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Je suis un débile qui n’a rien compris à 1968

Je n’ai pas fait Mai 68. J’en aurais presque eu l’âge. Que dis-je presque ? Je suis sûr que des gens plus jeunes que moi ont fait les barricades. Moi non. D’abord, dans le recoin des Pyrénées où je suis né, il n’y avait pas de barricades. Les routes n’étaient pas pavées, et certaines n’étaient même pas encore goudronnées, ou alors, très récemment. Pas de pavés, pas de barricades, et pas de plage dessous.

Ensuite, j’étais à l’époque ce qu’il faut bien appeler une friche. Dans énormément de domaines, même si j’avais officiellement un niveau scolaire tout à fait correct. Certes une friche agricole, là-bas, c’est bien le moins qu’on puisse faire ! Une jachère en quelque sorte. Dès que je me suis un peu défriché et que j’ai commencé à semer, ça a poussé. Le terrain était bon. Rien à voir avec les gosses qui sortent de nos jours de l’école sans rien et qui s’apparentent plutôt à des friches industrielles, polluées à souhait, ne pouvant plus produire que broussailles et déchets toxiques.

Je vivais un peu en dehors du monde, n’ayant tout simplement pas les moyens de voyager ni de sortir beaucoup. On n’avait pas la télé à la maison. Quand on voulait voir quelque chose, on allait au bistrot du patelin où, pour un café, on restait toute la soirée, ou tout l’après-midi les jours de match du tournoi des cinq nations, devenues six depuis.

Je vivais aussi en dehors du monde car affligé d’une timidité poussée jusqu’à la maladie mentale. Je n’étais pas seulement paralysé face aux jolies filles, je n’osais pas non plus me renseigner sur les choses qu’on n’apprenait pas à l’école, le sexe, bien sûr, mais aussi, pour ce qui nous intéresse ici, la politique. Et j’avais beau être seulement à moitié con, je ne pouvais pas tout deviner tout seul.

Et je n’étais pas aidé, c’est le moins qu’on puisse dire. Si par hasard j’osais dire quelque chose, c’était généralement faux et justement ceux qui auraient dû m’aider, me détromper, m’enseigner, mes aînés, trouvaient plus amusant de se foutre de ma gueule et de me laisser dans ma merde.

La lecture des journaux disponibles à la maison, la Dépêche du Midi et autres Paris Match, ne m’aidait pas non plus beaucoup. D’autant que ma façon de lire était assez superficielle car je n’aimais pas beaucoup ça, même si ma faiblesse en math et la prétention familiale à ce qu’on fasse des études m’avaient orienté en section soi-disant littéraire, appelée « A » à l’époque. J’ai fini par faire une carrière de prof, une anti-carrière plutôt, en regrettant toute ma vie, et encore aujourd’hui à l’entrée de la vieillesse, de n’avoir pas appris ce que j’appellerai toujours un vrai métier, dans le bois ou la mécanique.

Bref, à dix-sept ans, j’étais pour ainsi dire un analphabète de la vie en général et de la politique en particulier.

Pourtant, j’ai eu du nez.

Quand Mai soixante-huit est arrivé, je ne l’ai tout simplement pas pris au sérieux. Et pour de tout autres raisons, j’en suis heureux aujourd’hui. En ce qui concerne le soixante-huit intellectuel, bien sûr. Pas le soixante-huit syndical, que j’ai compris plus tard.

En ce temps là, comme on dit dans l’Evangile auquel on réussissait encore à me faire croire, j’ai vu arriver les prophètes de la révolution comme j’avais, depuis mon enfance, vu certains citadins, tous plus ou moins considérés comme des Parisiens, qui, dès qu’ils arrivaient dans nos campagnes, n’égorgeaient personne, ni fils ni compagnes, mais semblaient vouloir civiliser le paysan. Du paysan, moi, il ne me manquait que la propriété foncière. Mais face à cette mentalité, j’étais volontiers de ceux qui scandaient : « Parigot tête de veau, Parisien tête de chien. » Je sais, vu de cinquante-cinq ans bien tassés plus tard, ça n’a pas l’air bien malin, mais il faut se reporter à l’époque.

Tout changeait terriblement vite dans les années 50 et 60, tant la technique que la culture. Les gens de mon âge ont vu, quand ils étaient gosses, les paysans travailler avec les bœufs, puis acheter leur premier tracteur, qui était chaque fois un événement. Quand l’orage menaçait, on prenait des fourches, nous les petits vacanciers, et on allait aider à charger la charrette. Certains disaient merci, d’autres rigolaient en nous demandant si on ne trouvait pas la fourche plus lourde que le stylo. Sauf que nous, nous tenions une fourche comme une fourche, alors que ces moqueurs auraient tenu un stylo... comme une fourche.

On avait écouté la radio du grand-père, un vrai meuble, en véritable bois d’arbre, puis on a emporté les premiers transistors aux champs ou dans nos promenades. Pas assez riches pour avoir possédé un phonographe à manivelle, nous avons écouté nos premiers disques en plein air sur un « Teppaz » à piles. Et quelle musique ! La fin de carrière de Tino Rossi s’y joignait aux débuts de Johnny Hallyday !

Evidemment, dans notre bon pays de France, toutes ces nouveautés, excepté les tracteurs, arrivaient d’abord à Paris, puis mettaient bien huit jours à atteindre la « Province », comme ils disent. Il n’était pas rare qu’il en faille même quinze pour qu’elles atteignent la campagne.

Cela suffisait pour que ces certains citadins qualifiés à tout hasard de Parisiens, se sentent très supérieurs quand ils arrivaient dans le bled dont leurs parents avaient encore parfois l’accent. Ils venaient chez les « ploucs » et s’étonnent encore aujourd’hui de s’être fait traiter de « Parigots ». Les Parisiens qui parlent aujourd’hui de racisme en se rappelant cela ont tout faux. Premièrement, c’était une défense justement contre ceux qui se croyaient de race supérieure. Deuxièmement, ceux qui n’avaient pas cette sale attitude n’avaient pas droit à l’appellation incontrôlée de « Parigots », en tout cas, on n’y ajoutait pas « têtes de veaux ».

C’est avec cette mentalité qui relevait plus de la légitime défense que de l’idéologie de haut niveau que j’ai vu arriver les soixante-huitards. Même si ceux-là venaient plutôt de Toulouse, proximité géographique oblige. Il apportaient la bonne parole révolutionnaire comme le curé du village faisait réciter le catéchisme. Or, si je croyais encore un peu en Dieu et autres foutaises, c’était grâce à (aujourd’hui, je dirais « à cause de ») l’aumônier du lycée, très branché Vatican II et autres « modernisations » de l’Eglise, qui aurait été un théologien de la libération s’il avait vécu en Amérique Latine, qui s’était baladé en civil avant que ce soit vraiment permis et qui se prononçait déjà pour le mariage des prêtres. On était quelques uns à aimer discuter avec lui et à l’écouter, même si par ailleurs, on savait par cœur « Les Bigotes » de Jacques Brel. Du fait de mon anti-carrière d’exilé, on s’est perdus de vue et je ne saurait dire si on est tous devenus athées. Moi, oui. Quant à ce curé, je ne sais pas s’il a trouvé Jean-Paul II insupportable ou s’il s’est laissé embobiner par lui et a tourné casaque comme l’immense majorité des chrétiens progressistes de l’époque. Je ne l’ai pas non plus revu depuis des décennies.

C’est dire que j’étais prêt à réagir comme je l’ai fait quand les gauchistes sont arrivés pour regarder de haut ceux qui n’avaient lu ni Marx, ni Lénine, ni Trotski, ni Mao, ni Gramsci, ni Bakounine ni tous ceux que j’oublie parce que je ne les ai toujours pas lus non plus. Toulousains, sans doute, mais dans ma tête, quand-même Parigots-têtes-de-veaux.

Et vu qu’ils citaient ces auteurs comme un témoin de Jéhovah cite la bible, ils avaient beau n’avoir que trois ou quatre ans de plus que moi, ils me rappelaient le curé de mon village, qui m’avait précédé de quatre-vingt-un ans en ce bas monde.

Comme on le vois, les raisons qui m’ont poussé à apprendre le billard au bistrot du coin au lieu de faire la révolution avec certains autres, puisque le lycée était fermé, ces raisons étaient très instinctives.

Mais même si elles n’étaient pas rationnelles, ces raisons, je leur sais gré de m’avoir évité de prendre une pantalonnade au sérieux.

Car depuis, j’ai quitté ma campagne, ce que je regrette, et j’ai appris deux ou trois choses, ce que j’apprécie.

Avec mon bac 1969, j’ai débarqué à Toulouse, en fac de lettres, et je me suis mis à fréquenter un tas de milieux, étudiant bien sûr, mais aussi occitaniste, culturel, en particulier le théâtre, et politique, divers, mais toujours à gauche, gauchistes, anars, cocos. Il m’est bien arrivé aussi, à l’occasion de l’une ou l’autre fiesta qui n’avait rien de politique au départ, de me rendre compte que j’étais tombé au milieu de réacs, voire de très réacs, carrément fachos. Je les évitais par la suite, même si ces rencontres ont eu l’utilité de me montrer de l’intérieur leur grande étroitesse d’esprit, et surtout, leur anti-humanisme crasse, dès qu’ils se croient entre eux.

Vis à vis des communistes, j’étais comme la plupart des jeunes Français des années cinquante et soixante, et contrairement à ce qu’il est de bon ton de raconter, j’avais appris pendant toute ma scolarité à les considérer comme de vrais bandits. La France du Général de Gaulle lisait Paris Match, France Dimanche, les romans de Guy des Cars, et n’avait absolument rien de marxiste.

J’écris cela en pensant à la prétention imbécile de Bernard-Henri Lévy qui raconte à qui veut l’entendre qu’il aurait démarxisiés la France vers 1977. Ce qu’il prend pour la France, ce sont les fils de bourgeois qui prolongeaient un peu leur crise d’adolescence en jouant aux marxistes en attendant de toucher l’héritage.

En 1968, moi, je n’étais pas capable de démasquer l’escroquerie politique, mais mon instinct anti-parigots ne m’avait pas trompé.

Et j’ai appris beaucoup plus tard que celui qui ne s’était pas trompé non plus, ce qui lui vaut une haine féroce des anciens combattants du Quartier Latin, c’est Georges Marchais.

Le trois mai, avant même qu’il n’y ait ces événements qui ont fait la gloire des gauchistes, il publiait un article dans lequel il racontait à l’avance leurs futures décennies de carrière au service du capitalisme. Parmi tous ces fils à papa qui jouaient à être plus à gauche que les communistes en ne tapant justement que sur les communistes, il en avait même repéré un qui se la jouait perso : Daniel Cohn Bendit.

En 2008, pour les quarante ans des événements, les micros et caméras se sont bien évidemment tendus complaisamment vers ce personnage et sa première intervention a été pour traiter Marchais d’ordure et d’antisémite. L’expression ainsi incriminée est « l’anarchiste allemand Cohn Bendit ». Or, en ce 3 mai 1968 (et avant, car la date d’écriture est forcément antérieure à la date de publication !), tout ce que savaient de ce Monsieur les rares personnes qui le connaissaient déjà, c’est qu’il était allemand et se réclamait plus ou moins de l’anarchisme. Mais, procès soi-disant antistalinien et néanmoins sans avocat oblige, cette expression est devenue antisémite dans l’histoire officielle.

Cela ne peut pas surprendre venant de Cohn Bendit. et vu le mépris que j’ai pour lui, cela ne me dérange pas non plus. Je dis souvent que les insultes, il faut les prendre pour d’où elles viennent.

Ce qui, par contre, m’a gonflé au plus haut point en ce printemps 2008, c’est la lâcheté des dirigeants communistes, du moins ceux qui se prétendaient encore tels. Ils ne m’ont hélas pas surpris non plus, car leur soumission aux roses-verts m’avaient fait quitter le parti déjà en 1999. Mais là, ils ont été en dessous de tout.

Car la réponse au sale petit Cohn était facile, évidente. Tellement évidente que dès le lendemain de cette diatribe je me suis mis sur Internet à la recherche de l’article incriminé. Je ne lisais pas l’Huma en 1968, je l’ai déjà dit, et en consulter les archives entre 1978 et 1998 quand on est provincial tendance rural, il n’en est pas question. Par contre en 2008, je m’attendais quand même à ce que les directions de l’Huma et du parti communiste mettent cet article en ligne.

Eh bien non ! Internet était plein de gloses cohnbenditesques imbéciles (Tiens, un pléonasme ! Il faudra que je corrige.) sur l’antisémitisme supposé de Marchais. On y trouvait aussi quelques contradictions timides par des militants communistes, mais d’article, point ! J’ai fini par le trouver, mais sur le blog personnel d’un jeune coco d’Istres, visiblement passionné d’histoire, du nom de Nicolas Maury.

Le plus triste, c’est que les Buffet, Hue, Laurent et autre Le Hyaric auraient certainement publié ce texte en se battant la coulpe, en portant la haire et en se flagellant à la discipline s’il avait contenu le moindre dérapage, si Marchais, parfois bien impétueux, s’était laissé aller à quelque méchanceté pas très utile.

Tout ce qu’on peut lui reprocher en sachant ce qu’on sait aujourd’hui, c’est sa foi du charbonnier dans la classe ouvrière. Plus tard, on s’est moqué de sa référence aux « masses populaires » qui relevait de la même foi. Alors que les dites masses ont toujours, dans l’histoire, prouvé leur connerie et leur capacité à se laisser manipuler. Mais en 1968, Marchais pouvait-il savoir que le prolo du vingt-et-unième siècle serait un gros beauf raciste perméable à toutes les démagogies de droite plus ou moins extrême ? Ce n’était pas du tout évident.

Car à l’époque, la classe ouvrière a su se mobiliser, et s’il reste quelque chose de 68, c’est bien ce que les intellos méprisent le plus et ce que les patrons s’acharnent à détruire : les avancées sociales obtenues par la grève des salariés, avec la CGT.

Il est de bon ton, dans les salons mais aussi, hélas, dans les colonnes de l’Huma, de gloser sur ce PCF et cette CGT qui n’auraient rien compris à 68. Et pourtant ! Quand les événements commencent-ils à être vraiment des événements ? Quand le parti et le syndicat s’en sont mêlés ! Car ceux que l’on traite de tout et en particulier de sectaires, ils ont appelé à la grève d’abord pour protester contre les brutalités de la police contre ces gauchistes qui ne pensaient qu’à taper sur le parti et la CGT. Mais c’étaient qui les sectaires pour l’histoire officielle ? Le parti et la CGT, bien sûr !

Et comme la situation était déjà très tendue dans les entreprises, entre autres à cause de salaires qui ne suivaient que de très loin une inflation à deux chiffres, la grève s’est durcie et a duré jusqu’au constat de Grenelle, surnommé « accords » par la même histoire officielle.

Si le PCF et la CGT avaient été aussi indifférents aux jeunes que ces mêmes jeunes devenus vieux l’ont raconté jusqu’à nos jours, ils n’auraient pas appelé à les soutenir, et mai 68 n’aurait été qu’une agitation étudiante un peu plus violente que les autres mais tout aussi oubliée. Et l’explosion sociale, inévitable, aurait eu lieu plus tard, probablement à la rentrée de l’automne.

Et puis, dites-moi : si la manière dont on présente les choses était vraie, les Geismar, Cohn-Bendit et autre Denis Kessler auraient fait depuis longtemps la révolution communiste en France, contre le PCF, puisqu’ils ont réussi à battre ce parti à plate couture, jusqu’à soumettre ses dirigeants, Buffet, Laurent, qui n’osent plus contester vraiment le système capitaliste, et Hue qui ne le conteste plus du tout.

Un de nos philosophes fondateurs a dit que la preuve du pudding, c’est qu’on le mange. Et la preuve que Marchais avait raison le 3 mai 68 de prédire aux gauchistes une carrière au service du capitalisme, c’est qu’ils ont fait carrière au service du capitalisme !

Si on écoute les soixante-huitards officiels, ils auraient fait faire à la France un bond sociétal énorme. On leur devrait la contraception, par exemple. Sauf que la loi date de 1967. On leur devrait la libération de l’avortement, sauf que cela s’est fait beaucoup plus tard, et sans eux.

Certes, De Gaulle et sa bande d’attardés avaient les deux pieds sur le frein en particulier en ce qui concerne la liberté sexuelle. Mais, autour de nous l’évolution allait bon train, en Europe de Nord, en Californie, et en France ça venait aussi, même si c’était plus lent.

C’est douloureux pour l’ego des soixante-huitards intellos, mais sans l’intervention des salariés à partir du 13 mai, il ne resterait rien d’eux !

Ma culture est surtout faite de chansons, ce qui me rend particulièrement méprisable pour ces bourgeois qui ont tout lu et rien compris. (Pas vrai : en réalité, ils ont tout compris, ils font ce qu’il faut pour que le bas peuple ne comprenne rien, et cela leur réussit.) Or, un jour, dans une émission de radio, j’ai entendu quelqu’un dire que 1968 était la seule révolution qui n’avait pas laissé de chanson emblématique, malgré les efforts désespérés de Claude Nougaro. Mais tout simplement parce que ce n’était pas une révolution. La chanson soixante-huitarde par excellence existe bien, seulement, elle date de 1966. Ce sont « Les Elucubrations d’Antoine ». Comme je l’ai déjà dit, les évolutions sociétales étaient déjà en route ! Et ce qu’ils allaient devenir, ces fameux soixante-huitards, Jacques Brel le chantait déjà avec pas mal d’exactitude en 1967, justement dans « Les Bonbons 67 », et la même année, un an avant les prétendus événements, Ferrat les traitait déjà de pauvres petits cons. Vingt ans plus tard, il leur retaillait un costard trois pièces cravate en chantant ces jeunes imbéciles devenus des vieux cons.

L’article de Marchais, quand je l’ai découvert en 2008, n’a fait que confirmer ce que les chansons m’avaient déjà appris.

Mais pour les deux ou trois personnes qui liront un jour cela, je resterai toujours un débile qui n’a rien compris à mai 68.

Fald

EN COMPLEMENT

DE FAUX RÉVOLUTIONNAIRES À DÉMASQUER G. Marchais

Comme toujours lorsque progresse l’union des forces ouvrières et démocratiques, les groupuscules gauchistes s’agitent dans tous les milieux. Ils sont particulièrement actifs parmi les étudiants. À l’université de Nanterre, par exemple, on trouve : les « maoïstes » ; les « Jeunesses communistes révolutionnaires » qui groupent une partie des trotskystes ; le « Comité de liaison des étudiants révolutionnaires », lui aussi à majorité trotskyste ; les anarchistes ; divers autres groupes plus ou moins folkloriques.

Malgré leurs contradictions, ces groupuscules – quelques centaines d’étudiants – se sont unifiés dans ce qu’ils appellent « Le Mouvement du 22 mars Nanterre » dirigé par l’anarchiste allemand Cohn-Bendit.

Non satisfaits de l’agitation qu’ils mènent dans les milieux étudiants – agitation qui va à l’encontre des intérêts de la masse des étudiants et favorise les provocations fascistes – voilà que ces pseudo-révolutionnaires émettent maintenant la prétention de donner des leçons au mouvement ouvrier. De plus en plus on les trouve aux portes des entreprises ou dans les centres de travailleurs immigrés distribuant tracts et autres matériels de propagande.

Ces faux révolutionnaires doivent être énergiquement démasqués car, objectivement, ils servent les intérêts du pouvoir gaulliste et des grands monopoles capitalistes.

Un des maîtres à penser de ces gauchistes est le philosophe allemand Herbert Marcuse qui vit aux États-Unis. Ses thèses sont connues. Elles peuvent être résumées de la façon suivante : les partis communistes « ont fait faillite », la bourgeoisie a « intégré la classe ouvrière qui n’est plus révolutionnaire », la jeunesse, surtout dans les universités, « est une force neuve, pleine de possibilités révolutionnaires, elle doit s’organiser pour la lutte violente ».

Bien entendu, les adeptes de Marcuse, chez nous, doivent tenir compte de la force, de l’influence du Parti Communiste Français, et de la combativité de la classe ouvrière. Mais tout en y mettant des formes, ils portent leurs coups contre notre Parti – et la CGT – et cherchent à mettre en cause le rôle fondamental de la classe ouvrière dans la lutte pour le progrès, la démocratie, le socialisme.

Les thèses et l’activité de ces « révolutionnaires » pourraient prêter à rire. D’autant qu’il s’agit, en général, de fils de grands bourgeois – méprisants à l’égard des étudiants d’origine ouvrière – qui rapidement mettent en veilleuse leur « flamme révolutionnaire » pour aller diriger l’entreprise de papa et y exploiter les travailleurs dans les meilleurs traditions du capitalisme.

Cependant, on ne saurait sous-estimer leur malfaisante besogne qui tente de jeter le trouble, le doute, le scepticisme parmi les travailleurs et, notamment, les jeunes. D’autant que leurs activités s’inscrivent dans le cadre de la campagne anticommuniste du pouvoir gaulliste et des autres forces réactionnaires. De plus, des journaux, des revues, des hebdomadaires – dont certains se réclamant de la gauche – leur accordent de l’importance et diffusent à longueur de colonnes leurs élucubrations. Enfin et surtout parce que l’aventurisme gauchiste porte le plus grand préjudice au mouvement révolutionnaire.

En développant l’anticommunisme, les groupuscules gauchistes servent les intérêts de la bourgeoisie et du grand capital.

Le Parti Communiste Français est le meilleur défenseur des revendications immédiates des travailleurs manuels et intellectuels. Il représente une force essentielle dans le combat pour éliminer le pouvoir des monopoles et lui substituer un régime démocratique nouveau permettant d’aller de l’avant dans la voie du progrès social, de l’indépendance nationale et de la paix. Il est le meilleur artisan de l’union des forces ouvrières et démocratiques, de l’entente entre tous les partis de gauche, condition décisive pour atteindre ces objectifs. Sans le Parti Communiste, il n’est pas de véritable gouvernement de gauche, il n’est pas de politique de progrès possible.

Mais notre Parti n’a pas comme seul objectif de lutter contre la malfaisance politique du pouvoir des monopoles et de lui substituer un authentique régime démocratique. Effectivement il lutte pour l’abolition du capitalisme et l’instauration d’une société socialiste où sera bannie à tout jamais l’exploitation de l’homme par l’homme. Pour une société qui réalisera l’entière égalité sociale de tous ses membres et où le but de la production ne sera plus le profit d’une petite minorité mais la satisfaction des besoins matériels et culturels de tous.

Pour atteindre ces objectifs, notre Parti Communiste fonde son action avant tout sur la classe ouvrière qui est la force sociale décisive de notre époque.

La grande mission historique de la classe ouvrière est de liquider le capitalisme et d’édifier le socialisme, seule société véritablement humaine.

Il en est ainsi parce que la classe ouvrière ne possède toujours aucun moyen de production, qu’elle est la classe la plus exploitée et, par conséquent, la seule classe véritablement révolutionnaire jusqu’au bout. Il en est ainsi parce que les conditions mêmes de développement de la production font que la classe ouvrière est la mieux organisée, la plus disciplinée et la plus consciente.

Les pseudo-révolutionnaires de Nanterre et d’ailleurs auront beau faire, ils ne changeront rien à cette réalité historique. D’ailleurs c’est bien la classe ouvrière qui a donné naissance au système socialiste qui libère l’homme de toute forme d’exploitation et d’oppression et assure progressivement la satisfaction de ses besoins matériels et culturels. Au système socialiste qui apporte tout son appui à la lutte des peuples pour leur indépendance nationale. Au système socialiste qui, par son exemple, convaincra toujours plus les travailleurs des pays capitalistes qu’il est de leur intérêt de s’engager dans la voie du socialisme.

Ces vérités élémentaires qui prouvent que le Parti Communiste Français est en France le seul parti révolutionnaire, dans le bon sens du terme, nous devons les rappeler énergiquement à ces pseudo-révolutionnaires. Nous devons leur rappeler aussi ces paroles d’Anatole France à l’adresse des intellectuels : « Pour combattre et vaincre nos adversaires, rappelez-vous citoyens que vous devez marcher avec tous les artisans de l’émancipation des travailleurs manuels, avec tous les défenseurs de la justice sociale et que vous n’avez pas d’ennemis à gauche. Rappelez-vous que, sans les prolétaires, vous n’êtes qu’une poignée de dissidents bourgeois et qu’unis, mêlés au prolétariat, vous êtes le nombre au service de la justice. »

Mais il est bien évident que nous ne confondons pas les petits groupuscules gauchistes s’agitant dans les universités avec la masse des étudiants. Au contraire, ceux-ci bénéficient de notre entière solidarité dans la lutte qu’ils mènent pour la défense de leurs légitimes revendications contre la politique désastreuse du pouvoir gaulliste dans le domaine de l’éducation.

Les étudiants ont besoin du soutien actif des travailleurs. C’est pourquoi ils doivent s’appuyer sur eux dans leur combat. Et la classe ouvrière a le plus grand intérêt d’avoir à ses côtés les étudiants en lutte pour leurs propres objectifs et pour ceux qui leur sont communs.

En effet, pour autant qu’elle a un rôle décisif à jouer dans la lutte pour le progrès, la démocratie et le socialisme, la classe ouvrière ne saurait prétendre y parvenir seule. Elle a besoin d’alliés. Les étudiants, la jeunesse en général, sont parmi ces alliés indispensables. C’est pourquoi il faut combattre et isoler complètement tous les groupuscules gauchistes qui cherchent à nuire au mouvement démocratique en se couvrant de la phraséologie révolutionnaire. Nous les combattrons d’autant mieux que nous ferons toujours plus connaître les propositions du Parti et sa politique unitaire pour le progrès social, la démocratie, la paix et le socialisme.

Georges MARCHAIS

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