31 Décembre, 2004
Les médias américains se sont jetés sur le tsunami en Asie avec la rapacité
d’un carnivore sur sa proie. Les journaux et les télévisions sont
recouverts de cadavres dérivant en pleine mer, de carcasses déchirées
disséminées le long des plages et de corps de bébés enflés alignés en rangs.
Chaque aspect de la souffrance a été examiné à la loupe par le regard
prédateur des médias.
C’est dans ce genre de situation que la presse occidentale se surpasse ;
dans cette ambiance festive des catastrophes humanitaires. Leur goût pour la
misère n’est dépassé que par leur appétit pour les profits.
Où était la "presse libre" en Irak lorsque le nombre de morts atteignait les
100.000 ? Jusqu’à présent, nous n’avons rien vu de la dévastation à
Falloujah où plus de 6.000 personnes sont mortes et où les cadavres furent
alignés dans les rues pendant des semaines. La mort est-elle moins
photogénique en Irak ? Ou y’a-t-il des objectifs politiques derrière tout ça
?
N’était-ce point Ted Koppel, il y a à peine quelques jours, qui déclarait
que les médias faisaient preuve de retenue en Irak par respect pour la
pudeur du public. Il répéta encore une fois la rengaine sur le fait que
montrer des images d’Irakiens morts était "de mauvais goût" et que le public
américain trouverait de telles images repoussantes. Et combien de fois avons
nous entendu de telles foutaises des bouches de Brokaw, Jennings et tous
leurs semblables ?
Il semblerait que Koppel et toute la bande aient rapidement changé d’avis.
Le tsunami s’est transformé en une agitation médiatique non-stop autour du
carnage et des ruines, explorant toutes les facettes de la misère humaine
dans les moindres détails sordides. Le festival sanglant est lancé à toute
vapeur et l’audimat grimpe avec.
Les médias commerciaux arrivent à étonner le plus blasé des spectateurs. Au
moment même où on pense qu’ils ont touché le fond, ils réussissent à
s’enfoncer encore un peu plus dans le sensationnalisme. La manipulation des
catastrophes est particulièrement dérangeante, surtout lorsque le désastre
se transforme en une augmentation de chiffre d’affaires. Koppel peut
toujours parler de "mauvais goût" mais ses patrons du conseil
d’administration sont plus préoccupés par les résultats de leur entreprise.
En d’autres termes, le malheur est bon pour le business.
Cependant, lorsqu’il s’agit de l’Irak, le discours devient autre. Les morts
et les mutilés sont cachés hors du champ des caméras. Aucun média n’oserait
montrer le cadavre d’un "marine" ou même celui d’un Irakien mutilé par une
bombe américaine errante. Cela pourrait saper les objectifs patriotiques de
notre mission : la démocratisation des indigènes et leur entrée dans le
système économique global. De plus, si l’Irak était couvert par les médias
comme le tsunami, le soutien à la guerre pourrait connaître une érosion
supérieure à celle des côtes thaïlandaises, et les Américains seraient
obligés d’acheter leur pétrole au lieu de l’extraire par la force des armes. Alors à
quoi bon ?
Il semblerait que les médias aient raison ; le massacre en Irak EST d’une
autre nature qu’en Thaïlande, Indonésie ou en Inde. La boucherie Irakienne
fait partie d’un projet beaucoup plus vaste, un projet de conquête, de
soumission et de vol des ressources, les prémisses du maintien de la
domination blanche pour le siècle à venir.
Le conflit Irakien illustre comment les médias se plient aux objectifs
politiques de leurs propriétaires. Les médias picorent les informations
selon les intérêts des investisseurs ; jetant aux orties les images (tels
que des soldats américains morts) qui ne rendent pas service à leur
politique. Ainsi, ils peuvent faire coïncider l’information avec leur
doctrine, celle qui sert les intérêts des multinationales. Il s’agit
d’éliminer sélectivement tout ce qui pourrait compromettre les objectifs
plus larges et impériaux. A l’inverse, le tsunami en Asie permet aux médias
d’assouvir l’appétit du public pour la tragédie et de combler son intérêt
macabre pour le malheur. Les deux tendances constituent un affront envers le
journalisme honnête et envers toute prétention sérieuse à informer les
citoyens.
Le différence de traitement (entre l’Irak et le tsunami) est le signe d’une
industrie en pleine déliquescence.
Les médias privés peuvent enterrer une information toute en manipulant une
autre pour faire grimper l’audimat. Ils sont à la fois capables d’exploiter
la souffrance des asiatiques et d’ignorer celle des Irakiens. Dans un cas
comme dans l’autre, nous sommes toujours aussi éloignés de la vérité. Il est
tout simplement impossible de se faire une idée cohérente du monde à travers
le prisme des fabriquants de lessives et d’aliments pour chiens [souvent
propriéaires de médias aux US, en France on dirait plutôt "bétonneur" ou
"marchand d’armes" - NDT] . Ils sont plus préoccupés par la création de
conditions favorables à la consommation que par un compte-rendu objectif des
événements.
Nous avons besoin de médias attachés au principes d’impartialité et de
professionnalisme, pas de médias saisis par le fric, le sensationalisme et
l’hyperbole.
Mike Whitney
Mike Whitney lives in Washington state. He can be reached at :fergiewhitney@msn.com.
– Source : www.counterpunch.org./whitney12312004.html
– Traduction : Cuba Solidarity Project
"Lorsque les Etats-Unis sont venus chercher Cuba,
nous n’avons rien dit, nous n’étions pas Cubains."
– Lire aussi :
- - Des différences anormales de procédure dans le système d’alerte aux tsunamis, par Michel Chossudovsky.
www.legrandsoir.info/article.php3 ?id_article=2028
- Au courant de l’imminence d’une catastrophe naturelle :
Washington savait qu’un tsunami mortel était en train de se former dans l’océan Indien, par Michel Chossudovsky.
www.legrandsoir.info/article.php3 ?id_article=1989
- Vous reprendrez bien un peu de Tsunami ?} par Viktor Dedaj.
www.legrandsoir.info/article.php3 ?id_article=1991