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L’appel du 3 avril 2010 pour la libération d’Ali Aarrass

Le 1er avril 2010, il y aura exactement deux ans qu’Ali Aarrass, Belgo-Marocain, a été incarcéré dans une prison espagnole (à Madrid, puis à Badajoz et enfin à Botafuegos à Algeciras) en attendant une décision sur son extradition vers le Maroc pour "terrorisme" .

L’arrestation

En février 2008, les autorités marocaines ont arrêté 35 personnes et annoncé le démantèlement du "réseau terroriste dirigé par Abdelkader Belliraj" . Suite à cette opération, des arrestations ont eu lieu dans différents pays européens.

En Belgique, 11 personnes ont été arrêtées suite à un mandat d’arrêt international et à une demande d’extradition venant du Maroc. Sur ces arrestations, le Rapport annuel de la Sûreté d’État belge (2008) dit ceci : « Le 27 novembre 2008, en Belgique, douze perquisitions ont été menées et onze personnes interpellées dans le cadre d’une enquête pénale ouverte par le parquet fédéral contre X pour participation, sur le territoire belge, à des activités de la mouvance terroriste autour de Belliraj ».

En Espagne aussi, suite aux mêmes mandats d’arrêt et demandes d’extradition marocains, des arrestations ont lieu. Le 1er avril 2008, le Belgo-Marocain et Bruxellois Ali Aarrass et l’Espagnol Mohamed el Bay sont arrêtés à Melilla, l’enclave espagnole sur le territoire marocain. Sur les raisons de leur arrestation, le journal Libération du 25 avril 2008 écrit : « Les deux individus sont accusés d’introduire des armes au Maroc en provenance de Belgique ; l’un d’entre eux pourrait être en rapport avec les attentats de Casablanca du 16 mai 2003 ». Et Amnesty International Espagne : « Ali Aarrass et Mohamed el Bay sont tous les deux recherchés au Maroc pour des infractions liées au terrorisme et sont accusés d’appartenir à un réseau terroriste dirigé par le ressortissant belgo-marocain Abdelkader Belliraj.... » (AI, déclaration du 21 avril 2009).

Les demandes d’extradition

la Belgique refuse….
Dans les mois qui suivent les arrestations en Belgique et en Espagne, des tribunaux vont se prononcer sur la demande d’extradition des personnes arrêtées. La Cour d’Appel de Bruxelles se prononce contre l’extradition en déclarant qu’il s’agit clairement d’une demande d’extradition de la part du Maroc pour des "raisons politiques" . La Sûreté de l’État belge ajoute : « Parmi les détenus, aucun ne sera finalement extradé, les éléments communiqués par les autorités marocaines n’ayant pas été jugés pertinents. » (Rapport annuel 2008)

l’Espagne accepte…
En Espagne, la même affaire prend une tout autre tournure.

La justice espagnole et le juge d’instruction Baltasar Garzon vont d’abord établir qu’il n’y a PAS de fondements pour les accusations contre Ali Aarrass. Amnesty International écrit : « Ali Aarrass a fait l’objet d’une information judiciaire ouverte en 2006 par l’Audience nationale pour des infractions liées au terrorisme mais, le 16 mars 2009, cette juridiction l’a provisoirement close en raison de l’insuffisance des éléments de preuve... » (AI, 21 avril 2009).

Ensuite, coup de tonnerre. Malgré la mise hors de cause d’Ali, le tribunal espagnol accepte la demande d’extradition du Maroc. En l’attendant, il reste en prison en Espagne. Suite à ce jugement, Ali entreprend une grève de la faim de 2 mois pour clamer son innocence, contester ses conditions de détention et s’opposer à son extradition. Maître Nayim, l’avocat d’Ali Aarrass, déclare lors d’une conférence de presse le 25 mars 2009 : « La décision d’envoyer Ali Aarrass au Maroc est une contradiction. Elle rompt avec le principe juridique selon lequel on ne peut juger une personne deux fois pour le même fait. Comment peut-on extrader une personne qui a déjà été jugée en Espagne ? Il faut libérer mon client ».

Très vite, un large mouvement de solidarité s’oppose à son extradition. Amnesty International (Espagne) lance l’appel suivant : « Exhortez les autorités à ne pas extrader Ali Aarrass ni Mohamed el Bay vers le Maroc, car ils risqueraient d’être détenus au secret, de subir des actes de torture et d’autres mauvais traitements, ainsi que d’être victimes d’un procès inique » (21 avril 2009).

Le président de Melilla, Juan José Imbroda, et son gouvernement local dirigé par le Partido Popular (PP), la Coalition pour Melilla, le parti le plus important de l’opposition, la Commission islamique, l’Association « Inter Culture »…. se sont tous unis pour s’opposer à cette extradition. Abderraman Benyahya, le porte-parole de la commission islamique déclarait que les autorités espagnoles n’auraient jamais accepté cette extradition "si l’accusé n’avait pas été musulman. ». En Belgique aussi, des centaines de personnes vont se mobiliser pour son cas en participant à un rassemblement dans le centre de Bruxelles, en écrivant aux ministres espagnol et belge et en signant des pétitions.

La torture au Maroc : des preuves accablantes.

Pour les observateurs indépendants et les organisations des Droits de l’Homme, la campagne antiterroriste de la dernière décennie au Maroc a compromis les réformes démocratiques dans lesquels le Maroc s’était engagé. Certains disent que "les années de plomb" , les années les plus sombres du régime de Hassan II, sont de retour. Voici ce que note Mustafa Soulaih, membre de la Commission arabe des droits humains, : « Le Royaume du Maroc continue à être à la tête de la liste des pays dans lesquels la corruption et la répression des libertés d’expression et d’opinion sont le plus répandues et où la justice n’est pas indépendante et les fonctionnaires de l’Etat jouissent de l’impunité. Et malgré le non-respect de ses engagements, surtout dans le domaine des droits de développement social, économique, culturel et environnemental, le Maroc reste, après presque dix ans, le seul pays qui adopte encore une soi-disant loi antiterroriste et l’utilise pour la poursuite d’individus, groupes ou autres opposants pris en otage et soumis à contrôle, enquête, détention provisoire, emprisonnement, filature, ou d’autres formes de surveillance rapprochée (ce qui pourrait durer aussi longtemps que les décideurs politiques et financiers, ainsi que leurs alliés internationaux, le désirent). » (Rapport d’observation du procès des « Six détenus politiques » au Maroc ( Affaire Belliraj ) 10 décembre 2009, page 10).

Torture après les attentats de Casablanca

Selon Amnesty International, après les attentats de Casablanca de 2003, « environ 1500 personnes ont été arrêtées, des centaines d’entre eux ont été sévèrement torturées, mais leurs plaintes n’ont pas été prises au sérieux par les autorités marocaines.. » (Document - España. Temor de devolución/temor de tortura. Ali Aarras, Mohamed el Bay)

Torture dans le procès Belliraj

Le procès Belliraj en cours au Maroc a confirmé mot par mot les craintes d’Amnesty International . Violette Daguerre de la Commission arabe des Droits Humains : « ...la Cour n’est pas parvenue, malgré un an et demi d’audiences successives, à prouver une quelconque accusation à l’encontre de ces prisonniers, dont M. Abdelkader Belliraj,... et certains des prévenus ont fait l’objet de poursuites pour le simple fait d’avoir eu des relations avec lui... Les prévenus ont insisté devant la Cour, qu’ils ont été soumis à des interrogatoires musclés et des aveux obtenus sous la torture au centre secret de la police politique de Temara... »

Sur le traitement qu’il a subi, Abdelkader Belliraj écrit dans une lettre du 8 février 2010 : « Concernant la torture dans mon cas je souligne ce qui suit : pendaison par les pieds, tête vers le bas, pendaison pieds vers le bas, tout en étant dénudé complètement ou parfois en gardant le slip, fouetté par une cravache, ou un bâton crochu sur l’ensemble du corps. Coucher la victime sur le ventre tout en lui infligeant le fouet et le bâton sans parler des coups de pied et autres. La même opération couché sur le dos avec des décharges électriques. Ce calvaire a duré un mois et demi, les yeux bandés et les mains liées. Les PV sont rédigés par les services secrets en français, le rôle de la police judiciaire est de les traduire du français à l’arabe pour qu’ils soient soumis au juge d’instruction. Et pour fermer la boucle, elle fournit ces documents avec l’enseigne de son service et les signatures soutirées des victimes de force. Tout ce passe dans le goulag, car ce pays cache ses goulags. Il n’y pas de service de sécurité dans ce pays, il y a des chasseurs de primes et des receleurs de dossiers. » Tous les avocats dans l’affaire Belliraj (35 inculpés pour "terrorisme" ) viennent de décider de se retirer du procès. Ils veulent ainsi protester contre son déroulement et contre le refus du tribunal de vérifier les plaintes sur les tortures dont leurs clients ont été victimes. Tous les inculpés entameront une grève de la faim à partir de lundi 22 mars.

Même la Sûreté d’État belge parle d’un procès non basé sur des faits : « Bien qu’elle ait eu vent de liens entre certains de ces individus, la Sûreté de l"Etat n’a cependant jamais été en possession d’éléments attestant leur implication commune dans une quelconque activité liée au terrorisme ou permettant d’établir un lien entre l’un d’eux et les six meurtres "belges" reprochés à ce réseau. Les éléments avancés par le Maroc n’ont donc pas permis de démontrer de manière indiscutable l’existence d’un réseau et l’implication de celui-ci dans six meurtres en Belgique ». (Rapport annuel 2008)

Torture des suspects en route pour Guantanamo.

Depuis le 11 septembre 2001, le Maroc, avec d’autres pays, (a) fait partie du réseau de détention secret mis sur pied par les Etats Unis. Le Maroc a servi incontestablement comme centre de torture pour ce pays et pour la Grande-Bretagne pour leurs suspects terroristes en route pour Guantanamo. Dans son dernier livre "The rules of the Game" , Asim Kureshi, le spécialiste juridique de Cageprisoners écrit : « Des milliers de suspects terroristes ont été mis en détention pendant les derniers sept années. Beaucoup d’entre eux ont été envoyés à des pays comme la Syrie, la Jordanie, l’Egypte, le Maroc et autres endroits inconnus… C’est un des aspects les plus inquiétants du réseau global de détention. »

Les noms de Binyam Mohammed Al Habashi (nationalité britannique), Abou Elkassim Britel (nationalité italienne), Farid Hilali (marocain, résidant en Grande Bretagne)… sont autant de témoins de l’"outsourcing de la torture" de la part des pays occidentaux vers le Maroc.

La Belgique doit protéger son ressortissant.

Devant le tribunal Ali Aarrass a invoqué sa nationalité belge pour s’opposer à son extradition mais le tribunal a rejeté son argument. Jusqu’à aujourd’hui, la Belgique n’a pris aucune initiative pour protéger son ressortissant contre la menace d’une extradition vers un pays qui pratique la torture, ni pour veiller sur ses conditions de détention.
Ali Aarrass a vécu 28 ans en Belgique, il y a fait son service militaire. A Bruxelles, il était bien connu et respecté. Yacob Mahi, membre du Conseil des théologiens de l’Exécutif des Musulmans de Belgique, déclarait à son propos : « Je l’ai connu comme libraire sur la Chaussée de Gand. C’était un garçon très calme et très gentil. Il vendait des livres islamiques, mais pas des textes à commettre des actes terroristes. En plus, un libraire n’est pas responsable du contenu des livres qu’il vend. »

La Belgique viole la Convention européenne des droits de l’Homme si elle n’intervient pas.

Dans la session plénière au Sénat le 4 mars dernier, Hugo Vandenberghe, sénateur (CD&V) et professeur en droit à l’université KUL s’opposait au transfert de dossiers belges au Maroc dans le cadre du procès Belliraj : « Si l’État belge transfère des dossiers à des États dont il n’a pas la garantie qu’un procès peut s’y dérouler de manière équitable et impartiale, il est complice de violation de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Cette disposition trouve son origine dans l’affaire Söring et donc dans le débat relatif à l’extradition vers des États appliquant encore la peine capitale. La jurisprudence a encore évolué depuis lors. » Très juste, mais ce qui est vrai pour les dossiers et les papiers, n’est-ce pas encore beaucoup plus vrai pour des êtres humains ?

La Belgique doit intervenir auprès de l’Espagne.

La décision finale sur l’extradition d’Ali Aarrass est dans les mains du Conseil des ministres espagnol. Notre ministère de la Justice peut donc facilement s’adresser à son collègue espagnol. En plus, la Belgique assurera la Présidence de l’Union européenne du 1er juillet au 31 décembre 2010.

Il faut une initiative parlementaire belge.

Nous appelons les parlementaires belges à prendre une initiative pour Ali Aarrass en lui rendant visite et en exigeant sa libération, suivant ainsi l’exemple des 62 parlementaires et 12 eurodéputés italiens qui ont pris la défense de Abu Elkassim Britel , le « Ali Aarrass italien » détenu au Maroc.

Reconnu innocent mais 2 ans en prison,
ça suffit !
Ali Aarrass doit être libéré !

Luk Vervaet

envoyez vos signatures à 
vervaetluk@gmail.com

premiers signataires de l’Appel du 3 avril pour la libération d’Ali Aarrass

Luk Vervaet, ’Prison Monitor’- Assoc des Familles et Ami(e)s des Prisonniers ;
Violette Daguerre, présidente de la Commission arabe des Droits Humains ;
Farida Aarrass, la soeur du détenu ;
Michèle Save, présidente de la Fédération Internationale pour le Développement, la Paix et la Solidarité ;
Cristina Gay, Une Autre Gauche ;
Eric Hulsens, professeur en communication et journalisme ;
Fidia Bouganzir, employée ;
Ginette Bauwens, philosophe ;
Souhail Chichah, économiste, ULB ;
Nordine Saïdi, porte-parole Egalité, Mouvement Citoyen Palestine ;
Tamimount Essaïdi, échevine de la Solidarité de la Commune de Schaerbeek ;
Aurélie Verheylesonne, avocat ;
Céline Caudron, porte-parole LCR-SAP ;
Dounia Alamat, avocat ;
Olivia Zemor, présidente europalestine Paris ;
Daniel Vanhove, Observateur civil & auteur ;
Nadia Boumazzoughe, citoyenne engagée Belgo-Marocaine ;
Aude Boesmans, membre du CLEA ;
Fouad Ahidar, parlementaire buxellois et conseiller communale ;
Mireille Péromet, enseignante retraitée ;
Bahar Kimyongür, ex-détenu politique belgo-turc ;
Chris Den Hond, journaliste ;
Lirije Hajdinaj, citoyenne militante ;
R. Belliraj, épouse d’Abdelkader Belliraj ;
Paul-Emile Dupret, juriste au Parlement européen, groupe GUE/NGL
Patrick Mac Manus, porte-parole Rebellion/Denmark ;
Frank Roels, prof emer. Ghent University ;
Michel Collon, écrivain et journaliste ;
Manuel Lambert, conseiller juridique Ligue des droits de l’Homme ;
Julie Kesteloot, citoyenne belge ;
Mouedden Mohsin, acteur associatif ;
Denise Comanne, administratrice déléguée du CADTM (Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde) Belgique ;
Pierre Reynaert , fonctionnaire ;
Yacob Mahi, Islamologue ;
Walter Bauwens, gepensioneerd ;
Jan Dreezen , Coodination Boycott Israel COBI ;
Denise Vindevogel, cinéaste ;
Houria Bouteldja, porte-parole du PIR, France ;
Herman De Ley, prof.ém. Univ. Gent ;
Lydia Deveen - De Pauw, em.prof., voormalig staatssecretaris-senatrice ; ancienne secrétaire d’état et sénatrice ;
Daniel Dekkers, citoyen belge ;
Hamsi Boubeker, artiste polyvalent ;
Nadia Fadil, sociologe, KUL ;
Omer Mommaerts, militant ACV-CSC Brussel ;
Vinciane Cappelle , employée et militante ;
Sarie Abdeslam, La revue de presse hebdomadaire Dounia News
Jean Bricmont, physicien ;
Karim Hassoun, président Ligue Arabe Européenne (AEL) Belgique ;
Malika Hamidi, doctorante Paris ;
Van Opstal Aurore, étudiante en sciences politiques et membre d’Investig’Action ;
Ludo De Brabander, stafmedewerker Vrede vzw ;
Annie Goossens , traductrice retraitée ;
Driss Buzzamaz, ingénieur ;
Nadia Farkh, citoyenne engagée ;
Ahmed Ouartassi, échevin des Sports, Affaires Sociales et Extrascolaire ;
Omar Jabary Salamanca, universiteit Gent
Abdellah Boudami, étudiant en science politique,membre du collectif Investig’Action ;
Nathalie Preudhomme, enseignante ;
Fatima-Zohra Hdidouan, comptable ;
Olivier Mukuna, journaliste et écrivain ;
Dominique Waroquiez, enseignante et militante ;

Franck Dozet, en recherche d’emploi ;
Karima El Mouzghibati, juriste ;
Yamina Bounir, acteur associatif et citoyenne Belgo-Marocaine ;
Fouad Lahssaini, député fédéral Groupe Ecolo-Groen ! ;
Hugues Michenaud, sans profession ;
Jean Flinker, membre d’Attac-Bruxelles et du CLEA ;
Joris Note, schrijver/écrivain ;
Claude Zylmans, libraire-conseil ( Bruxelles) ;
Mona Daumal, formatrice en langues ( France) ;
Jan Busselen, PVDA ;
Faouzia Bensalem, journaliste ;
Joaquim Da Fronseca, citoyen ;
Lieven De Cauter, filosoof, schrijver en kunsthistoricus ;
Ouardia Derriche, ex vice-présidente de la ligue des droits de l’homme ;
Nadine Rosa-Rosso, enseignante ;
Anja Hermans, journaliste/activiste ;
Léon Gosselain,conseiller communal honoraire à Ath ;
Riduan El Afaki, acteur associatif engagé ;

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