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Israël : « Liquider » et « disperser », mots hébreux pour palestiniens, par Yitzhac Laor.





il manifesto, jeudi 29 juin 2006.


Deux registres linguistiques différents dominent l’hébreu quand il s’agit de la lutte palestinienne pour l’indépendance et de la guerre contre celle-ci : l’hébreu pur et l’hébreu brut. L’assassinat de palestiniens, par exemple, est appelé kishul par les médias israéliens ; c’est le mot hébreu pour « liquidation ». C’est un mot qui a été prédominant dans les violences de ces six dernières années, depuis qu’Israël, en novembre 2000, l’a institutionnalisé dans la presse : mediniyut hakhisulim, « la pratique des liquidations ». Depuis lors, il arrive que le mot khisul, liquidation, apparaisse en première page des tabloïds, ou dans les infos à la radio : od khisul be-aza, « une autre liquidation à Gaza ». Soit dit entre parenthèses, le même mot, khisul, est utilisé que ce soit pour l’extermination nazie des juifs en Europe, comme pour un magasin qui ferme, pour liquidation, justement.

L’hébreu est une langue très directe et sincère, son vocabulaire étant plutôt limité et tout au plus inventé ou réinventé pendant les cinquante dernières années. Malgré cela, khisul n’est pas un mot d’usage commun. C’est un mot dur, douloureux, et, en général, on ne l’utilise que dans un contexte spécifique. Il y a cependant un autre terme employé pour ce genre d’exécutions extrajudiciaires, qu’elles soient faites par des patrouilles en Cisjordanie, ou par des missiles à Gaza. En anglais, on le traduit par « assassinats ciblés », et c’est ainsi qu’on en a rendu compte au monde entier, ou du moins à toute cette partie du monde qui s’intéresse à notre petit lac de sang ; mais c’est une traduction très généreuse. Les concepteurs de ce vocabulaire spécial, l’anglo-israélien semi-officiel, sont en général des journalistes ; souvent de Ha-Aretz, ou immigrés des Etats-Unis, ou d’Angleterre, ou d’Afrique du Sud, le plus souvent des libéraux embarrassés par le cynique euphémisme officiel. En fait, si le terme de l’armée israélienne était traduit correctement, et si c’était fait avant le filtre opéré par cet anglais-israélien semi-officiel, il serait rendu par « dispersion ciblée », traduction littérale de sikkul memukad.

Les deux termes employés pour la tactique israélienne des assassinats ciblés, l’agressive et la pure, -« liquidation » et « dispersion ciblée »- proviennent de la même source : l’armée israélienne. Non seulement ces grands esprits vont de l’avant avec ces tactiques destructrices, que les israéliens continuent à sanctifier comme des tactiques militaires, mais c’est l’armée elle-même qui invente les deux façons de les représenter.

La première version, commune, brève, honnête, est connotée de violence mais aussi d’orgueil et donc de sûreté : le bras de l’armée israélienne est long, il va loin et peut frapper là où il veut. Comme s’il y avait de quoi s’en vanter : une armée parmi les plus puissantes du monde qui brutalise une très pauvre, très petite nation, privée d’armée et d’aliments sur un petit mouchoir de terre. La deuxième version, débarrassée de toute trace de violence, est le langage du juriste. Celui qui doit défendre la maudite conduite israélienne et couvrir le cul d’Israël sur différents fronts - sur le front national, sur le front international, sur le front historique, sur le front éternel. En d’autres termes, une instance morale. La Cour de Justice ne discute pas des liquidations, elle s’occupe plutôt des « dispersions ciblées ». Les philosophes ne se joindraient pas aux généraux pour écrire ensemble des traités en défense d’une telle stratégie, s’ils ne pouvaient la nommer du terme pur que l’armée a défini. En somme, ils défendraient la « dispersion ciblée », certainement pas la « liquidation », Dieu garde.

Evidemment, ce langage cache beaucoup de choses. C’est sa fonction : les généraux et leurs quelques aides ne se dépenseraient pas en vain pour tant de sensibilité linguistique. Et pourtant n’est-elle pas l’équivalente de l’autre expression, la brutale ? Et oui, c’est la même. Elle couvre le sang, et les larmes sont des philippiques chauvines de succès. Après tout, liquidation signifie que quelque chose a atteint son but. Donc, s’il s’agit de liquidation, comment se fait-il que nous en ayons toujours, continuellement, besoin ? Et c’est cela exactement que la langue essaie de couvrir. La vanité des homicides professionnels israéliens. Elle garantit une chose seule : que l’armée israélienne ne perdra jamais son rôle au centre de notre malheureuse vie.

Yitzhac Laor


- Source : il manifesto www.ilmanifesto.it

- Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio



Israël : Brèche dans la mythologie sioniste et interrogations sur l’identité, par Cinzia Nachira.

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- Peinture : Margari http://garcialonsomarga.allmyblog.com


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