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Impeachment au Brésil : le serpent de mer aurait-il appris à nager ?

Nous avons accompagné, après les élections présidentielles d’octobre dernier et durant cette première moitié de 2015, les efforts infructueux de l’opposition brésilienne pour mettre dehors la Présidente Dilma, en particulier par l’ouverture d’une procédure d’impeachment. Tout y est passé, le lynchage médiatique incessant, les manifestations contre « la corruption », qui semble être un fléau soudainement apparu avec le PT, et où fleurissaient les banderoles demandant le retour des militaires (et en anglais, s’il vous plaît) ; le procès lié à l’Opération Lava Jato, entreprise sophistiquée de démolition de la Petrobras, et ses fuites très sélectives et encore une fois dans une seule direction : le Gouvernement ; les gesticulations du candidat battu aux élections, Aécio Neves (dernière en date : un voyage calamiteux de quelques sénateurs de l’opposition au Venezuela, pour visiter les membres de l’opposition emprisonnés, qui a duré 5 heures en tournant au fiasco). Mais jusqu’à présent, l’opposition n’avait pas réussi à trouver de brèche juridique suffisamment solide (si je puis dire) pour mettre en place une procédure d’impeachment de la Présidente.

Cela a peut-être changé.

Il y a quelques jours, en effet, le TCU (Tribunal des Comptes de l’Union) a donné 30 jours à la Présidente pour s’expliquer personnellement sur des irrégularité constatées dans ses comptes de Gouvernement pour l’année 2014.

Quelles ont ces irrégularité ? Avoir pratiqué une sorte de « répropédalage fiscal » pour empêcher que des difficultés épisodiques causent de graves préjudices à des programmes sociaux comme La Bourse Famille, l’allocation chômage ou des subventions agricoles. Pour ce faire, le Trésor National aurait tardé à repasser des fonds à des institutions financières publiques comme la Caixa Econômica Federal, Banco do Brasil, le BNDS et d’autres parmi celles qui servent d’intermédiaires pour les paiements des dépenses du Gouvernement. Les institutions auraient réalisé les paiements sur leurs propres fonds et auraient été remboursées plus tard par le Gouvernement. Des procédés qui, selon le TCU, équivalent à des opérations de crédit, interdites par la Loi de Responsabilité Fiscale.

Le Gouvernement brésilien est actuellement sur la sellette. Sa politique d’austérité est très mal acceptée par les travailleurs. Des lois sont en cours d’adoption, comme la tertiarisation, qui détruit une bonne partie du Code du Travail. Des coupes sont faites dans tous les budgets et l’opposition surfe sur un mécontentement réel. Tous les gouvernements précédents ont pratiqué ce « rétropédalages fiscal », et l’on peut penser qu’en 2014, année électorale, le gouvernement du PT a encore moins échappé à la règle.

Pourtant, la lutte politique ne suffit plus à la droite brésilienne, qui s’est considérablement « vénézuélanisée » ces derniers mois. Comme pour son alter ego de Caracas, tous les coups sont permis. Et ne l’oublions pas : pour l’opposition, écarter Dilma du pouvoir n’est qu’une première étape. La seconde ; et peut-être la plus importante, étant donné l’épuisement du crédit de la Présidente actuelle, est d’empêcher l’ancien président Lula de se présenter aux élections de 2018. Il est en pleine forme, prêt pour la bagarre, comme il l’a montré au récent Congrès du PT, et sa popularité astronomique, s’il décide de se présenter, pourra le mener à nouveau au sommet du pouvoir.

Voici un article écrit par Tereza Crunivel, sur son blog, sur la procédure ouverte par le TCU, et le risque de procédure d’impeachment qui menace la Présidente Dilma.

Brésil : l’impeachment de nouveau à l’ordre du jour

Alors qu’il commençait a s’éloigner, le spectre de l’impeachment de la Présidente Dilma revient sur le devant de la scène avec la récente décision du TCU (Tribunal des Comptes de l’Union), qui concède 30 jours à la Présidente pour répondre personnellement aux questions du rapporteur Augusto Nardes sur la prestation des comptes du Gouvernement pour 2014.

Cette procédure sans précédent dans l’histoire républicaine a rendu appréhensif le gouvernement ta,dis que l’opposition exulte. Ce que les tucanos (le toucan est le symbole du PSDB, principal parti d’opposition NdT) recherchait, la base juridique pour une requête d’ouverture d’un procès pour impeachment, semble être en vue.

Les termes utilisés par le rapporteur, lors du vote approuvé par session plénière de la Cour, ne laissent aucun doute sur le fait que les comptes seront rejetés. Nardes a fait une liste de 13 failles (13, le numéro du PT NdT) dans la prestation des comptes, et qui devront être expliquées. Il a utilisé des adjectifs forts, en disant, entre autres, que l’on ne pouvait « jeter par la fenêtre ».la Loi de Responsabilité Fiscale.

Il a estimé à 110 milliards de reals (32 milliards d’euros) la différence entre la recette projetée et celle qui a réellement été obtenue l’année passée, sur lesquelles le gouvernement n’aurait pas ajusté ses dépenses et l’exécution de son budget.

Mais quelle est la relation directe et la distance juridique entre le rejet des comptes et l’impeachment ? es prudents articles parus sur le sujet n’ont pas encore examiné cette question.

En décidant que Dilma devra expliquer personnellement les irrégularités trouvées dans sa prestation de comptes, le TCU suggère que la Présidente est la seule et unique responsable. D’après un éminent avocat, qui préfère ne pas être identifié, avec lequel j’ai examiné la Constitution, ceci n’a rien de pacifique et doit être l’objet d’une grande bataille juridique.

L’Article 49, qui définit les compétences du Congrès, stipule dans son incise IX qu’il doit « juger chaque année les comptes présentés par le Président de la République et examiner les rapports sur l’exécution des plans du gouvernement ». L’Article 71 établit que le Contrôle Externe du Pouvoir Exécutif sera exercé par le Congrès avec l’assistance du TCU, qui pourra prendre une série de mesures dans ce sens.Parmi celles-ci « apprécier les comptes présentés chaque année par le Président de la République ». Ainsi, le Congrès, lui aussi, à un certain moment, jugera les comptes qui auront été « appréciés » par le TCU. Le Tribunal apprécie, et le Congrès juge. Mais l’incise qui suit ce même Article 71 établit que le Tribunal (des Comptes) « juge les comptes des administrateurs et autres responsables des sommes, biens et valeurs publiques de l’administration directe et indirecte (...) et les comptes de ceux qui ont provoqué des pertes, des détournements ou autre irrégularité qui aura pour résultat un préjudice pour le Trésor Public ». L’incise suivante dit que le TCU pourra punir ces responsables, y compris par des amendes compatibles avec les pertes occasionnées.

C’est ici que la question se pose : qui sont les « administrateurs et responsables » que le TCU peut juger et punir ? Les ministres concernés, des Finances et du Planning, ou la Présidente elle-même ? Notre consultant pense que seuls les Ministres peuvent être punis par le TCU, et que c’est au Congrès de juger l’ensemble de la prestation des comptes. Dans l’ambiance politique actuelle, on peut penser que le Congrès accueillera favorablement la recommandation de rejet des comptes du Gouvernement.

À aucun moment la Constitution établit textuellement ce qui peut arriver au Président qui verrait ses comptes rejetés. Mais l’Article 25, qui définit les crimes de responsabilité du Président de la République, fait la liste des « actes qui portent atteinte à la Constitution Fédérale et spécialement à l’existence de l’Union, au libre exercice des autres pouvoirs, au libre exercice des droits politiques, individuels et collectifs, à la sécurité interne du pays et (retenez bien) à la probité administrative et à la Loi budgétaire ».

Or, les problèmes signalés par le rapporteur du TCU concernent la Loi budgétaire, qui n’aurait pas été respectée. Si le Gouvernement ne convainc pas le TCU, et si le Congrès rejette la prestation des comptes, une brèche juridique peut s’ouvrir, par laquelle l’opposition ne manquera pas de s’engouffrer avec une proposition de procédure d’impeachment, ce que les tucanos cherchaient depuis si longtemps sans arriver à la trouver.

La proposition d’impeachment serait votée par la Chambre des Députés sous la direction de qui ? D’Eduardo Cunha, lui-même (membre du PMDB, ancienne base alliée du Gouvernement, dont nombre de membres ont fait sécession, dont Cunha, à chaque fois que cela l’arrange. Notons que Cunha souhaite se placer pour les présidentielles de 2018 NdT) Et si la proposition d’impeachment était approuvée, la Présidente serait éloignée de manière temporaire, et le jugement aurait lieu au Sénat, pouvant se terminer par l’impeachment. Sous la direction de qui ? De Renan Calheiros lui même (également membre du PMDB. Même remarque que pour Cunha, sauf peut-être quant à d’éventuelles ambitions présidentielles NdT)

Mais avant une éventuelle bataille politique, il y aura une bataille juridique. Tout l’effort du Gouvernement doit maintenant se concentrer pour convaincre le TCU que ses procédures n’ont enfreint ni la Loi budgétaire ni la Loi de Responsabilité Fiscale. Et cette défense doit être très consistante.

Il ne suffit pas au Défenseur Général de l’Union de dire que « ça a toujours été comme ça », en référence à ces rétropédalages fiscaux. Dilma devra renforcer son équipe technique et juridique pour donner des explications dans les trente jours. Il n’y a pas de temps à perdre.

Traduction et introduction par Lucien, pour Si le Brésil m’était traduit...

»» http://terezacruvinel.com/2015/06/18/decisao-tcu-reabre-agenda-impeachment/
URL de cet article 28841
   
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« La révolution espagnole fut la plus singulière des révolutions collectivistes du XXe siècle. C’est la seule révolution radicale et violente qui se soit produite dans un pays d’Europe de l’Ouest et la seule qui ait été, malgré l’hégémonie communiste croissante, véritablement pluraliste, animée par une multitude de forces, souvent concurrentes et hostiles. Incapable de s’opposer ouvertement à la révolution, la bourgeoisie s’adapta au nouveau régime dans l’espoir que le cours des événements (…)
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