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La Libye, un cas d’école de la lutte idéologique

Saint Augustin l’évêque berbère d’Hippone en Algérie qui a façonné la pensée chrétienne a laissé cette définition du temps qui laisse les philosophes, les théologiens et les psychologues en émoi :

« le temps est le déchirement de la conscience entre le souvenir, l’attention et l’attente ».

L’homme vivant en harmonie avec le passé (la mémoire), le recueillement et la concentration sur le travail au présent tout en attendant la récompense de la terre et l’espérance du ciel, vit en harmonie avec lui-même, sa société et le temps historique, psychologique, spirituel, social… Il ne peut être un insouciant ni un irresponsable ni un colporteur de fausseté…

La tragédie humaine est dans ce paradoxe : Retrouver l’harmonie avec le monde et son Créateur n’est possible qu’au prix du déchirement du moi par lequel vient la vigilance. Il nous faut beaucoup de vigilance pour comprendre la tragédie libyenne et celle du monde musulman…

Le Musulman qui dispose de la Sourate Al "Asr où Allah fait le serment sur cette créature qu’est le temps, vit hors temps, privé de mémoire, privé d’un projet et loin de toute espérance. Il est comme un débris de liège que fragmentent les flots ininterrompus et les vagues successives du temps comme des assauts de moments, de durées et d’ instants qui ne trouvent pas une consistance humaine ou idéique à façonner mais trouvent du Wahn, de l’insenséisme, de l’inconséquence, de l’incohérence, de la faiblesse.

Sur notre mémoire aussi volatile que celle d’un poisson rouge qui tourne en rond dans un bocal, on rapporte une anecdote qui fait le tour du monde sans nous émouvoir. Ariel Sharon disait qu’il ne faut pas avoir peur des arabes car ils n’ont pas de mémoire : Ils ne lisent pas et s’ils lisent, ils ne comprennent pas, et s’ils leur arrivent de comprennent, ils oublient vite. Cela fait des siècles qu’on répond à ces critères peu honorables mais dramatiquement vrais. Notre rapport ces derniers jours suite à l’assassinat de Kadhafi et la traque de Seyf Al Islam ces derniers jours confirment notre enlisement dans cette incompétence à lire, à comprendre et à mémoriser, à nous inscrire dans le temps du réel. La lutte idéologique menée par l’impérialisme contre l’ancienne aire de civilisation islamique connait nos problèmes de mémoire et d’anachronisme et elle sait les exacerber pour faire diversion sur ses objectifs et ses visées. Elle joue sur les mots comme l’aimante du prince des poètes Ahmed Chawki qui jouait sur ses maux en jouant avec les noms :

On l’a leurrée en vantant son charme

Car la belle est sensible aux compliments.

Elle a donc oublié mon nom dès que les noms

Sont devenus dans son amour trop nombreux.

Dès qu’elle me voit elle me renie

Comme s’il n’y eut entre nous nul sentiment.

Le sang des martyrs n’est pas encore évaporé, la sueur des résistants à l’OTAN n’est pas séchée et leur voix ne s’est pas tue que l’ont voit déjà nos sentiments changer et notre mémoire s’effacer. En effet des voix arabes innocentes et naïves se mettent à répéter à l’unisson dans les forums sur Internet ou dans les médias arabes et musulmans ces deux « vérités » : Kadhafi à été réduit au silence pour empêcher ses révélations ; Seyf Al Islam doit se rendre à la Cour pénale internationale pour sauver sa vie et faire les révélations que son père n’a pas fait afin de dévoiler la France et les États-Unis.

Ce qui est frappant c’est l’unanimité soudaine des arabes quand ont connait leur nature polémiste qui n’arrive pas à les mettre d’accord sur le sens d’un verset coranique ou sur la recette d’un gâteau oriental. Chacun y va de sa « vérité » qui lui a été insufflée à son détriment par la lutte idéologique menée contre la résistance libyenne : Donner une quelconque justification à l’agression et appeler au mutisme total. Je vais encore blesser des gens et me faire d’autres ennemis mais je dois avouer qu’en lisant ce qu’écrivent les arabes je m’incline devant Borges et je me surprends à répéter inlassablement sa citation dans mes derniers articles : « Les dictatures fomentent l’oppression, la servilité et la cruauté ; mais le plus abominable est qu’elles fomentent l’idiotie ».

La pire idiotie est de croire qu’une guerre de 40 nations mobilisant l’arsenal le plus sophistiqué et les Fatwas les plus meurtrières c’est pour empêcher les révélations de Kadhafi alors qu’il n’y a pas longtemps on a vu Saddam Hussein face à un Jury où il n’a livré aucun secret et finir lynché devant les caméras du monde. C’est ce lynchage qui fait suite à une destruction massive, impitoyable et criminelle qui doit occuper nos esprits pour y voir la haine d’une civilisation en déclin et nous obliger à trouver des parades car cette machine de tuerie collective est bien lancée et elle se ne s’arrêtera pas avec ou sans prétendues révélations. Si la lutte idéologique met la lumière sur ce qu’elle veut, nous devons lui retourner ses projecteurs pour la dévoiler. Le célèbre metteur en scène Berthold Brecht a compris la nature de l’idéologie impérialiste en disant dans la métaphore de la mise en scène : « On voit ceux qui sont mis sous la lumière mais on ne voit pas ceux qui sont dans l’ombre ».

André Malraux a compris le drame du nihilisme de la société occidentale : « L’absence de finalité donnée à la vie est devenue une condition de l’action ». Il a compris son cynisme qui va la mener selon ses propres termes à ne plus savoir construire un temple ni enterrer un mort car elle est entrée dans le cycle de la fabulation satanique et de la mythologie maléfique : « Le destin de notre civilisation c’est la lutte entre deux imaginaires : D’une part celui des machines à rêver, avec leur incalculable puissance, et d autre part, ce qui peut exister en face de lui et qui n est pas autre que I "héritage de la noblesse du monde… Nous sommes dans une civilisation qui devient vulnérable dans ses rêves, car ce qui est le plus puissant sur le rêve des hommes ce sont les anciens domaines sinistres qu’on appelait démoniaques - le domaine du sexe et le domaine du sang "‘ et dans ces domaines, les dieux sont morts mais les diables sont vivants. ». Les médias occidentaux et arabes se sont appuyés sur ce que Bourdieu appellent les « idiots utiles » pour enraciner l’idée de Scipion l’Africain allant chercher Hannibal pour le détruire car c’est un barbare sanguinaire. L’histoire nous dit que le reproche à Hannibal est d’avoir défié la grandeur impériale de Rome. Elle nous fera des révélations sur Scipion l’Américain et les troupes d’élites sur le sol libyen venant des bases de l’OTAN et des monarchies arabes. Sans attendre l’histoire, nous avons vu en direct l’assassinat d’un chef d’état commandité par l’OTAN.

Faute de compétences mnésiques sur le colonialisme, faute de présence attentive sur les tragédies qui s’accomplissent contre nous et faute d’attente de l’espoir qui ne peut venir que d’une résistance que nous devons impérativement semer et cultiver pour changer nous-mêmes et faire changer l’ordre inique des dominants, nous devenons otages de la lutte idéologique. Et ainsi nous lisons ce genre d’analyses pour Kadhafi et Seyf Al Islam :

« Il fallait le tuer pour ne pas qu’il puisse faire de déclarations compromettantes, son silence est salvateur pour plusieurs dirigeants car toute cette histoire n’est qu’une vaste fumisterie, un simple arbre qui cache une forêt. »

« Il serait alors judicieux pour lui de tout faire pour ne pas se faire assassiner à son tour. Le combat change maintenant de visage. Il s’agit maintenant pour lui de SE RENDRE à la « justice internationale », afin de faire toute la lumière sur les raisons de l’implication meurtrière de l’OTAN dans le conflit libyen et des circonstances de l’assassinat de Kadhafi par les agents français et de la CIA. C’est juste une QUESTION DE STRATÉGIE. »

La lutte idéologique est sournoise, comme la belle de Chawki, la scène éclairée de Brecht ou les machines à rêver de Malraux, elle nous fait chavirer dans l’émotionnel et le sensationnel que rapportent d’ailleurs si bien Libération, France Soir, Paris Match, autres médias et leurs relais dans les médias arabes et dans les forums fréquentés par les Musulmans. Si on cherche bien, on trouve dans ces organes de la désinformation et de la propagande les vérités que notre mémoire défaillante ne peut pas voir car elle est comme le regard fasciné par le magnétisme visuel du serpent ou les illusions des magiciens de Pharaon :

Pharaon dit : « Je ne vous montre que ce que je vois, et je ne vous guide qu’au chemin de la droiture ». Ghafir 29

L’impérialisme s’est exprimé par un de ses diplomates français donnant la note et la mesure que doit chanter le choeur, conscient ou inconscient de la véracité des paroles :

« Ce nouvel ami de l’Occident [Kadhafi] aurait pu rappeler ses excellentes relations avec la CIA ou les services français, l’aide qu’il apportait aux amis africains de la France, et les contrats qu’il offrait aux uns et aux autres. Voire plus grave, sait-on jamais ? »

Le colonialisme s’est exprimé par le CNT libyen qui a fait dire aux médias occidentaux qui agissent comme les bureaux arabes du temps de l’indigénat :

« Seyf al-Islam Kadhafi souhaitait se rendre à la Cour Pénale Internationale. »

Ceci dit, il faudrait que d’autre voix s’élèvent contre ce matraquage idéologie de diversion et de subversion.

1 - Le simple fait que les médias et les diplomates veulent vendre cette idée de révélations de Kadhafi pose plusieurs problèmes aux commanditaires de l’OTAN. Le premier problème est de faire diversion sur l’agression sans droit et sur l’assassinat non seulement de Kadhafi mais des populations libyennes et de l’épuration ethnique contre les noirs et les Africains pour créer un nouveau Rwanda relooké en Libye. Le second problème est qu’il ne suffit pas d’assassiner un homme, de l’enterrer en cachette ou de bruler son corps et de le jeter à la mer mais d’effacer sa mémoire en la salissant. En salissant sa mémoire, on fait taire la résistance qu’il symbolisait à Syrte devenu Fallouja l’irakienne ou Stalingrad la soviétique. Au delà de Kadhafi, c’est le mutisme qu’on veut imposer à son peuple en changeant la nature du conflit : De conflit d’agression on passe en parodie de juridisme auprès d’une institution, le CPI, au service de l’agresseur. On a fait la même chose pour les Palestiniens : De cause palestinienne mondiale on est passé à une cause humanitaire à Gaza. On a fait la même chose pour les causes arabes et musulmanes : Nous devons nous confiner à nous rendre puis à aller pleurer nos droits aux institutions internationales au service de l’empire.

Pour salir la mémoire du Résistant on fait circuler et on fait colporter par des gens braves mais un peu naïfs que Kadhafi avait des révélations supposant par le syllogisme fallacieux auquel la rhétorique occidentale est habituée à manier qu’il était de mèche avec le colonialisme et le sionisme. Il aurait été un traitre qui a agit contre son peuple. Cette astuce de dénaturation de la vérité sur la vie d’un homme ne tient pas à l’analyse lucide et documenté. En effet la logique de la trahison exige que le traitre qui détient une vérité compromettante sur ses commanditaires et ses compromissions cherchent une porte de sortie pour sauver sa vie et préserver sa mémoire et sa dignité après sa mort. Cela n’a pas été le cas. Kadhafi a accepté de négocier sous couvert de l’OUA et a refusé de se rendre. Kadhafi, selon les dires d’Hugo Chavez, a été contraint de livrer bataille pour ses idées en faveur de l’Afrique et pour prémunir la Syrie et l’Algérie. Il est vrai qu’il a composé avec l’impérialisme pour sauvegarder son pays, son règne et trouver un espace de liberté mais s’il y a trahison, elle est ailleurs. Laissons ce soin au peuple libyen de se prononcer par les armes de la résistance ou par le bulletin de vote si les élections se déroulent un jour et si elles se déroulent correctement.

En admettant comme vraies ce genre d’inepties et en les colportant, les partisans des « révélations » semblent se recruter chez les partisans du complot et de la conspiration internationale comme si l’impérialisme et le sionisme ne sont pas suffisamment visibles, hégémoniques et maléfiques pour aller chercher dans l’occulte les maux du monde. C’est une insulte à la mémoire d’un résistant qui a mené tant bien que mal, en avançant et en reculant contre l’impérialisme et contre l’orthodoxie sunnite qui a fermé la porte de l’Ijtihad sauf celui de trouver la meilleure servitude envers les occupants. En colportant ce genre d’idioties, nous portons atteinte à la longue liste des résistants africains et arabes assassinés car ils ont tenus têtes à l’agresseur.

Est-ce que Patrice Lumumba avait des révélations ou des secrets partagés avec le colonisateur ? Benbarka a disparu, Ben M’hidi a disparu, Benboulaid a disparu, tous assassinés et l’Occident a toujours trouvé un motif par ses médias et ses taupes pour se disculper. L’autre problème de l’Occident est son échec militaire et moral dans cette agression avec, en latence, son échec économique sur les dividendes de plus en plus incertain du fait de la barbarie de l’agression, de la résistance qui va se former, du rôle que vont jouer les Russes, les Chinois, les Iraniens ainsi que les Algériens et les Égyptiens pour contrer la main mise de l’Occident sur le trésor libyen (pétrole, eau, or monnaie, réserves halieutiques et frontières communes). Il se doit donc d’inventer de faux combats, de fausses retraites et de faux gains. Par ailleurs il a une bonne raison de duper son opinion en lui suggérant des intérêts d’Etat à défendre dans une culture ethnocentrique et égoïste et lui faire accepter l’idée de la nécessité d’assassiner un « dictateur » sanguinaire pour préserver la liberté, la prospérité et la vertu de l’Etat jacobin. Qu’on le veuille ou non les batailles de succession ont commencé en France, en Russie et aux États-Unis avec le niveau de délabrement moral, économique et politique, l’assassinat politique sera un argument supplémentaire pour empoisonner la campagne politique.

2 - Le simple fait que le CNT demande à l’OTAN de prolonger ses opérations pendant encore au moins un mois prouve bien que la résistance est soit encore forte, soit qu’elle est en train de s’organiser et que sans l’OTAN, le CNT serait vite chassé car la population reste attachée à ses acquis sociaux et à son indépendance et elle n’est pas prête à s’embarquer pour n’importe quelle aventure y compris celle se cachant derrière une Charia sans contenu, enveloppée dans une démocratie à l’occidentale, faisant faillite morale, institutionnelle et populaire en France, en Angleterre et aux États-Unis et montrant son échec lamentable en Algérie, en Afghanistan, en Égypte, en Tunisie et en Irak.

Il ne peut venir à l’idée d’un homme sage et connaissant les enjeux de se faire le porte voix d’un appel à la reddition à l’ennemi. Il appartient au combattant en son âme et conscience de décider de continuer, de suspendre ou de différer la lutte selon son propre agenda et les impératifs du terrain qu’il connait mieux que nous qui sommes assis à l’abri et dans le confort dans nos fauteuils. Nous pouvons faire des invocations pour qu’Allah lui donne du courage, de la fermeté, de la constance, de la foi authentique mais nous ne pouvons lui dicter la conduite à tenir. Nous ne pouvons dire au combattant traqué par 40 nations avec ses armées, ses services secrets, ses technologies de surveillance et de détection, et ses vassaux de prendre du temps d’écrire ses mémoires, de se faire beau et persuasif ou de se rendre au CPI pour faire éclater la vérité. Les cours pénales internationales, depuis Nuremberg, sont l’expression de la volonté des vainqueurs en l’occurrence les États-Unis. Ceux qui ignorent ou font sembler d’ignorer cette réalité sont condamnés à brasser du vent et à tendre l’autre joue. Cet emballement médiatique de demander à Seyf Al Islam de se rendre et de chercher la clémence du CPI tout en rendant service à son père n’est pas une idée ingénieuse mais une posture ingénue qui ne connait pas le terrain d’affrontement militaire, de lutte de survie. Il appartient aux Libyens de tirer enseignement du Hezbollah avec sa machine idéologique, médiatique, politique, militaire, logistique et d’espionnage et contre-espionnage. Il nous appartient d’ouvrir les yeux et de voir la victoire du Hezbollah et du HAMAS devant l’agression sioniste comme il nous appartient d’ouvrir les yeux et de voir la résistance héroïque du peuple libyen. Résister pendant sept mois de bombardement et de pilonnage massif et incessant soutenu par une guerre médiatique et psychologique est un acte héroïque. Ni Bagdad ni Belgrade n’ont tenu autant de semaines et de mois.

C’est un coup donné dans le dos à cet héroïsme historique que d’évoquer l’idée d’un combattant se défendant se rendre à Interpol, à la CIA ou au CPI. Je descends d’une grande famille qui a donné des martyrs, des déportés et des disparus durant la guerre de libération nationale. Un de mes oncles a été le secrétaire particulier du Renard des Aurès, Cheikh Mustapha (Colonel Benboulaïd) et il est mort chahid avec lui après avoir refusé de continuer ses études d’ingénieur métallurgiste en RFA pour rejoindre les maquis algériens. Ayant vécu dans cette ambiance de sacrifice, partagée par beaucoup d’algériens, je comprends la souffrance de la résistance mais je ne comprends pas ces appels insensés. Aïcha est avocate, elle est capable d’écrire ou de haranguer le peuple libyen pour la lutte. Elle est capable d’inviter les résistants à se réconcilier avec une partie du CNT qui accepte de se repentir et de réviser leur position stratégique sur l’ingérence étrangère, la souveraineté nationale et le système de gouvernance spécifique aux us et coutumes libyens qui connaissent la culture de la démocratie directe celle de l’Islam initial et des tribus berbères du Maghreb.

Avec tous les respects que je dois aux auteurs arabes ou africains et aux commentaires entre l’approbation et la désapprobation de se rendre, je me permets d’insister sur notre devoir musulman de Basira (lucidité et perspicacité) que nous devons avoir sur la lutte idéologique que mène l’agresseur otanesque et ses vassaux et qui consiste à souffler des solutions comme on souffle le vent sur le feu ou plutôt le sable sur les braises pour les éteindre. Ne soyons pas la cendre qu’on éparpille au gré des vents. Mêmes les vents qui soufflent ne soufflent que par la volonté d’Allah comme une bénédiction et un secours ou une malédiction et un châtiment. Ne soyons pas le souffle que nous inspire Satan et ses liges.

Dis : « Voici ma voie : j’appelle à Allah, en toute clarté, moi et quiconque me suit, Gloire à Allah, et je ne suis point du nombre des polythéistes. » Nous n’Avons Envoyé, avant toi, que des hommes, des gens des Cités, auxquels Nous Inspirons. N’ont-ils pas été de par la terre afin qu’ils voient quel ne fut le sort de ceux qui étaient avant eux ? La demeure Future est sûrement meilleure pour ceux qui ont été pieux, ne raisonnez-vous donc pas ? Youssef 108

La Bassira, lucidité, clairvoyance et perspicacité, exprimée en fin du récit sur les souffrances de Joseph pour confirmer qu’elle est acquisition qui ne s’apprend pas dans les universités mais dans l’école des épreuves. Elle éduque le Prophète et ses compagnons à disposer d’une foi transparente, sans confusion, sans doute en faisant de leur esprit une dynamique critique et analytique pour construire la vérité, dévoiler le mensonge et voir la réalité telle qu’elle dans sa difficulté et sa complexité. On ne peut porter la Religion d’Allah avec un complexe d’infériorité ou de complexité qui fausse l’analyse objective ni un esprit revanchard et haineux qui fausse l’analyse subjective et psycho-affective et encore mois prendre les illusions des insouciants, les simplifications abusives des paresseux ou les leurres des ennemis comme vrais mais comme embuscade, diversion ou subversion idéologique.

Chaque musulman est tenu à être lucide pour désamorcer les guerres et les complots des médias occidentaux contre les musulmans. Refusons cette fatalité qui veut que la braise ardente donne naissance à la cendre inerte… La braise peut rester un feu ardent ou un phénix qui renait de ses cendres si la vérité brulante est alimentée par des arguments vrais et sincères en dépit de la haine et de la rage de nos détracteurs et de nos agresseurs. La lucidité nous commande d’être à côté des avocats Vergès, Dumas et Ceccaldi même si pour le moment nous ne voyons pas de noms musulmans. Nous restons des minus habens en tout avec la différence des autres minus habens qui peuplent la planète, c’est que nous sommes les plus arrogants, les plus incultes et les plus diffamateurs.

Dans les mois et les années à venir on verra l’Occident agresseur et en particulier la France confronté à la théorie des grands qu’elle a enfanté et qu’elle bafoue. Nous verrons la véracité du pamphlet de Maurice Joly qui, dans « Le Dialogue aux enfers entre Machiavel & Montesquieu », fait parler les morts pour répondre aux vivants qui étaient Napoléon III réalisant son coup d’état soutenu par les milieux d’affaires et de la presse mais refusé par Victor Hugo. Dans la servitude morale de la gauche à la droite au sarkozisme belliqueux et agresseur, nous verrons bientôt à quelle raison le peuple français va répondre. Pour l’instant ni Victor Hugo ni l’avocat Joly ne sont sur le champ médiatique et intellectuel occupé par Bernard Henry Lévy mais les jours qui s’alternent selon la loi de Dieu nous mettront face à ce texte sublime sur le sens et les conséquences de l’intérêt étatique suprême :

« Ne savons-nous pas que l’intérêt de l’État, c’est le plus souvent l’intérêt du prince en particulier, ou celui des favoris corrompus qui l’entourent ? Vous ne songez donc pas qu’avec des maximes pareilles, il n’y a pas de société qui puisse vivre ; vous croyez que le sujet tiendra longtemps ses serments quand il verra le souverain les trahir ; qu’il respectera les lois quand il saura que celui qui les lui a données les a violées, et qu’il les viole tous les jours ; vous croyez qu’il hésitera dans la voie de la violence, de la corruption et de la fraude, quand il y verra marcher sans cesse ceux qui sont chargés de le conduire ? Détrompez-vous ; sachez que chaque usurpation du prince dans le domaine de la chose publique autorise une infraction semblable dans la sphère du sujet ; que chaque perfidie politique engendre une perfidie sociale ; que chaque violence en haut légitime une violence en bas […] Le silence du peuple n’est que la trêve du vaincu, pour qui la plainte est un crime. Attendez qu’il se réveille : Vous avez inventé la théorie de la force ; soyez sûr qu’il l’a retenue. Au premier jour, il rompra ses chaînes ; il les rompra sous le prétexte le plus futile peut-être, et il reprendra par la force ce que la force lui a arraché. La maxime du despotisme, c’est le perinde ac cadaver des jésuites ; tuer ou être tué : voilà sa loi ; c’est l’abrutissement aujourd’hui, la guerre civile demain. C’est ainsi, du moins, que les choses se passent sous les climats d’Europe : dans l’Orient, les peuples sommeillent en paix dans l’avilissement de la servitude. »

Au lieu de semer le doute et la confusion dans notre camp, portons-les dans celui qui nous a agressés dans notre dignité et demandons à son excellence monsieur Alain Juppé, ce spécialiste de Montaigne, s’il est en phase avec la pensée de Montaigne et demandons aux amis de Montaigne d’appeler à la trahison de ceux qui n’ont pas respecté ses idées. Je vais emprunter quelques idées de l’agrégation de madame Béatrice PERIGOT de l’Université de Nice-Sophia-Antipolis) : « Le politique chez Montaigne ». Elle nous dit en 2003 à travers son étude sur Montaigne que la politique française nationale et étrangère est à l’opposé de celle de Montaigne.

Elle nous dit que Montaigne répète à plusieurs reprises qu’il refuse de se mêler de politique car elle corrompe et qu’il lui répugne déjà à se mêler ne serait-ce que des affaires de son ménage : « Ce n’est pas un mespris philosophique des choses transitoires et mondaines [...] ; mais certes c’est négligence inexcusable et puérile. » Pourquoi un partisan de Montaigne irait s’occuper de la politique intérieure des Afghans, des Algériens, des Syriens ou des Libyens. La politique française n’est-elle pas suffisamment corrompue et contradictoire ?

Elle nous dit que ce qui affligeait le plus Montaigne, c’était la société (l’homme privé et non l’homme d’état) qui souffrait de la situation morale à laquelle la conduisait l’homme publique : « Je me consolerois ayséement de cette corruption pour le regard de l’interest public, mais pour le mien, non ». Charité bien ordonné commence par soi même et devant sa porte et non aller chez les autres leur apporter votre corruption et votre sens macabre et cynique de l’existence.

Elle nous dit que pour lui, le désordre civil et le renversement des valeurs morales ont surtout des effets sur les hommes privés. Il ne croit ni à la constitution ni à l’état mais à la coutume des peuples fondée sur leur morale et leur vivre ensemble : « La société des hommes se tient et se coust à quelque pris que ce soit… En quelque assiette qu’on les couche, ils s’appilent et se rengent en se remuant et s’entassant, comme des corps mal unis qu’on empoche sans ordre trouvent d’eux mesmes la façon de se joindre et s’emplacer les uns parmy les autres, souvent mieux que l’art ne les eust sçeu disposer… nous ne pouvons guieres les tordre de leur ply accoustumé que nous ne rompons tout ». Les spécialistes de Montaigne semblent ignorer ses préconisations sur l’interventionnisme étatique qu’il voyait comme un générateur de chaos dans la société. Ni la France ni les États-Unis n’ont la grandeur morale ni la détention des valeurs universelles pour se croire les Rédempteurs de l’humanité et la Parole d’Évangile qui dicte, sous la force des armes et l’intervention des moyens de l’État idole, la messe à un peuple qui ne veut pas être converti à la nouvelle religion :

Elle nous montre enfin que Montaigne mettant au centre de ses préoccupations la morale, l’usage et les coutumes, il affirme que la meilleure république est celle qui existe et qu’il ne faut pas rêver de changer car le changement par l’extérieur est producteur de chaos. Le changement doit se faire de l’intérieur et en douceur car il s’agit d’un changement des coutumes que les peuples ont mis du temps à élaborer. Elle nous dit que le « conservatisme » de Montaigne n’est nullement idéologique mais se veut de l’ordre du bon sens. Montaigne refuse la posture qui consisterait à juger de l’extérieur et en dehors de toute situation concrète la matière politique. Il substitue à une posture intellectuelle, une posture fondée sur l’expérience, n’attribuant de ce fait à ses propos aucune autorité au sens ancien de garantie, tout en cherchant en même temps à conférer à ce qu’il avance un statut de vérité de fait, plus incontestable : « la descharge du mal présent n’est pas guarison, s’il n’y a en general amendement de condition ».

Sur quelle logique humaine, ethnologique, diplomatique et militaire vous êtes allés imposer par la force une reconfiguration politique d’un état souverain ? Au nom de quelles valeurs vous êtes allés prendre position en faveur d’une minorité bruyante contre une majorité qui a montré son attachement à son guide, à ses coutumes, et semer la mort, la désolation, la haine au nom de principes humanitaires et démocratiques bafoués dans votre propre pays. Les intellectuels français ne sont plus capables de faire baisser le son des sophistes et des partisans des syllogismes fallacieux hyper médiatisés pour dire ne parler plus en notre nom ni profaner les grandes figures de la France comme Montaigne, Montesquieu et Voltaire qui auraient désapprouvé cette agression peu honorable. Corneille vous aurait tourné en dérision : « A vaincre sans périls on triomphe sans gloire ». A gagner les faibles en les humiliant alors qu’ils sont agonisant nous verrons l’humiliation de la France face aux Allemands dont la négociation sur l’avenir de l’Europe ainsi que sur la vocation européenne (tirée vers la Russie) ou méditerranéenne (tirée par la France) de l’Europe avec toutes les conséquences en termes politiques, économiques et culturelles.

Les Africains et les Arabes ne doivent pas laisser une porte de sortie idéologique à ceux qui ont assassiné les enfants, les femmes et les vieillards de Libye qui ne leur ont rien fait ni rien demandé. Vous devez arrêter de colporter ou de soutenir les astuces que vous livre le colonialisme. Ceux qui se font l’écho de la lutte idéologique menée contre le monde musulman, ils portent la même cécité et la même médiocrité que le despotisme religieux, culturel et politique qui a cultivé leur regard mental et qui les rend comme des mouches qui gobent tout sans ouvrir les yeux sur les armes de diversion et de subversion de leurs adversaires dont les dégâts sur les limbes et la dignité sont pires que les dégâts sur les bâtiments, les infrastructures et les installations de l’Irak ou de la Libye :

Certes, quand les tyrans s’emparent d’une Cité, ils la corrompent et rendent avilis les nobles de ses habitants. C’est ce qu’ils font toujours.

Ce serait désastreux de tomber dans le matraquage idéologique, de donner un crédit sur la tyrannie, la mauvaise gouvernance ou sur des révélations de Kadhafi même si elles étaient vraies car la priorité n’est plus Kadhafi mais l’agression de l’OTAN qui peut et qui veut agresser d’autres peuples dans le monde poussé par la cupidité du capitalisme et la foi en sa force invincible et en son impunité. Si Allah blâme les Musulmans qui ont prêté oreille à un arabe hypocrite ou insouciant comment croire qu’Il va nous pardonner notre infantilisme envers le colonialisme :

O vous qui êtes devenus croyants, si un perverti vous apporte une nouvelle, soyez discernant pour que vous ne portiez atteinte à des gens par ignorance, et que vous ne soyez pris par le remords par ce que vous avez fait.

Comment se taire quand un Musulman nourri à l’école du Coran, de la Sunna et de la civilisation musulmane, qui a fait face avec détermination triomphante contre de grandes détresses militaires, socio-politiques et naturelles, se met à dire : « Vivement que l’ Imam Al Mahdi arrive pour stopper cet empire du mal ». J’ai lu un livre de l’Abbé Pierre qui racontait qu’un homme malheureux s’est mis à blasphémer et à lui dire « Mais que fait le bon Dieu ? » et l’Abbé lui a répondu tout simplement « Mais Il t’a fait toi  ». Aller vers des solutions relevant du Ghayb, c’est trahir notre Prophète. Il n’y a que trois voies possibles et relevant du champ des possibilités humaines. Ou les pays musulmans refondent leur pays sur des bases islamiques saines et civilisées et se donnent les autorités légitimes pour gouverner et équiper leurs armées en mesures électroniques et contre mesures électroniques pour faire face à l’hyper sophistication des systèmes d’armes occidentaux ou ils rejoignent un mouvement altermondialiste qui soulèvent les peuples contre l’hégémonie sioniste et impériale dans un seul clivage : être pour ou contre le salut de l’humanité contre la domination des oligarchies sataniques. Ou revenir aux idées mixtes qu’ont défendues Malek Benabi et Roger Garaudy. Les Iraniens ne sont pas en train d’attendre leur treizième imam en attendant la fin du monde : Ils construisent tous les moyens pour se défendre en cas d’attaque et riposter en élargissant le conflit de telle manière à le rendre planétaire donc dissuasif. Il faut déconstruire tout notre système idéologique façonné sur la fascination et la paresse :

« Lorsque ma Communauté exaltera le dinar et le dirham, lui sera ôté le prestige de l’Islam, et lorsqu’elle cessera de commander le bien, elle sera privée de la bénédiction de la Révélation » Hadith

Lorsqu’on prendra conscience de notre Wahn alors la parole sera d’or et le temps sera efficacité en mémoire, en présence et en construction d’un avenir libéré et civilisé par des hommes de la trempe des anciens dont Hassan al Bassri qui a invité les Musulmans faisant face au sanguinaire et despote Al Hajjaj a s’en prendre à eux-mêmes pour les malheurs qui les frappent et à faire du temps un allié ou un ennemi pour l’au-delà « Le jour qui arrive est une créature qu’Allah t’envoie pour toi ou contre toi et qui te dit : je suis un nouveau jour pour toi si tu ne fais pas cas de moi sache que je ne reviendrais plus jamais mais ce sera un autre jour qui viendra. Quand à moi je ne reviendrais te voir qu’au jour du jugement dernier pour témoigner en ta faveur ou contre toi selon ce que tu as fait de moi »

Omar Mazri - Auteur, Ecrivain

SOURCE : http://www.euroalgerie.org

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Je n’ai aucune idée à quoi pourrait ressembler une information de masse et de qualité, plus ou moins objective, plus ou moins professionnelle, plus ou moins intelligente. Je n’en ai jamais connue, sinon à de très faibles doses. D’ailleurs, je pense que nous en avons tellement perdu l’habitude que nous réagirions comme un aveugle qui retrouverait soudainement la vue : notre premier réflexe serait probablement de fermer les yeux de douleur, tant cela nous paraîtrait insupportable.

Viktor Dedaj

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