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La fausse bonne conscience de l’Occident face au terrorisme

C’est en 1993 que Samuel P. Huntington publia son désormais célèbre Choc des civilisations. Pour l’auteur, la défaite de l’Union soviétique avait mis fin à toutes les querelles idéologiques, mais pas à l’histoire. La culture – et non la politique ou l’économie – allait dominer le monde.

Il en dénombrait huit : occidentale, confucéenne, japonaise, islamique, hindoue, slave orthodoxe, latino-américaine et, peut-être, africaine (il n’était probablement pas certain que l’Afrique soit vraiment civilisée !). Chacune incarnait différents systèmes de valeurs symbolisés chacun par une religion, « sans doute la force centrale qui motive et mobilise les peuples ». La principale ligne de fracture passait entre « l’Occident et le reste », car seul le premier nommé valorise « l’individualisme, le libéralisme, la Constitution, les droits humains, l’égalité, la liberté, le règne de la loi, la démocratie, les marchés libres ». C’est pourquoi l’Occident doit se préparer militairement à affronter les civilisations rivales, et notamment les deux plus dangereuses : l’islam et le confucianisme, qui, si elles devaient s’unir, menaceraient le cœur de la civilisation. Et l’auteur concluait : « le monde n’est pas un. Les civilisations unissent et divisent l’humanité... Le sang et la foi : voilà ce à quoi les gens s’identifient, ce pour quoi ils combattent et meurent ». Oussama Ben Laden aurait pu signer sans mal une telle déclaration.

Le choc des civilisations est revenu mercredi 7 janvier sur le devant de la scène. Au galop. Ce jour-là, une attaque terroriste décimait la direction de Charlie Hebdo. Parmi les morts figurent de nombreux journalistes, dont les dessinateurs Charb, Cabu, Wolinski, Tignous, Honoré, Elsa Cayat, Mustapha Ourad ainsi que Bernard Maris, chroniqueur pour l’hebdomadaire satirique et pour France Inter. Alors que les informations défilaient en boucle, plus de 100 000 personnes se sont rassemblées dans plus de cent cinquante villes de France. Une journée de deuil national a en parallèle été décrétée le lendemain en hommage aux victimes.

Laurent Léger, survivant de l’attentat, raconte « la barbarie entrée dans le journal ». Pourtant, rares sont ceux à rappeler que les deux tueurs présumés ont séjourné en Syrie où certains diront plus tard qu’on leur a « bourré la tête ». Un nouveau rapport de la Commission d’enquête des Nations Unies traitant justement de ce pays a donné des explications choquantes sur l’usage de la terreur par le groupe armé autoproclamé État islamique (utilisation d’une violence extrême contre les civils et les combattants capturés).

Le rapport indique que « le soutien externe fourni à tous les belligérants en Syrie a contribué à la radicalisation des groupes armés, au bénéfice final d’ISIS (État Islamique, NDLR). Des organisations caritatives et des particuliers fortunés ont financé les entités radicales désireuses de promouvoir leurs idéologies et de servir leurs agendas. Les armes et le soutien offerts aux groupes armés considérés comme modérés sont maintes fois tombés dans les mains d’acteurs plus radicaux, y compris ISIS ». Dans un entretien exclusif au Monde, François Hollande confirmait d’ailleurs en août dernier que « la France a soutenu la rébellion syrienne démocratique », nous refaisant au passage le coup des armes chimiques. Les États-Unis ne sont pas en reste. Selon l’agence de presse britannique Reuters, le Congrès a voté secrètement le financement d’une aide militaire aux « rebelles syriens » jusqu’à la fin de l’année fiscale (c’est-à-dire jusqu’au 30 septembre 2014)

Jacques Chirac avait pourtant compris le problème, lorsque George W. Bush a décidé d’envahir l’Irak sous le prétexte fallacieux d’éliminer des armes de destruction massive. Mais pas Sarkozy, qui a pris le risque d’envoyer des troupes françaises combattre, avec des djihadistes et des terroristes d’Al-Qaïda, pour « libérer » les Libyens. Tous savaient que l’opposition laïque libyenne était insignifiante par rapport à la nébuleuse islamo-terroriste.

Le cas de la Syrie n’est pas totalement différent du précédent libyen. Même si elle a été plus ou moins pacifique au départ, l’insurrection syrienne a été très rapidement une résistance armée et composée par des djihadistes venant de tous les horizons : des Tchétchènes, des Libyens, des Tunisiens, des Algériens, des Saoudiens, des Jordaniens, des Irakiens, des Britanniques, des Américains, et bien évidemment des Français. Le nombre des candidats au martyre a été longtemps minimisé en France. Il a pourtant augmenté de 116 % depuis le 1er janvier 2014 selon des chiffres visés par le ministère de l’intérieur que s’est procurés France Info. L’administration estime aujourd’hui qu’il y a désormais plus de 1 200 personnes qui sont parties ou veulent partir faire le djihad. Bien entendu, certains reviennent au bercail. Militairement formés, cela va de soi.

Face au terrorisme islamique, force est de constater que l’indignation de l’Occident est à géométrie variable. Les heures qui ont suivi l’attaque meurtrière contre Charlie Hebdo ont vu se succéder les déclarations de solidarité de la part de la communauté internationale. Pourtant, les États-Unis autant que leurs alliés ont contribué à coups de millions de dollars à armer des mouvements terroristes à des milliers de kilomètres de nos frontières, au Proche-Orient ou ailleurs. Le terrorisme est donc une composante de l’action des États qu’on pourrait qualifier de doctrine non officielle... mais pourtant bien réelle. Il n’est plus systématiquement, comme certains peuvent encore le prétendre, l’arme des faibles.

Pour en finir avec l’hydre djihadiste, il faudrait assécher totalement les sources financières et les référents politiques auxquels s’adossent les mouvements qui s’en réclament. Pour ce faire, il serait temps de s’interroger sur la politique occidentale menée globalement à l’égard du monde arabe et du monde musulman, mais aussi sur la consistance des politiques menées par les régimes de ces régions (notamment ceux du Golfe) et sur la complaisance des pays occidentaux à leur égard. Or, aucune capitale occidentale n’a pour le moment émis un signal allant dans ce sens. Charlie hebdo en a payé le prix cash.

Capitaine Martin

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Je n’ai aucune idée à quoi pourrait ressembler une information de masse et de qualité, plus ou moins objective, plus ou moins professionnelle, plus ou moins intelligente. Je n’en ai jamais connue, sinon à de très faibles doses. D’ailleurs, je pense que nous en avons tellement perdu l’habitude que nous réagirions comme un aveugle qui retrouverait soudainement la vue : notre premier réflexe serait probablement de fermer les yeux de douleur, tant cela nous paraîtrait insupportable.

Viktor Dedaj

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