Communiqué du CNRBE, 3 mars 2012. "” Après la révélation durant l’été 2010 de l’existence totalement illégale d’un fichier des enfants du voyage, nous apprenons que l’inspection académique de l’Ain ne recrute plus les directeurs d’école selon leurs compétences, mais surtout en fonction de leurs opinions, en particulier sur le sujet de la très contestée « Base élèves 1er degré » (1), ce fichier informatique apparu dans le primaire en 2004.
En effet, trois enseignants, Mmes Mathy, Vilela, et M. Simone, viennent d’essuyer un refus de titularisation au poste de directeur d’école, au prétexte qu’ils n’ont pas caché devant le jury d’examinateurs, leur opinion défavorable quant à la Base élèves. Rappelons que ces trois enseignants ont déjà fait fonction de directeurs d’école, et qu’ils ont tous trois reçu un avis favorable de leur inspecteur de circonscription. Leur progression de carrière semble donc volontairement empêchée au niveau de l’inspection académique de Bourg-en-Bresse.
Étonnamment, dans le courrier de refus envoyé à ces trois candidats, aucun motif n’apparaît, contrairement à ce que veut l’usage. Pourtant, lors des entretiens, le jury leur a clairement reproché un « conflit de loyauté », précisément par rapport à leur position quant à la collecte d’informations sur les enfants et les familles, et leur saisie dans la Base élèves.
Une fois de plus, l’Éducation Nationale (E.N.) ne respecte ni les droits des enfants, ni ceux qui les défendent.
Le fichier Base élèves est en effet toujours contesté : une plainte au pénal et de nombreux recours au Tribunal Administratif sont en cours. Des collectivités locales et des assemblées délibérantes votent chaque jour plus nombreuses, des motions contre la Base Élèves, comme la Région Rhône-Alpes.
Car ces fichiers remettent en cause le principe de confidentialité, le respect de la vie privée, et le droit à l’éducation, comme dénoncé en juin 2009 par le Comité des Droits de l’enfant de l’ONU, chargé de surveiller l’application la Convention relative aux droits de l’enfant et qui a valeur supérieure à toute loi interne (article 55 de la Constitution).
Les directeurs d’école qui refusent de remplir Base élèves, pourtant reconnus "défenseurs des droits des enfants" depuis 2009 au regard des traités internationaux, sont plus que jamais contraints d’utiliser ce fichier sous les pressions, les menaces et les sanctions.
Refuser l’inscription d’un candidat sur la liste d’aptitude de directeur d’école sous couvert de loyauté à l’institution, est une nouvelle arme dans la panoplie de l’administration pour limiter l’opposition des directeurs d’écoles. Car il ne s’agit pas simplement de s’opposer à ce que l’école collecte et enregistre dans son fichier des données relatives aux enfants, mais de s’opposer à la mise en place d’une société, où chacun sera immatriculé, fiché, catalogué, classé, profilé, tracé, depuis son plus jeune âge et tout au long de sa vie. Une telle société ne peut se mettre en place que si elle est servie par des fonctionnaires zélés et obéissants.
Nous ne pouvons accepter que des enseignants puissent être sanctionnés dans leur parcours professionnel, au motif qu’ils sont trop exigeants quant aux questions de droits et d’éthique.
Le CNRBE soutient donc pleinement Mmes Murielle MATHY, Anabelle VILELA et M. Nicolas SIMONE dans leur exigence concernant la protection des données relatives aux enfants, collectées dans le cadre de leur scolarité, et demande à l’Inspecteur d’Académie de reconsidérer sa décision concernant ces trois candidats à la fonction de directeur d’école. Le collectif soutiendra toute démarche de recours et saisie du tribunal administratif par les intéressés.
(1) Pour un résumé des principaux griefs à l’égard de ce fichier, consulter le dernier tract du CNRBE (version PDF).