé leur situation et en ont déduit qu’il n’y avait pas de
place pour eux : sans formation, avec un casier, parfois un nom étranger, pas
de réseau autour d’eux... Il faut dire que dans la plupart des cas, les
délits sont mineurs, ils n’ont tué ni blessé personne. On peut être en
prison pour des vols simples. Tous ceux que j’ai rencontrés ont commis des
délits qui découlent directement de leur situation sociale. Dans tous les
cas, la prison va aggraver sévèrement la situation. Savez-vous qu’à la
prison de Lyon (une honte) on donne aux plus pauvres à leur sortie un sachet
avec une carte de téléphone, dix tickets de bus et un chèque repas ! Et vous
voudriez qu’ils ne récidivent pas ? C’est une plaisanterie ?
Comment s’est opéré le choix des lieux ? La répartition France/Belgique ?
P.J. Je voulais travailler sur deux pays au moins car c’est un problème
international. C’est la conséquence d’une société de marché et non une
situation particulière à un pays. J’ai tout de suite choisi ces deux pays.
Ce sont ceux que je connais le mieux et ils ont des caractéristiques
intéressantes : taux records de racisme, taux records de suicide, taux de
chômage important. Leurs différences sont intéressantes : la France a eu des
colonies en Afrique du Nord et a fait venir de la main d’ouvre de ses
colonies. C’est exactement le contraire en Belgique. D’autre part, il n’y a
pas eu, en Belgique, de construction de grands ensembles de type banlieue
h.l.m. comme en France. Ce sont donc des situations différentes en apparence
mais avec un « terreau » commun à toute l’Europe, ou presque. On m’a interdit
de filmer dans les prisons françaises alors on l’a fait en Belgique. Pour le
reste, les quartiers étaient très difficiles d’accès. La télévision y a fait
tellement de dégâts qu’il est devenu presque impossible d’y filmer même avec
une très longue préparation, même avec les gens dont on est devenu proche.
Pour le reste, et surtout en Belgique, il y a la honte. Tout vous dit que si
vous ne possédez pas la voiture à la mode, le téléphone à la mode, les
vêtements qu’il faut et une parcelle de pouvoir, vous n’êtes rien et vous n’
avez que le droit de vous taire. Rappelez-vous la publicité : « il a l’argent,
il a le pouvoir, il a la voiture, il aura la femme ». Il est donc impossible,
pour un jeune, de prendre la parole pour dénoncer sa propre situation
sociale. C’est la honte. On baisse la tête et on continue. Bizarrement, j’ai
trouvé le phénomène beaucoup plus marqué en Belgique qu’en France. Toutes
les séquences que j’ai voulu tourner à Bruxelles se sont soldées par un
échec (sauf deux qui ne sont pas dans le film car elles étaient plus
faibles). Le couvercle sur la problématique sociale est donc mieux
verrouillé en Belgique, il est intériorisé par les populations concernées. C
’est grave.
Dans le contexte actuel de la montée de l’extrême droite, de l’intégrisme,
d’un racisme exacerbé vis-à -vis des musulmans, quel est l’impact escompté du
film ?
P.J. J’aimerais tellement faire douter. Briser quelques certitudes de la
pensée unique sur la délinquance, les « sauvageons » et autre insécurité. Sur
ce thème, il y a deux discours qui s’affrontent : celui des politiques (et
des hommes d’affaires qui vendent de la sécurité), très simple, facile à
comprendre, répressif, moraliste et qui aggrave le sentiment d’insécurité et
le malaise social et puis il y a le discours des scientifiques, des
criminologues, des sociologues, complètement en opposition avec les
politiques. Leurs travaux sont passionnants, brillants, souvent complexes
mais totalement inconnus des politiques et des journalistes (voir la
bibliographie). Un scientifique vous dit qu’il n’a pas les moyens de mesurer
l’évolution de la délinquance à court terme, qu’il n’existe pas de méthode
scientifique pour ce faire et en même temps vous entendez les politiques
parler de la délinquance qui augmente ou recule de x% en un mois. C’est un
mensonge complet. C’est de la manipulation mais personne, je dis bien
absolument personne ne le dit dans les media.
Pourquoi ne peut-on se fier aux chiffres de la délinquance ?
P.J. Parce les chiffres ne révèlent que la délinquance qui a été répertoriée
par les forces de police. L’immense majorité des actes n’est jamais
signalée. Comment peut-on les compter ? Les chiffres ne révèlent que la
manière de travailler de la police. Par exemple, des policiers ont révélé
récemment en France qu%on leur demandait, dans certains commissariats d’
enregistrer le moins de plaintes possibles et même d’en détruire dans les
ordinateurs pour faire baisser les chiffres sur tel secteur. La délinquance
a explosé d’un seul coup en France dans les zones « gendarmerie ». Comme si
tous les délinquants de Lille à Marseille s’étaient dit « à partir de telle
date, on met le paquet ». Cela n’a aucun sens. Même chose dès la mise en
place d’un nouveau gouvernement, le taux de délinquance diminue illico. Ou c
’est de la magie, ou c’est de la manipulation. D’autre part, la plupart des
délits sont invisibles : savez-vous qu’à Paris, une main-courante (pas repris
dans les chiffres évidemment) sur deux enregistrée dans les commissariats
est le fait d’une violence commise contre une femme par son conjoint ou son
mari ? Vous parlez d’une violence ! La femme ne se fait pas voler son sac ou
son téléphone, elle ne se fait pas « car-jacker ». Non, elle s’enferme chez
elle avec son agresseur habituel et souvent très violent ! Dix pour cent des
femmes de France en sont l’objet ! Mais on entend peu parler car les lobbies
de la sécurité n’y peuvent rien. La sécurité est essentiellement l’enjeu d’
un business. En France, par exemple, l’ « expert » en sécurité qui est sur
tous les plateaux est Alain Bauer qui est, par ailleurs, le patron de la
plus grande société de sécurité de France (AB Associated). Il a donc tout
intérêt à gonfler le problème et à crier au feu car c’est lui le pompier qui
se fera payer très cher pour éteindre l’incendie qui parfois n’existe que
dans les têtes. Là où il a vendu un de ses premiers audits, c’est à
Vitrolles sous la mairie socialiste. Quelques temps après la ville passait
au FN...
Et la délinquance en « col blanc »...
P.J. J’allais y venir. L’autre délinquance invisible ou bien souvent l’objet
de magnanimité, c’est la délinquance financière, le blanchiment, la
corruption etc. Une poubelle qui brûle ou un sac arraché sera toujours plus
visible que de l’argent blanchi au Luxembourg. Il est quand même étonnant de
remarquer que deux pays comme la France et l’Italie ont à leur tête un
délinquant notoire (sans parler des affaires de M. Bush). Cela ne semble
gêner personne. Il y a des délinquances socialement mieux acceptées même si
elles font plus de dégâts. Une société, Michelin par exemple, peut supprimer
des milliers d’emplois pour faire grimper l’action en bourse. C’est
moralement indéfendable mais ça, ce n’est pas de la délinquance. Et pourtant
cela crée énormément d’insécurité, non ? Parlez-en aux libéraux (socialistes
compris) en Belgique et en France, vous verrez ce qu’ils vous répondront : le
marché. Toujours le marché. Mais quand il s’agit de réfléchir à le remettre
en question, vous ne trouvez plus grand monde.
Vos films sont ancrés dans le social, pourquoi ? Pour dénoncer, par
militance ?
P.J. Je ne veux évidemment pas faire que cela. Mais il est vrai qu’il y a
urgence. Je ne crois plus du tout qu’il soit possible de faire de la
politique dans un parti. Pas à cause des hommes mais à cause d’un système
qui est complètement bloqué et qui amène les partis de gauche et de droite à
avoir des programmes très semblables, c’est à dire un arrangement plus ou
moins social avec la société de marché qu’on ne remet pas en question. Mais
il y a d’autres manières plus efficaces de faire de la politique et de
lutter pour la démocratie, (la démocratie participatite, l’économie sociale
et solidaire, l’instruction gratuite et de haut niveau et la culture pour
tous, des services publics de qualité, etc) sans mandat, en faisant des
films, en écrivant des livres, en participant à des forums sociaux, à des
mouvements sociaux... C’est ce que je fais pour l’instant. Et l’avantage est
que je ne brigue aucun mandat donc je n’ai pas besoin de plaire à un
électeur donc je peux m’exprimer librement. Liberté que les politiques n’ont
plus, puisqu’ils sont liés malgré eux à un marketing électoral.
Comment se fait le choix entre le documentaire ou la fiction ?
Continuerez-vous dans le documentaire ou passerez-vous à la fiction ?
P.J. Les deux m’intéressent. Les deux genres ont leurs avantages et leurs
limites. Impossible de montrer en documentaire ce que les frères Dardenne
parviennent à faire ressentir en fiction. Mon idéal serait entre les deux
genres, une sorte de mélange. Mais je n’y suis pas encore, j’ai encore
beaucoup de travail. Je veux travailler beaucoup sur la forme, je voudrais
vraiment avancer sur ce terrain. Travailler le style. Mais c’est difficile
en documentaire car vous êtes coincé entre la volonté d’en dire plus et
celle de le dire mieux. Il y avait par exemple une séquence de « La
Raison... » avec un homme qui se promenait dans un quartier h.l.m. et parlait
de la délinquance en col blanc. Un sociologue a vu le montage et trouvait qu
’il fallait en dire plus en ce sens. Mais quand Thierry Garrel (ARTE) a vu
le montage, il a trouvé que la forme de cette séquence ne correspondait pas
au reste du film. La texture n’était pas la même. Il avait parfaitement
raison et on a enlevé la séquence mais en regrettant de ne plus dire
certaines choses. Ce sont toujours des choix difficiles pour lesquels on
fantasme sur le degré d’information du spectateur : est-ce qu’il va
comprendre ça ? est-ce qu’il sait déjà ça ? Un vrai casse-tête ! Mais
passionnant. Pour répondre à votre question, je travaille à un scénario de
fiction et je réfléchis à un projet documentaire.
La prison occupe une place importante dans le film...
P.J. C’est le cour du système ! J’ai compris en faisant ce film, que le
principe de la prison n’est pas la privation de liberté. Celle-ci n’est qu’
un moyen. Le principe de la prison est l’humiliation. Il faut faire plier
(ou casser) ceux qui résistent au système, qui refusent de s’y soumettre
parce qu’ils n’ont rien à perdre, qui n’acceptent pas de rester des hommes
de deuxième classe parce qu’ils sont mal nés. Un des directeurs de la
Direction des Services Pénitentiaires de Paris ne dit d’ailleurs rien d’
autre quand il écrit : « Les délinquants sont des inadaptés sociaux et la
finalité carcérale est de les remodeler pour les rendre aptes au
fonctionnement de la société. » Et pour ce faire on n’a rien trouvé de mieux
que l’humiliation, violence invisible idéale pour faire plier les esprits.
Cela fonctionne bien. Tout, dans une prison, est fait pour humilier les
détenus. Et comme par hasard, cette humiliation est appliquée par des hommes
(les surveillants) de la même classe sociale qu’eux. Certains directeurs de
prison ont le courage de le dire clairement et de le dénoncer. Un fait est
très peu connu et pourtant, il explique tout notre système de société : il n’
y a pas de corrélation entre taux de délinquance et taux d’enfermement en
prison. Parfois, la délinquance stagne et on enferme beaucoup plus (comme
aux USA où la population carcérale a été multipliée par 4 en 20 ans sans
augmentation du nombre de crimes et délits). Par contre, il y a une
corrélation importante entre la dérégulation du marché du travail (le
chômage) et le taux d’enfermement dans les prisons. Plus il y a de chômeurs
et plus on enferme, c’est une règle de notre société. Les prisons
américaines ont pu faire baisser ainsi de deux points le taux de chômage du
pays ! C’est donc une façon de régler le problème. Ce n’est pas un complot de
magistrats évidemment mais il y a des mécanismes qui l’expliquent. Des tas d
’études empiriques ont été publiées sur le sujet. Qui les lit ?
Vous plaidez donc pour une réforme du système carcéral ?
P.J. Pas du tout. Je plaide pour sa suppression. Pour paraphraser Pierre
Reynaert, intellectuel et ancien directeur de prison : une prison qui permet
au détenu de se réinsérer à la sortie est plus utopique qu’une société sans
prison. Ce qui veut dire qu’il ne faut pas réformer le système carcéral mais
notre système de société. Faire ce que Jean-François Khan appelle « la
révolution des modérés ».
Comment avez-vous été reçu dans les quartiers, en prison...
P.J. Au début, toujours avec méfiance, les media ont fait beaucoup de mal.
Puis, petit à petit, quand les gens comprenaient que je ne venais pas pour
les juger ni les filmer à la va-vite, que je passais du temps avec eux, ils
m’ont souvent très bien accueilli. En prison particulièrement. Je n’ai pas
peur de dire que j’y ai rencontré des gens formidables, qui avaient fait des
bêtises soit, mais je ne suis pas là pour les juger. Je ne sais pas ce que j
’aurais fait si j’avais eu la vie de certains d’entre eux. Dans les
quartiers, après un certain temps, j’ai eu un accueil formidable. J’y ai
encore des contacts. Je me suis retrouvé la nuit, dans des caves avec des
jeunes qu’on nous présente comme des « sauvageons » sans que rien ne me soit
jamais arrivé. Je n’ai jamais eu peur. On ne m’a jamais agressé, ni insulté,
ni rien volé même quand nous étions là avec du matériel de tournage. Tous
ces jeunes ont seulement envie qu’on les écoute avec un minimum de respect.
Ces quartiers ne sont pas les coupe-gorge que l’on nous dit. Ce qui ne veut
pas dire qu’il ne s’y passe rien.
Quel tort ont les medias dont vous parlez ?
P.J. Ils ont souvent le tort de parler de ce qu’ils ne connaissent pas. Les
journaux télévisés en particulier. Quand quelque chose se passe dans un
quartier, on vient vite avec une caméra, accompagné de policiers, on tourne
trois images et on s’en va. (voyez la séquence des images d’émeutes à
Amiens, comme les journalistes partent en courant avec la police). Et puis
on dit des âneries et on passe à autre chose. De ce fait, ces quartiers sont
frappés d’ostracisme, les gens ont peur des jeunes, des arabes, etc. Je ne
vous parle pas des émissions de type « le droit de savoir » qui sont souvent
filmées directement par la police et dont le but est clairement d’effrayer
le spectateur. Dans ce cas, c’est clairement de la propagande. Ce n’est pas
toujours la faute des journalistes à qui l’on demande une rentabilité et
rien d’autre, qui n’ont pas le temps de faire leur travail et qui sont
pressés par l’audimat pour cause de marché (encore). Savez-vous que Bouygues
qui gère TF1, chaîne spécialiste de ces programmes de « marchand de peur », a
aussi des intérêts économiques dans des sociétés de conseil en sécurité,
vidéosurveillance, etc. Et il y en a beaucoup d’autres. Il ne faut pas
oublier que la sécurité et l’insécurité sont avant tout des business.
Vous êtes très critique vis-à -vis de la police.
P.J. Je pense qu’une police est absolument nécessaire dans une démocratie et
je sais qu’un certain nombre de policiers ont une haute idée de leur
mission. Mais je suis convaincu que la police ne peut remplir son rôle que
si elle travaille avec une parfaite déontologie. Dans le cas contraire, elle
est au service d’une partie seulement de la population, aux dépends d’une
autre. C’est ce qu’on appelle un « couvercle ». Pensez que des sondages
révèlent que 6 Français sur 10 se décrivent personnellement comme « au moins
un peu racistes », (en Belgique 22% des gens se disent « très racistes »)
Imaginez que la police soit dans la moyenne... Vous voyez le résultat ?
Pendant les repérages, j’ai traîné dans beaucoup d’endroits, j’ai beaucoup
écouté et je peux vous dire que j’ai entendu des choses affreuses. J’ai
entendu à plusieurs endroits des policiers et même un surveillant-chef d’une
prison (où je n’ai pas tourné) parler d’extermination des délinquants, de
chambres à gaz qui devraient rouvrir, de 9 mm dans la tête que méritaient
tous les détenus, etc. Imaginez l’attitude de ces gens-là quand ils sont
face à un jeune maghrébin ou un sdf ou une prostituée, les mains attachées.
On sait pertinemment qu’il y a de nombreux endroits où la police passe à
tabac certains jeunes. J’ai été étonné, au tribunal de Lyon, de voir combien
de policiers portaient plainte contre des prévenus pour blessure au doigt !
On souffre beaucoup des mains dans la police. Un jour un policier a même
accusé un prévenu de lui avoir donné un « coup de boule à la main »...
Beaucoup de professionnels, des travailleurs sociaux, des éducateurs,
certains magistrats vous le diront sous couvert de l’anonymat mais personne
ne bouge. J’ai moi-même vu des provocations policières incroyables, une amie
en a encore filmé récemment à Lyon, je possède des photos d’une personne au
sortir de sa garde-à -vue avec des traces de matraques sur tout le corps. Ca
fait deux lignes dans un journal, un quart de page dans Le Monde ou dans Le
Soir une fois par an et puis...
La séquence au tribunal est très violente également. C’est une critique des
magistrats ?
P.J. Non, c’est une critique de certains magistrats. J’ai vu des juges faire
leur métier... je ne trouve pas le mot... comme des héros. En essayant de
prendre une décision qui est parfois seulement la moins mauvaise. En prenant
leur métier plus qu’à cour face à des drames humains parfois terribles. Mais
à côté, j’ai vu d’autres magistrats que je ne veux même pas qualifier ici.
Des gens qui s’amusent de la misère des autres, dont le grand sport est de
faire pleurer les gens à la barre avant de les envoyer au trou ou bien de
les insulter comme je l’ai entendu (« espèce d’imbécile »). J’ai vu un garçon
de 19 ans se faire juger en comparution immédiate pour s’être battu avec un
copain qui a porté plainte. Le prévenu dit qu’il est l’agressé et non l’
agresseur. Le soir, au tribunal, le copain-victime vient témoigner et avoue
être bien l’agresseur, ajoutant que l’autre n’a rien fait de mal et qu’il
faut le relâcher. Le procureur se lève alors et demande de la prison ferme
parce que se battre c’est toujours se battre. Quatre mois fermes pour le
garçon. L’autre petit monsieur qu’on voit dans le film avec son avocat et
qui avait volé un cadeau d’anniversaire et des tranches de dinde : le
procureur a demandé un an ferme et il a obtenu quatre mois ! Pour un type qui
crève de misère. Est-ce la justice ? Mais ça, on ne le voit pas à la
télévision tout simplement parce que c’est moins spectaculaire. Pas parce qu
’il y a une censure. J’ai vu à ce propos un reportage sur un comité de
rédaction de France 2 : le rédacteur en chef défend des sujets sur les
livreurs de pizza et sur les lunettes de soleil. Comme le présentateur du
journal semble ne pas aimer, le rédac-chef lui dit que s’il veut perdre la
moitié des téléspectateurs, il n’a « qu’à faire un sujet sur la ségrégation à
l’emploi ». Tout est dit.
Pensez-vous que la situation sociale puisse pousser des jeunes vers un Islam
radical ?
On peut dire deux choses à ce sujet. Premièrement, les gens dans une
situation de désespoir sont toujours susceptibles de se faire manipuler. Que
ce soit par des intégristes religieux de n’importe quelle religion (il y en
a partout), par des sectes, des extrémistes politiques... Ensuite, un autre
problème plus grave se pose : les autorités attendent de l’Islam dit modéré
qu’il prenne en charge les jeunes des quartiers pauvres en leur imposant une
morale qui n’est rien d’autre qu’un couvercle sur le problème social. Quand
vous n’avez rien à perdre (pas de travail, pas d’espoir d’en trouver un,
plus vraiment de dignité) seule la peur de la prison ou la morale peuvent
vous empêcher de passer à l’acte car tout vous y invite. Le banquet de la
consommation est devant vous et vous n’y avez pas droit. Il faut donc vous
faire peur avec la prison ou vous calmer avec la morale. Lors d’une
interview à la télévision française, Sarkozy a récemment annoncé qu’à ses
yeux « l’Islam peut être utile, la religion peut être un soutien à des jeunes
qui n’ont rien dans la tête ». La religion comme une police dans la tête...
Chiffres et info
Prison et niveau d’instruction en Belgique
En Belgique, 30% des détenus n’ont pas atteint le niveau primaire ou sont
analphabètes. 75% n’ont pas de diplôme d’enseignement secondaire (général,
technique ou professionnel).
Prisons et psychiatrie en France
Il y a eu, dans les prisons françaises, 104 suicides en 2001 et 120 en 2002,
c’est à dire un tous les trois jours. En France, on est passé d’une
proportion voisine de 16% d’accusés jugés « irresponsables au moment des
faits » au début des années 80, à un taux de 0,17% pour l’année 1997. On
estime qu’un détenu sur deux a des troubles de personnalité.
Vidéosurveillance
En mars 2001, une cinquantaine de caméras de surveillances installées dans
seulement deux arrondissements de Lyon dont une vingtaine autour de la place
des Terreaux. Coût : 18 millions de F.F. plus l’entretien très coûteux et une
douzaine de salaires pour la surveillance. D’autres caméras ont été
installées depuis. Une de ces caméras très précises peut lire une marque de
bière sur un verre d’une terrasse.
Marseille : cité Félix Pyat ou Bellevue
(cité en ruines à la fin du film et interview d’une mère de famille). La
cité comporte 6.000 habitants. Dans certaines parties, plus d’ascenseur
depuis 15 ans. Le loyer est d’environ 400 euros pour un T4. Jusqu’en 1999,
personne ne nettoyait l’extérieur, on a enlevé 17 tonnes d’ordures dans une
cour intérieure. Certains « marchands de sommeil », marseillais nantis ont
acheté des appartements 760 euros pour les louer 380 euros par mois. La
caisse d’allocations familiales leur payait directement le loyer. On estime
qu’il y a 60% de chômeurs. Le sous-préfet Curé espère une évolution pour
avoir « d’ici dix ans, une cité à peu près viable et supportable ». Lire Henry
M., « Un bidonville vertical » in Libération, 26 décembre 2001, p. 1-3.
Délinquance
60% des infractions enregistrées en France en 2002 sont des vols.
Augmentation de 13% du nombre des gardes à vues en 2002. Miracle de l’année :
hausse de 4% des chiffres de la délinquance entre janvier et mai 2002 puis
baisse de 0,5% à partir de mai, dès que le nouveau gouvernement est mis en
place et ce, sans augmentation du nombre de policier. Preuve évidente de la
manipulation des chiffres ou de la sympathie bienveillante des délinquants
pour le nouveau gouvernement...
Théorie de la « vitre brisée » et de la « tolérance zéro »
Théories politiques issues du Manhattan Institute qui publie les théories de
Wilson et de Charles Murray, gourou du capitalisme reaganien, et pour qui
les inégalités raciales et sociales sont le résultat du quotient
intellectuel. En résumé : l’homme moins intelligent sera plutôt noir, pauvre,
vivant sa relation hors mariage. Il aura une propension au crime. C’est à
New York sous la mairie de Giuliani que ces théories seront d’abord mises en
ouvre avant d’être importées en Europe. New York embauchait alors 12.000
policiers (effectif total 46.000) et supprimait 8.000 postes dans les
services sociaux (total 13.400 postes). Résultat : janvier 1999, quatre
policiers new-yorkais tuent de 41 balles un garçon de 22 ans, désarmé et d’
origine guinéenne. Une brigade de choc a arrêté 45.000 personnes sur simple
suspicion et seulement une sur onze avait réellement commis un délit. Lire
Wacquant Loïc, « Les prisons de la misère », Raisons d’Agir.
Mise au travail forcé des sans-emploi
Dans différents pays européens (Grande-Bretagne, Belgique.) le welfare s’est
transformé en workfare par la mise au travail forcé des chômeurs. En
Belgique par exemple, l’allocation de « Minimum de moyens d’existence »
(Minimex) a été transformé en « droit d’intégration sociale » avec mise au
travail dans des conditions les plus précaires. L’origine de cette pratique
est également américaine : Laurence Mead publie en 1986 une thèse qui fera
école, « Au-delà des droits : les obligations de la citoyenneté » que l’on peut
résumer par « le non-travail est un acte politique » contre lequel il faut
recourir à l’autorité. Il faut remplacer l’état-providence par un état
punitif pour forcer les pauvres à accepter les emplois pénibles et
précaires. Tout cela écrit en toutes lettres.
Citation
« Il est juste d’être intolérant vis-à -vis des sdf dans la rue », Tony Blair,
rapporté par le Gardian, 10 avril 1997, cité par Wacquant, op.cit.
Prisons privées
Le nombre de détenus dans les prisons privées d’Angleterre est passé de 200
à 4.000 en huit ans.
Immigration-délinquance
En France, les étrangers sont plus souvent déférés que les nationaux (68 %
contre 35 %).
La Belgique et la France en tête du racisme européen
Selon une enquête effectuée à l’échelle de l’Union européenne au printemps
1997, une personne sur trois se déclare « un peu raciste » et une sur trois
affirme ouvertement éprouver des sentiments « plutôt » ou « très racistes ». La
Belgique arrive largement en tête avec 22% se déclarant « très racistes »,
suivie par la France (16%) et l’Autriche (14%). (Eurobaromètre 47.1)
Selon l’Eurobaromètre 2002, dans la population européenne, quatre
explications justifient l’idée que l’immigration serait « un phénomène plutôt
négatif » : le chômage va augmenter (71%), la criminalité va augmenter (60%),
il y a déjà trop d’immigrés dans notre pays (57% +40 points par rapport à
2001), il y aura davantage de problèmes sociaux, notre niveau de vie va
baisser (53%).
Racisme en France
En France : une majorité de sondés (51 %) estime indispensable que les
personnes d’origine étrangère qui vivent en France adoptent le mode de vie
des Français.
Les trois quarts des Français (69 %) expriment à un degré différent un
sentiment de racisme ou de xénophobie, selon la Commission nationale
consultative des droits de l’Homme (CNCDH), qui constate dans son rapport
2000 une stabilité sur dix ans. Selon le sondage Louis-Harris pour l’année
2000, 43 % des personnes interrogées se disaient en 2000 plutôt (12 %) ou un
peu (31 %) racistes, 26 % s’affirmaient pas très racistes, et seuls 28 % pas
racistes du tout.
En un an, 4 % des personnes interrogées sont passées du « pas très raciste »
au « un peu raciste », la CNCDH y voyant une « dégradation » mais aussi une
« banalisation » du racisme, tout aussi inquiétante, selon elle. 60 % des
Français jugent qu’il y a trop de personnes d’origine étrangère en France.
Le racisme vise surtout les Arabes, avec une forte hausse de l’intolérance à
leur égard (+ 12 points en 1999, confirmée en 2000). Pour justifier le
sentiment de « rejet », le chômage et l’équilibre des comptes sociaux sont
cités par un peu plus de la moitié des personnes.
Racisme religieux en Europe
La dernière enquête de l’Observatoire européen des phénomènes racistes et
xénophobes (EUMC) montre que le Danemark et la Belgique sont les deux pays
où la présence d’autres religions rencontre le plus d’hostilité au sein de
la population. « En moyenne, 15% des citoyens de l’UE expriment une certaine
inquiétude à l’égard d’autres religions », note l’enquête, mais le Danemark
(32%) et la Belgique (26%) « comptabilisent un pourcentage nettement plus
élevé ». Ce résultat montre, selon Beate Winkler, la directrice de l’EUMC,
que « dans les pays où des partis politiques utilisent la religion comme un
élément de leurs campagnes, l’impact sur l’opinion publique est important ».
Le sens de la peine carcérale
Au départ, la prison était un lieu d’expiation par la souffrance et la
solitude. Il s’agissait d’une vision religieuse. Le mot « cellule » est d’
abord un mot qui appartient au vocabulaire religieux. Etymologiquement la
cellule est une petite chambre où l’on est seul. Elle représente un lieu de
silence et de recueillement qui favorise la conversion de l’âme à Dieu. La
souffrance infligée doit permettre de racheter les fautes.
La symbolique religieuse a ensuite été remplacée par celle de l’économie :
être emprisonné c’est payer une dette.
C’est rembourser la société.
Aujourd’hui, c’est une utopie pseudo-sociale qui domine : l’enfermement
resocialiserait le condamné ! Outre l’impossibilité de l’idée, on peut
remarquer qu’il n’est jamais question de remédier au causes sociales de la
délinquance. La faute n’est jamais dans la structure sociale, toujours dans
l’exclu. La preuve dans les propos d’un directeur des services
pénitentiaires de Paris : « Les délinquants sont des inadaptés sociaux et la
finalité carcérale est de les remodeler pour les rendre aptes au
fonctionnement de la société. » Autrement dit, leur apprendre à accepter leur
condition.
Nombre de détenus
Aux États-Unis, le taux d’incarcération a quadruplé en vingt ans, tandis que
la criminalité est restée stagnante. En France de 380.000 détenus en 1975,
on est passé à 1,6 millions en 1995 avec une croissance de 8% l’an. Or les
crimes et délits n’ont évidemment pas augmenté de 160%.
Aux États-Unis, la prison est devenue l’outil central de gestion de l’
insécurité sociale et il semble que l’Europe suive le même chemin.
Prison et pauvreté
Il n’y a aucune corrélation entre le taux d’incarcération et le taux de
criminalité. (lire à ce propos : Rushe et Kirchheimer, Peine et structure
sociale). En revanche, il y a un rapport étroit entre le taux d’
incarcération et le taux de chômage observé dans un pays. De nombreuses
études empiriques le démontrent dans différents pays. La prison est donc une
manière de faire pression et d’imposer le salariat précaire et sous-payé
quand l’offre de main d’ouvre dépasse la demande.
Pauvreté et psychiatrie
En Belgique : 56% des tentatives de suicide touchent des personnes affectées
par des conditions socio-économiques défavorables. (GOSSET Ch, Aspects
épidémiologiques du Suicide. In : Observatoire n°2, 1994.)
Les taux de suicide en Belgique et en France sont les plus élevés d’Europe
(si l’on excepte la Finlande dont la situation est particulière). Beaucoup
plus qu’aux Etats-Unis ou au Japon. Pour 100.000 habitants : 49,2 suicides
annuels en Belgique, 41,2 en France, 24 aux Etats-Unis, 37 au Japon et 7 en
Grèce.
École et violence
Description d’une classe dans une école française : citation du livre :
Collèges de France, de Mara Goyet, éditions Fayard.
« Le père d’une élève s’est suicidé. Depuis, elle a des pertes de mémoire et
tombe sans cesse malade. La mère d’un jeune garçon ne veut plus l’avoir à sa
charge, il vit désormais chez ses grands-parents. Le jour de son
anniversaire, il attend sa visite toute la journée, elle ne vient pas. Il
s’endurcit.
Une jeune fille dont la naissance n’était pas désirée est élevée par ses
grands-parents, qui l’infantilisent. Elle suce son pouce à longueur de
cours.
Un élève fait des allers-retours entre le domicile de sa mère et des
familles d’accueil. Il est dans l’affrontement perpétuel.
Un de ses camarades arrive tout juste d’Afrique ; son père meurt d’une crise
cardiaque deux mois plus tard.
Une autre débarque précipitamment d’Algérie ; on a peine à imaginer ce
qu’elle y a vu et perdu.
Tous ces cas dans une seule et même classe. Ils vont mal, ils en donnent
tous les signes. Ils deviennent souvent incontrôlables. Ils se montrent
odieux. Ils restent sans aide, sans soins. Ils sont tous les jours devant
nous. Notre sévérité et notre agacement envers eux nous paraissent tour à
tour du respect et de la cruauté. Nous tentons de comprendre sans excuser.
Nous nous efforçons de faire abstraction, d’éviter l’empathie, de travailler
hors contexte, hors société. Dans tous les cas nous sommes injustes,
balourds, peu délicats. La misère du monde pénètre au collège et nous ne
savons qu’en faire. Alors on se dit que le mieux est de continuer à
travailler normalement, de juger des résultats scolaires, de vérifier que
les devoirs ont été faits, de veiller à ce que chacun se tienne bien en
classe, comme si de rien n’était. De ne considérer que l’élève. Toujours
avec l’idée que l’on est peut-être monstrueux. »
BIBLIOGRAPHIE SUCCINTE
WACQUANT LOà C, Les prisons de la misère, Raisons d’agir éditions, 1999.
RUSHE G. ET KIRCHHEIMER O., Peine et structure sociale, Éditions du Cerf,
1939.
REYNAERT P., Détruire la prison : un droit de l’homme, in Supplément 57 au
manuel de police, éd. Kluwer, septembre 2000.
MUCCHIELLI L., ROBERT P. et al., Crime et sécurité- L’état des savoirs,
éditions la découverte, 2002
SAINATI G., BONELLI L. et al, La machine à punir, L’esprit frappeur, 2000.
BRION, REA, SCHAUT et al., Mon délit ? Mon origine Criminalité et
criminalisation de l’immigration, Deboeck Université, 2001
VAN CAMPENHOUDT L., CARTUYVELS Y., DIGNEFFE F., et al, Réponses à l’
insécurité Des discours aux pratiques, éd. Labor, 2000.
MUCCHIELLI LAURENT, Violences et insécurité Fantasmes et réalités dans le
débat français, La découverte, 2001.
Collectif, La fabrique de la haine, L’esprit frappeur, 2002.
TEMIME EMILE, France, terre d’immigration, Découverte Gallimard, 1999.
BENGUIGUI YAMINA, Mémoires d’immigrés, Canal + éditions, 1997.
MANCO URAL, Voix et voies musulmanes de Belgique, Facultés universitaires
St-Louis, 2000.
LIVROZET SERGE, De la prison à la révolte, L’esprit frappeur, 1999.
RAJSFUS MAURICE, Police et droits de l’homme, L’esprit frappeur, 2000.
KHERFI YAZID ET LE GOAZIOU VERONIQUE, Repris de Justesse, éd. Syros, 2000.
Collectif, Paroles de détenus, éd. Librio Radio France, 2000.
Divers
Différents rapports et documents publiés par l’Observatoire international
des prisons ainsi que le site www.oip.org/index.htm
Différents documents et dossier de La Cimade
Presse quotidienne (quelques exemples)
LEVY ALBERT, Une justice sous influence sécuritaire, in Libération, 7
décembre 1999.
BARTHELEMY P., L’ Ordinateur commence à interpréter les images de
vidéosurveillance, in Le Monde, 22 août 2001.
GARCIA, A., Des habitants d’un quartier de Saint-Denis dénoncent la violence
gratuite d’une vingtaine de policiers, in Le Monde, 30 octobre 2001.
COURTOIS C., Une série de suicides révèle l’insuffisance de la surveillance
psychologique à la maison d’arrêt de Gradignan, in Le Monde, 23 octobre
2001.
Collectif, Dossier Services psychosociaux Prisons, pognon, pression, in Le
matin, 7 mars 2001, p1-3.
Chambon Frédéric, La difficile ascension sociale des diplômés issus de l’
immigration, in Le Monde, 4 juin 2002, p.12.
Aquatias S., Le Shit-salaire du bas de la barre, in Le Nouvel Observateur
Paris-Ile de France, 5 avril 2001, pp 10-11.
DUPONT Gilbert, Contrôler les jeunes d’origine maghrébine, in La Dernière
Heure, 27 février 2002.
In Manière de Voir
MARS-AVRIL 2001, n°56 « Sociétés sous contrôle »
SEPTEMBRE-OCTOBRE 2001, n°59 « Peurs et menaces nouvelles »
Dossiers
AIZICOVICI F. ET ROSSIGNOL L., Dossier Les galères des diplômés maghrébins
depuis le 11 septembre, in Le Monde Campus, novembre 2001.
LINDGAARD JADE, La prétendue montée de l’insécurité, in Les Inrockuptibles,
mars 2001, P.24-28.
In Le Monde Diplomatique
(quelques exemples)
CYRAN OLIVIER, TOLÉRANCE ZÉRO, MAIS POUR QUI ?
Violences policières impunies, NOVEMBRE 2001, page 12.
WACQUANT LOà C, LES IMPASSES D’UN MODàˆLE RÉPRESSIF
Sur quelques contes sécuritaires venus d’Amérique, MAI 2002, pages 6 et 7.
MAZOYER FRANK, BIG BROTHER BUSINES
Surveiller est aussi un marché, AOà›T 2001, page 17.
BEAUD STÉPHANE, RÉVOLTE DANS LES QUARTIERS
Émeutes urbaines, violence sociale, JUILLET 2001, pages 1, 18 et 19.
RIMBERT PIERRE, Omniprésence médiatique, FÉVRIER 2001, page 21.
Collectif, Dossier : « L’obsession sécuritaire »
Des quartiers en danger aux « quartiers dangereux », FÉVRIER 2001, pages 18
et 19.
GARCIA SANDRINE et POUPEAU FRANCK, L’ENSEIGNEMENT PRIS EN OTAGE,
Violences à l’école, violence de l’école, OCTOBRE 2000, pages 4 et 5.
BOURDIEU PIERRE et WACQUANT LOà C DOSSIER : « L’AMÉRIQUE DANS LES TÊTES »
La nouvelle vulgate planétaire, MAI 2000, pages 6 et 7.
WACQUANT LOà C, L’IDÉOLOGIE DE L’INSÉCURITÉ
Ce vent punitif qui vient d’Amérique, AVRIL 1999, pages 1, 24 et 25.
ET AUSSI
A propos de Khaled Kelkal :
Le Monde du 7 octobre 1995 (p12) et aussi du 12 sept 1995, du 2 oct. 1995,
du 3 oct. 1995.
A propos de la jeunesse qui fait peur :
Sciences humaines - Enjeux N°116 mai 2001 pp16-20.
DIFFUSION A LA TÉLÉVISION
Le 12 mars 2003
La deux (RTBF)
Le 19 mars 2003
Canvas (VRT 2)
dans Viewpoint
Le 5 mai 2003
ARTE
DIFFUSION EN SALLES
EN BELGIQUE
Le 4 mars 2003 à 20 H 15
Centre culturel Jacques Franck
Avant-première sur invitations
Chaussée de Waterloo 94 à 1060 Bruxelles
Le 11 mars à 20 H 00
Plaza art
Rue de Nimy 12 à 7000 Mons
Le 20 mars à 21 H 30
L’Arenberg Galeries
Dans le cadre de « regards sur le travail » du p’tit ciné
Galeries Saint Hubert à 1000 Bruxelles
EN FRANCE
Le 8 mars 2003 à 21 H 00
Centre Georges Pompidou
suivi d’un débat
Beaubourg, Paris
Le 17 mars 2003 à 21 H 00
Centre Georges Pompidou
Beaubourg, Paris
D’autres projections sont en cours d’organisation.
Pour information contacter :
le Centre Vidéo en Belgique
et Lapsus en France.
Générique de début
Le Centre Vidéo de Bruxelles
LAPSUS
ARTE France
la RTBF Bruxelles
présentent
en coproduction avec
Wallonie Image Production WIP
Epeios Productions
Avec l’aide du Centre du Cinéma et de l’Audiovisuel
de la Communauté française de Belgique
et des télédistributeurs wallons
en association avec Lichtpunt
La Raison du Plus Fort
un film de
Patric Jean
Générique de fin
à ma mère
Un film de Patric Jean
Assisté de
Agnès Fanget (Lyon)
Jean-Laurent Feurra (Marseille)
Malika Es Saïdi (Belgique et Amiens)
Image
Patric Jean
et
Laurent Fenart
Ronnie Ramirez
Pierre Gordower
Hicham Allaouie
Michel Dunan
Ella van den Hove
Montage
Nathalie Delvoye
Assistant montage
Yannick Leroy
Son
Rafick Affejee
Alain Champelovier
Cosmas Antoniadis
Jean-Jacques Quinet
Erik Ménard
Musiciens
Kamel Meraoumia
Rabah Abdesmed
Machinerie
Patrick Monjoie
Techniciens Vidéo
Frédéric Leroy
Mauricio Machuca
Conformation Image et Fintitions Vidéo
Corinne Vlaminck
Amaury de l’Escaille
Bruno Lai
Étalonnage
Michaël Faber
Télétitrage et Effets spéciaux
Cristian Abarca
David Dumortier
Sabrina Leclercq
IMAGIQUE
Montage son
Damien Defays - Studio 5/5
Mixage
Jean-Jacques Quinet - Studio 5/5
Site internet
Jim Anderson
Moyens techniques
Centre Vidéo de Bruxelles
Caméra
La Rétine de Plateau
Archives
INA nord
Guy Bidard
Stagiaires
Chemsa Dahmane
Anne-Sophie Plaine
Caroline Laurent
Secrétariat de production
Julie Van der Kar
Sophie Jalaber
Administration de production
Agnès Doukhan
Direction de production
Emmanuelle Koenig
Délégué à la production RTBF
Roch Bosquée
Une coproduction
Centre Vidéo de Bruxelles
Producteur délégué
Marianne Osteaux
Lapsus
Producteur délégué
Esther Hoffenberg
ARTE France
Unité de Programme
Thierry Garrel
Chargée de programmes
Pierrette Ominetti
RTBF (Télévision belge)
Producteurs associés
Ives Swennen - Direction des coproductions
Hugues Le Paige - RTBF Bruxelles
Lichtpunt
Chargé de production
Wim Van Rompaey
Wallonie Image Production WIP
Producteur associé
Christine Pireaux
Epeios productions
Producteur associé
Jan Vandierendonck
Avec le soutien
du Centre du Cinéma et de l’Audiovisuel de la Communauté française de
Belgique, des télédistributeurs wallons, de la Loterie Nationale et de la
Région wallonne
du Centre National de la Cinématographie
et de la PROCIREP
avec la participation
du Fonds d’Action et de Soutien pour l’Intégration et la Lutte contre les
Discriminations, - F.A.S.I.L.D.
Merci à
Hélène Gérin et à
en Belgique
Le Ministère de la Justice
La Direction générale des Etablissements Pénitentiaires
La Direction et le personnel de la prison de Tournai
Georges Bauherz, Pierre Reynaert, Yves Cartuyvels, Fabienne Brion, Dan
Kaminski, Micheline Roelandt, Bruno Vinikas, Alain Goossens, Tom
Goldschmidt, Marc d’Hondt, Marie-Sophie Devresse, Monsieur Vanoutrive, Maïté
De Rue, La Ligue des Droits de l’Homme, l’Observatoire International des
Prisons, Juliette Beghin, Sabine Riguel, Monsieur Spronck, Madame
Berrendorf, Madame Van Oost
Ludo Moyersoen, Luc Legrand, Mounim Chafik, Mohamed Saïd, Hassan Benameur,
Youssef Touijri, Norredine Boulahmoum, Mohamed Elbarouzi, Afkir Anouar,
Bakkach Kamel, Boulayoun Ali, Benmasoud Samir, Abdelaoui Mehdi, Safi Karim,
Adil Bentaleb, Bakali Soufiane, Afala Hakim, Afala Hatim, Marhoug, Ali
Hammout, « École sans racisme », Saber Assal et Nabil Gharbi, Abdelkhalek
Najat, Aheri Oussama, Jilali Saïd et Othman, Amezian Faouzi, Gharbi Nabil,
Gamhiouen Jamal, Dkidak Abdelrahman, Mohamed Alami, Rejane Frenais, « Jusqu’
ici tout va bien », Mohsin Mouedden, Mohammed Chouitari. Mr. Cornil, « Le
SAS », « Association Alhambra », Rachid Bathoun, « Association Le Badri », Ghita
Bennis, Vincent Kalonji, René Desorbais, Juliette Beghin, M. Minguet, M.
Kawkabani, M. Godefroid, M. Wiard, Christian Van Cutsem, Jacques
Borzykowski, Martine Depauw, Claudine Van O, Anne Levy-Morelle, Khadja
Belkaïd, Juliette Duret, Alain Lapiower.
en France
La Communauté d’agglomération Amiens Métropole et la SEMTA
La Ville de Lyon
La Ville de Vaulx-en-Velin
La Ville de Marseille
La SNCF
Le Ministère de la Justice
Le tribunal de Grande Instance de Lyon
Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance de Lyon,
Monsieur le Procureur de la République du Tribunal de Grande Instance de
Lyon
M.Albert Levy, M.Dominique Brault,
M. Julien Ferrand, Maître Marie-Noël Frery
Agora Cité, le MIB (Mouvement Immigration Banlieue),
le FLIDD (Familles en Lutte contre l’Insécurité et les Décès en Détention)
Hakim et Sonia Bouafia, Jamel R., Jean-Marie Faucillon, Norredine Allan.
Louis Zollet, l’association « Non à Big Brother »
la Cimade, le Collectif des Sans Papiers,
Fati Bouaroua, Kader Attia et ses collaborateurs, Nouredine Abouakil, « Un
Centre Ville Pour Tous » , Mme Body Gendrot, Kamel Meraoumia, Tahar
Meraoumia, Olivier Costa, Christian, Farid Belhachémi, Mourad Gatfaoul,
Salah Zaoulya,
Abdelaziz Chaambi, Maître Bertrand Sayn, Maître Florence Vincent, Claude
Fournier,
Mme Charrin, Mme Magnet, M. Trioux, M. Montoy, Nadine Perrin-Joubert,
Maryvonne Marinet, Sofiane, Ridah Bouhniche, Maître Mehdi Benbouzid, Maître
Nathalie Simonitto,
Marie-Annick Lifschutz, Danielle Zampino, Marie-Cécile Larochette, Christine
Delavalette, Christian Barret, Geneviève Lemercier, Pierre Laudet
Jacquemmoz, Pierre Pibarot, Laurent Prudon, Jean-Louis Cor, Karine Molco,
Pierre Bardoux, Pierre Chapas, Frédérique Ronclur-Lemeter, Jean-Patrick
Péju, Nathalie Mazaud, Luc-André Lenormand, Alain Desalbres, Jean-Louis
Touraine, Hakim Herda, Abdelkader Mourad, Salah Haoues, Monsieur Seck,
Monsieur Pierrot, Ourango , Atou, Kader et ses amis, Mme Caseneuve,
Virginie, Paul-Charles Delapeyre, Daniel Carrière, Abderemane Ahmed, Ahmed
Soundi, Icare Leblanc, Brahim et ses amis, Djoumouante,
M. Kamoun, Mohamed Tarahoni, Francis Thomas, Christian Cabane, Guy Marigaut,
Peter et ses amis de Longo Mai, Mme Mollet et Denis,Bailly Xavier, Bartha,
Isabelle Chambaut, Fathallah El Mostafa, Hocine Khelouf, Jamal Khaldi, Karim
Hamoudi, Mamar Rarbi, Mourad Mandi, Nasser Bouzidi, M. et Mme Zambalia,
Louis Rouve, Rodolphe Simon, Karine Désire, Monique Pingrenon, Hélène Stein,
Mme Benmedjkouah.
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