« L’expérience montre, en effet, que partout et toujours le gouvernement, quelque populaire qu’il ait été à son origine, s’est rangé du côté de la classe la plus éclairée et la plus riche contre la plus pauvre et la plus nombreuse ; qu’après s’être montré quelque temps libéral, il est devenu peu à peu exceptionnel, exclusif ; enfin qu’au lieu de soutenir la liberté et l’égalité entre tous, il a travaillé obstinément à les détruire, en vertu de son inclination naturelle au privilège. » - Proudhon
Lendemain d’élections et toujours les mêmes critères de mesures. Des chiffres qui ne disent qu’une seule chose : tu as gagné ou tu as perdu. Ainsi pour le front de gauche dont la victoire ou la défaite ne peut s’apprécier de cette façon. Notre projet n’a jamais été de gagner ou de perdre, sinon l’intitulé aurait été autre que l’humain d’abord. De cet intitulé découle un ensemble de valeurs, et la seule victoire possible est de les faire vivre. Accéder au pouvoir n’est donc qu’un moyen, mais surtout un moyen parmi d’autres et certainement pas la finalité de notre action. S’il s’agissait de seulement de prendre le pouvoir, il n’aurait jamais été question d’une campagne d’éducation populaire visant à éveiller les consciences.
L’humain d’abord, c’est donc bien ça : que chacun puisse prendre conscience qu’il n’est pas seul au monde mais qu’il y a d’autres personnes autour de lui et que nous vivons sur une planète appelée Terre, dans un système solaire où le soleil nous apporte au quotidien de sa lumière et un peu de chaleur. Tous ces cadeaux de la nature sont redistribués sans distinction et n’appartiennent qu’à l’humanité. Ainsi doit il en être du sol et de ses ressources naturelles. Ainsi doit il en être des ressources humaines qui ne peuvent coopérer que pour l’édification d’une oeuvre qui bénéficiera à l’humanité toute entière et non à quelques uns au détriment des autres.
C’est cet esprit hérité des Lumières qui ont par leur pensée éclairé une multitude d’êtres sur l’incohérence des inégalités et des rapports de domination qu’en réalité rien ne peut justifier. Ni intelligence, ni talent, ni beauté apparente... ne peuvent être le miroir dans lequel se reflètera le narcisse dominateur qui sera plus riche et tirera profit de l’autre. C’est donc cet esprit qui s’est traduit par cette phrase : « tous les hommes naissent libres et égaux » et dans ces valeurs : « liberté, égalité, fraternité ».
Lorsque nous sommes fiers d’être français, c’est à cet héritage humaniste et universaliste que nous faisons référence, pas à autre chose. La haine de l’autre, l’inégalité, l’injustice ne pourront jamais restituer quelque fierté à « qui » que ce soit où alors ce « qui » est si stupide qu’il n’a rien compris. Mais pourtant c’est à tous ces « qui » que la campagne s’adresse mais aussi à tous ces « quoi ».
Ces « quoi » ? Appelons ainsi tous ceux qui disent que c’est comme ça et qu’on ne peut rien y faire ou que la politique n’est que l’affaire de quelques uns et que de toute façon ce sont toujours les mêmes et rien ne change ? Bref, ceux qui ont baissé les bras avant même de les avoir levés, une véritable force d’inertie qui ne sert rien d’autre que le contraire de ce qu’elle prétend, laissant la porte ouverte à la dérive autoritaire et xénophobe que nous avons pu vivre.
A chaque fois que je distribue des tracts et que j’entends ces phrases qui sortent pourtant souvent de la bouche de jeunes qui devraient être pleins d’énergie et penser que la vie étant devant eux, il leur appartenait de la construire, je repense à cette phrase de Machiavel : « la meilleure forteresse des tyrans, c’est l’inertie du peuple ». Alors je me dis quel dommage, si jeunes, ils pensent être en révolte mais la seule révolution à laquelle ils participent est celle qui permet la casse des acquis sociaux et une redistribution toujours plus inégalitaire. Mais déjà le rouleau compresseur de la fabrique de l’opinion leur a dit que la politique c’était nul alors que la politique c’est l’organisation de la société selon des lois qui régissent notre vie quotidienne.
En quoi y a t’il une honte à s’intéresser à ça ? Ou à simplement en parler. Le sujet est devenu tabou, il est correct de se plaindre des problèmes liés au coût de la vie, à la précarité.... mais dès qu’on essaie d’aborder la solution qui ne peut être que politique puisqu’elle seule a le pouvoir de légiférer on se trouve mis de côté par des « arrête avec ta politique ».
Alors oui face à cette anesthésie générale, il est nécessaire de mener un campagne d’éducation populaire. Une campagne qui s’inspire de Condorcet qui affirmait « Tant qu’il y aura des hommes qui n’obéiront pas à leur raison seule, qui recevront leurs opinions d’une opinion étrangère, en vain toutes les chaînes auraient été brisées, en vain ces opinions de commandes seraient d’utiles vérités ; le genre humain n’en resterait pas moins partagé entre deux classes : celle des hommes qui raisonnent, et celle des hommes qui croient. Celle des maîtres et celle des esclaves ».
Si l’Eglise ne manipule plus les masses en les empêchant de raisonner et en leur donnant des réponses toutes faites, les médias ont pris le relais. A qui appartiennent ils ? Peuvent-ils servir un intérêt contraire à ceux qui les possèdent. Noam Chomsky nous démontre la triste réalité de cette manipulation des esprits dans « La fabrique du consentement ».
Revenons donc au résultats des élections et utilisons d’autres instruments de mesures. Par exemple : pensons au roms et aux enfants des sans papiers. Les premiers délogés tôt le matin puis charterisé et les seconds servant d’appât pour attraper la famille toute entière parce que leurs parents, rêvant d’un avenir pour leurs enfants les avaient envoyés à l’école, arrétés, placés en centre de rétention puis charterisé.
Allons-nous encore assister à des actes aussi odieux ? Il semble que non et c’est pour nous une victoire.
Le coup de pouce au SMIC, même s’il ne correspond pas à nos exigences est lui aussi une victoire, de même que la modification du taux d’imposition de l’impôt sur le revenu....
Ne pas être élu est peut être une défaite mais la victoire est ailleurs et chaque pas en avant compte lorsqu’on voit tout ce sur quoi nous avons reculé au cours des décennies passées.
Cette campagne d’éducation populaire ne fait que commencer mais comme toute forme d’éducation, elle se doit d’être permanente et ce n’est qu’à ce titre que chacun pourra vaincre l’inertie qui le constitue pour ouvrir les yeux, regarder l’autre, prendre conscience qu’il existe et qu’il partage le même quotidien. Alors chacun comprendra que si on se donne la main et qu’on est solidaire l’utopie n’est pas qu’un rêve, elle est la réalité de demain, et demain est un futur proche.
Ali HAMNACHE