Développer et mettre en place des médias francophones, dans un monde dans lequel l’anglais prend de plus en plus de place, relève d’une nécessité de préserver la diversité dans un monde dont la mondialisation a tendance à diluer les cultures, et avec elles les richesses linguistiques.
« Pour cela, il faut des médias qui reflètent ce pluralisme. Or notre langue est menacée par la mondialisation. Le français perd des parts de marchés. Il court le risque de devenir sur Internet une langue de traduction au lieu d’être une langue de création et de modernité. Pourquoi n’y a-t-il pas de moteur de recherche francophone ? De Netflix francophone ? Nous avons des chances de rebondir si nous prenons conscience de ce risque et si les grands médias savent passer des alliances », faisait valoir Clément Duhaime, Administrateur de l’OIF, qui a présenté les enjeux de la conférence lors d’une conférence de presse le 1er octobre.
La régression n’est pas tant à craindre en termes quantitatifs. Le nombre de locuteurs français est en constante progression, notamment parce que l’Afrique francophone, où la démographie est forte, continue d’utiliser le français dans la scolarisation des enfants. Dans ces conditions, il pourrait bien y avoir 750 millions de parlants français à l’horizon 2050 (contre 220 millions en 2010).
Mais Internet, qui est une invention américaine, est dominé par la langue anglaise. Elle est le siège d’une véritable diversification linguistique significative selon le dernier rapport de Natixis sur la question. Mais cette pluralité est encore insuffisante et doit être encouragée. Les médias ont un rôle crucial à jouer pour faire vivre la langue française et la porter sur la scène numérique.
D’autant que les Chinois tentent également d’investir les réseaux numériques, en Afrique en particulier. Le 18 juin 2014 se tenait à Beijing le 2e forum sur la coopération des médias africains et chinois. « Œuvrer ensemble pour offrir une autre réalité de l’Afrique et de la Chine, mais aussi briser le monopole des médias occidentaux figure aussi parmi notre objectif », avait déclaré le ministre chinois de l’Administration nationale de la Presse, de l’Édition, de la Radiodiffusion, du Cinéma et de la Télévision.
Au-delà de l’enjeu culturel, la lutte est aussi économique. « La perspective que le français devienne l’une des premières langues parlées dans le monde constitue une opportunité majeure pour l’industrie des médias français », selon Jérôme Bodin, analyste chez Natixis. De grands groupes du secteur médiatique français, qui a connu des jours meilleurs, ont commencé à se développer en Afrique. Parmi eux, Canal Plus, Le Point ou encore Le Monde.
Si, sur l’économie numérique, « l’Afrique n’a pas encore la vitesse de croisière nécessaire », reconnaît Mactar Silla, directeur de la société gabonaise de conseils ACC, le dynamisme du secteur est incontestable. Ce constat fait dire à Jean-Paul Philippot, PDG de la RTBF que « Le saut technologique de l’Afrique, la comparera rapidement avec l’Asie ».