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La France n’aurait plus peur des mots étrangers !

Cette formule ambiguë est tirée d’une dépêche de l’AFP, et de propos de Mme la ministre Pellerin. C’est ce qui s’appelle en langage imagé « noyer le poisson ».

Il faut, en effet, lire « La France n’a plus peur des mots anglais ». Mme Pellerin lance ainsi de bien curieuse façon la Semaine de la langue française. Serait-ce la Semaine (de l’assassinat ) de la notre langue ? Mme Pellerin ne voit en la Loi Toubon qu’une « loi controversée » : quel mépris pour une ministre de la République, mépris de la loi, de la Constitution et, pour tout dire, de l’État de droit ! C’est ainsi que ceux qui se présentent comme les garants de la démocratie, chaque jour détricotent la République – et pas seulement sur le plan linguistique. Ils applaudissent aux emprunts qui, jadis, venaient d’en bas, en camouflant les substitutions imposées par les multinationales en prémices du Grand Marché Transatlantique en gestation.

Si, Mme Pellerin, le français est en danger. Et résister, défendre notre langue, ce n’est pas se battre contre des moulins à vent.

Nous n’en sommes plus au franglais raillé naguère par Étiemble, ni à la surdose des emprunts lexicaux à l’anglais : c’est désormais de substitution qu’il s’agit alors que la Recherche bascule à l’anglais et que de plus en plus de Grandes Écoles et d’Universités privilégient l’enseignement en anglais sous les quasi encouragements de l’ex-ministre Fioraso lorsqu’elle était aux affaires.

Au-delà de l’air du temps, il faut bien mettre en cause le capitalisme euro-mondialisé et ses relais hexagonaux, ceux, que Michel Serres appelle les « collabos de la pub et du fric », qui osent présenter le basculement au tout-globish et la relégation engagée du français, comme une « ouverture à la modernité » – comme l’est, sans nul doute, la substitution de l’ultralibéralisme du XIXème siècle aux acquis et conquêtes sociales et démocratiques de 1936 et 1945.

Ce ne sont pas là des fantasmes, hélas : déjà en 2006 l’Union des industries de la Communauté européenne (UNICE, aujourd’hui Businesseurope), promouvait à son de trompes cette politique de substitution et d’arrachage linguistiques en déclarant, par la bouche de son nouveau président d’alors – le Baron Seillière, que l’anglais serait désormais "la langue des affaires et de l’entreprise" dans toute l’U.E. Quant au président de l’Allemagne fédérale, n’a-t-il pas osé conseiller aux citoyens européens de basculer au tout-anglais dans l’usage public, pour réserver les langues nationales, ces patois s "poétiques", à l’usage domestique ?

Si l’on ne veut pas que le français devienne une langue secondaire en France, voire le patois stigmatisant de la « France d’en bas », si l’on veut préserver les promesses d’une Francophonie rénovée et fraternelle, il faut engager la résistance linguistique en la liant aux autres résistances civiques et sociales. A défaut d’engagement des Confédérations syndicales et des partis politiques en vue, la résistance peut être personnelle. Chacun peut réagir individuellement en suscitant par son attitude linguistiquement rebelle, la résistance collective qui monte...

 http://www.courriel-languefrancaise.org/
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COMMENTAIRES  

28/03/2015 00:51 par Vania

Très bon article, sans oublier que la "reine " de la francophonie est actuellement l’ex-gouverneure général du Canada, la représentante de la reine Elisabeth !!qui préfère parler "bilingue" soit dit en passant...

28/03/2015 10:43 par Prendre l'air innocent

"ETRANGER" à la place de "ANGLAIS"... (Il ne s’agit pas du russe, du chinois, de l’arabe ou du grec)
Méfions-nous ! Déjà qu’"ils" nous ont fait le coup des "langues étrangères"... pour imposer l’ANGLAIS à l’université !

Pourtant... l’Angleterre, pas plus que les Etats-Unis, d’ailleurs, où on parle aussi l’anglais, ne "font partie" de la "zone euro", is n’t it ?

Pourquoi, alors, chercher à imposer cette langue (et tout ce qui va avec, car une langue est le véhicule d’une culture) aux habitants d’Europe... et aux Grecs, (en particulier et pour l’instant) ?

Pour la "semaine de la francophonie", fallait oser ! Mais "c’est à ça qu’on les reconnait"... nos "élites" qu’on a voté pour elles ou qui ont été "choisies" par un "élu démocratiquement".

28/03/2015 14:17 par Paul-Victor de Merode

Tout cela participe bien de la même mouvance globalisante, implicitement uniformisante, et les Français, souffrant d’un complexe d’infériorité patent, à l’instar de tant d’autres peuples, répliquent bêtement, en copier/collier, le modèle anglo-saxons, seul capable, pensent-ils, d’assurer leur salut. Pauvres moutons de Panurge bêlant leur pidgin à la sauce américaine. Tous coupables de félonie linguistique, des journaleux aux politiciens ; pire, certains intellectuels n’y échappent pas.

C’est bien de génocides culturels dont il s’agit, mais indolores et consentants. Le terrorisme linguistique, un des avatars de l’impérialisme Made in USA dont les victimes se comptent par centaines de millions.

31/03/2015 11:30 par Radon

On dirait même plus :
La Gauche n’a plus peur de l’Anglais.
La Gauche aspire à parler Anglais, pour que désormais on ne la confonde plus avec ces ploucs gaulois bornés qui s’obstinent à ne pas comprendre que les classes aisées et progressistes se battent pour leur bien.
Et d’ailleurs, la gauche parle Anglais.
Invective en Anglais.
Pense en Anglais.
Comme la Droite, d’ailleurs, mais de manière moins triviale, moins grossière.
Avec idéal.
L’ouverture aux autres, qui ne peut se faire qu’en Anglais.
La multiculturalité, où chacun parle sa langue et communique en Anglais.
( D’ailleurs, n’est ce point du racisme que d’adresser la parole à un immigré en Français ? )
On pourrait continuer longtemps...

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