Ce que les spectateurs lambda des médias, tout à leurs émotions ou à leurs préjugés, ne comprennent pas, c’est que même avec des témoignages vécus et des images authentiques (ce qui est loin d’être toujours le cas), on peut fabriquer un récit qui relève entièrement de la fiction. C’est pourquoi le devoir d’information est si périlleux. L’actualité étant l’histoire en train de se faire, le texte journalistique court toujours les mêmes risques que l’écriture de l’Histoire elle-même, dont on sait à quel point elle peut être trafiquée, car les "traces" indéniables que laisse le réel, ne prennent sens que dans un récit d’ensemble.
Il suffit de changer les proportions entre les différents témoignages ou de pilonner l’information avec des images unilatérales, (le nombre devient alors accablant), ou de choisir de façon orientée la date par laquelle débute le récit : le début de celui-ci devient artificiellement l’origine de tout le reste, comme la Bible pour les sionistes : ou au contraire, ce début ignore ce qui a précédé, et masque ainsi les responsabilités premières - comme les bases de l’OTAN encerclant de partout la Russie. Moyennant quoi, à coup d’Ukraine, de Syrie, d’espionnage informatique et de sportifs dopés, on prépare l’opinion à une guerre ouverte contre ce pays, avec lequel nous avons tout intérêt à rester en paix. Quand on voit "l’ennemi de la finance" prendre les devants pour réclamer des sanctions, c’est encore à lui que l’on fait confiance ?
il suffit aussi d’adopter un point de vue "moral" qui dissimule les intérêts objectifs des différents agents (tout récit implique une échelle de "valeurs" au nom desquelles il prétend parler), ou encore de masquer les injustices et les conflits de classe en choisissant de façon unilatérale ce qui est ou non pertinent pour l’établissement des "faits" et leur appréciation ; ainsi Christine Lagarde, "une des femmes les plus puissantes du monde", accusée de "négligence" (et non de prévarication), est noblement acquittée, tandis qu’un voleur de pain ou des syndicalistes sont condamnée à de la prison ferme.
Hannah Arendt, qui nous apprend à "Penser l’événement" (titre d’un recueil de ses articles en tant que journaliste), et Chomsky, en démontant "La Fabrication du consentement. De la propagande médiatique en démocratie", sont de bons contre-poison ! Les jeunes (ou moins jeunes) journalistes, pressés par le temps et d’abord soucieux de l’effet à produire, omettent de vérifier la fiabilité de leurs sources, dont la pluralité dissimule l’uniformité et la main-mise du propriétaire ; d’autres s’octroient le droit de "pontifier" au nom d’une expérience qui reste subjective, en s’autorisant seulement quelques "fausses fenêtres" pour donner l’impression d’un récit objectif. Les uns et les autres se laisser imprégner par l’idéologie dominante, qui "domine" bel et bien le paysage médiatique, et imprègne l’esprit Chiencepot (ce n’est pas de moi, mais c’est rigolo). Il y a ainsi un Axe du mal et un Axe du bien, toujours les mêmes, et comme le voleur crie au voleur, c’est maintenant la désinformation qui crie à la désinformation. Pardon pour ces trop longues explicitations, d’autant qu’elles sont inspirées par un texte qui n’en avait pas besoin !