C’est une première. Les sociologues Louis Maurin et Violaine Mazery ont étudié les taux de pauvreté selon les territoires, après impôt et cotisations sociales. Leurs travaux, publiés hier par le Centre d’observation et de mesure des politiques d’actions sociales (Compas), dressent le classement des 100 plus grandes villes de France au regard de leur taux de pauvreté. Les dix premières places sont trustées par les communes d’outre-mer, avec cinq villes affichant un taux de pauvreté supérieur à 33 % (lire encadré).
La banlieue nord de Paris, surreprésentée
Roubaix, dans le Nord, détient le triste record de France avec 45 % de pauvres sur son territoire. Viennent ensuite de nombreuses villes de la banlieue nord de Paris, surreprésentée dans ce triste palmarès avec Aubervilliers (39 % de pauvreté), Saint-Denis (34 %), Sarcelles (32 %), Épinay-sur-Seine et Pantin (30 %)…
Si l’on intègre les cités de moins de 50 000 habitants, des villes comme Grigny (Essonne), Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) ou Garges-lès-Gonesse s’invitent dans ce classement, avec 43 %, 45 % et 40 % de pauvres sur leurs territoires. Les cités de banlieues présentent toujours – hélas ! – de grandes concentrations de pauvreté, « n’en déplaise au discours ambiant selon lequel il n’y aurait de pauvreté que dans les zones périurbaines », relève Louis Maurin.
« Il faut faire attention, ajoute le sociologue, à ne pas se limiter à une analyse par commune et par moyenne de revenus, qui peut être trompeuse. » À première vue, une ville comme Paris est reléguée à la 84e place du classement des cent villes comptant le plus de pauvres. « En changeant d’échelle, on s’aperçoit que des arrondissements comme le 18e, le 19e ou le 20e, qui regroupent plus de 200 000 habitants, affichent un taux de pauvreté de 20 %, bien au-dessus de la moyenne nationale (14 %). »
Cette étude pousse l’analyse encore plus loin, en observant la pauvreté, au plus près des territoires, quartier par quartier. À Belleville, à la Goutte-d’Or et dans une dizaine de quartiers de la capitale, plus de 40 % des habitants vivent avec moins de 60 % du revenu médian, soit 977 euros par mois. « Cela représente bien plus de pauvres que certaines villes affichant des taux de pauvreté importants, mais avec une densité de population bien moins importante », décrypte Louis Maurin.
Même chose à Marseille, où le 3e arrondissement concentre plus de pauvres (55 %) qu’une ville comme Roubaix. D’autres arrondissements de la cité phocéenne, comme le 1er, le 2e, le 14e et le 15e, affichent aussi un taux supérieur à 40 %. « Malgré la hausse des prix de l’immobilier, les grandes villes rassemblent encore une grande partie de la population pauvre et certains quartiers atteignent des niveaux qui dépassent de très loin la moyenne du pays », résume l’étude. Autrement dit, la pauvreté se cache en ville, même si elle est noyée par la masse.
Utiliser d’autres critères que les revenus
Les inégalités constatées au sein d’une même ville appellent « à raisonner avec des échelles semblables », préconise donc le rapport. Lequel suggère aussi d’évaluer les niveaux de vie en prenant en compte les prestations sociales, « ce qui n’est pas le cas de la nouvelle géographie de la politique de la ville ». Pour une analyse plus fine de la pauvreté, il faudrait aussi utiliser, selon les auteurs, d’autres critères que les revenus, comme « la composition sociale des familles ou l’état du logement social ».
Pierre Duquesne
La Réunion, ghetto dans l’océan. Les plus grandes inégalités se situent outre-mer. « Dans ces territoires, la plus grande richesse côtoie la plus grande pauvreté », explique l’étude du Compas. En particulier sur l’île de la Réunion, où l’on retrouve la moitié des dix grandes villes les plus pauvres. Saint-Pierre est sur la deuxième marche du podium, avec 44 % de personnes vivant avec moins de 977 euros. Viennent ensuite Le Tampon (43 %), Saint-Paul (39 % de pauvres) et Saint-Denis (36 %), en sixième position. Le Port, moins peuplée, affiche, elle, un taux de pauvreté de 55 %. Un record absolu.