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Haïti : Allons-nous exceller dans l’art de tout rater !

"Il nous faut constamment soulever les va-nu-pieds contre les gens à chaussures et mettre les gens à chaussures en état de s’entredéchirer les uns les autres, c’est la seule façon pour nous d’avoir une prédominance continue sur ce pays de nègres qui a conquis son indépendance par les armes. Ce qui est un mauvais exemple pour les 28 millions de noirs d’Amérique » [1]. Prédominance continue : rien à redire, jiskaprezan se zewo fot, 10/10, gras ak sousou lakay.

« Ronald Reagan désigna comme terroriste le gouvernement sandiniste du Nicaragua, quand les terroristes, c’était son Administration et cette "contra" qu’il finançait. J’étais au Nicaragua peu de temps avant qu’ils détruisent la révolution. Fonctionnait encore ce qui avait été atteint au niveau de l’éducation et de la santé, des choses qu’avait le peuple nicaraguayen pour la première fois de son histoire. […] Je ne suis pas anti-États-Unis, mais je suis avec le peuple de ce pays et non pas avec l’administration qui le gouverne. Durant toutes ces années de ma vie, j’ai pu voir comment les États-Unis foulaient aux pieds la liberté et la démocratie des autres pays, particulièrement les pauvres. […] Durant la célébration du Bicentenaire de la Déclaration des Droits de l’Homme -juillet 1989- j’ai pu voir jusqu’à quel point nous étions soumis aux États-Unis. L’Etat français n’invita pas plusieurs dignitaires, en particulier des Latinos-Américains. Comme par hasard c’était ces pays-là que Washington voulait annuler, détruire » [2].

« Les États-Unis peuvent bien redouter un Libéria à leurs portes, et agir, ou s’abstenir, en conséquence. C’est leur affaire. (Quelle indépendance !, c’est nous qui soulignons). Cette galère, ce guépier, ce bazar du bizarre, cette marmite du diable : peu de dividendes pour nous, si on s’y engage plus qu’à moitié, et pas grand-chose à perdre, si on s’en dégage une fois pour toutes » [3]. Men wi !…
« Dans une entrevue accordée au journaliste Tom Reeves en 2006, Pierre Gestion, dirigeant du Mouvement Haïtien pour le développement Rural (Jacmel), se vantait de sa connexion avec le Département d’Etat et avec Refuerzo de la Democracia, (programme de l’USAID) : « … ils nous entraînèrent et nous enseignèrent comment nous organiser, et nous avons organisé des groupes pour exiger que soit renversé le gouvernement corrompu d’Aristide ».

Le sénateur démocrate Christopher Dodd signale que l’USAID avait destiné 1.2 million de dollars pour équiper et entrainer les "rebelles" d’Haïti, (dont plus de 20,000 fusils M-16 et équipements militaires de haute technologie fournis par l’armée de la République Dominicaine voisine) »[4].

« Haïti a été l’objet d’une attention négative de la part du système international. Il s’agissait pour l’ONU de geler le pouvoir et de transformer les Haïtiens en prisonniers de leur propre île. […] Aujourd’hui, l’ONU applique aveuglément le chapitre 7 de sa charte, elle déploie ses troupes pour imposer son opération de paix. Il faut construire des routes, élever des barrages, participer à l’organisation de l’État, au système judiciaire. L’ONU dit qu’elle n’a pas de mandat pour cela. Son mandat, c’est de maintenir la paix du cimetière. On ne résout rien, on empire. On veut faire d’Haïti un pays capitaliste, une plateforme d’exportation pour le marché américain, c’est absurde. […] S’il existe une preuve de l’échec de l’aide internationale, c’est Haïti » [5].

« …l’aide humanitaire n’a pas pour objectif d’aider les hommes et les femmes dans la détresse, mais d’utiliser les drames humains pour servir les intérêts de ceux qui la manipulent. Ce sont ces mêmes qui ont détruit, à travers leurs programmes d’ajustement structurel, les services publics pour les remplacer par la charité des ONG humanitaires. L’aide humanitaire est subordonnée aux calculs et aux stratégies des puissances impérialistes notamment des États-Unis qui l’instrumentalisent cyniquement pour leurs seuls intérêts. L’humanitaire est une forme de corruption par des aumônes plus ou moins déguisés. Il sert à maintenir dans la dépendance les dominés pour mieux les asservir. Il est au service des classes dominantes. […] L’aide humanitaire est une forme de violence sociale invisible exercée sur les plus démunis qui doivent, de surcroît, se courber pour l’obtenir [6].

« En mai 1992, au cours d’un déjeuner organisé à la résidence d’un diplomate latino-américain, le chargé d’Affaires d’alors voulut connaître le véritable projet politique sur lequel s’appuieraient certains membres de l’élite haïtienne, les supporters-commanditaires radicaux du coup d’État sanglant de Cédras-Michel François, nous raconte Norluck Dorange qui ne nous a pas dit, lui, sous quel chapeau il était à ce déjeuner… L’un d’entre eux, -poursuit-il-, qui deviendra au cours des années 2000, président de la Chambre de Commerce et d’Industrie, résuma l’état d’âme des putchistes de l’heure : « le 16 décembre 1990, à cause de cet olibrius (ainsi qu’il qualifiait Aristide) nos rues commençaient par être occupées par des bandes de macaques. Un tel cirque menaçait de s’installer pour longtemps sous nos yeux. Heureusement qu’il y avait le général Cédras, le colonel François pour intervenir et faire cesser ce désordre en forçant ces macaques à remonter sur leurs arbres… ».
[…] …19 ans plus tard, Michel Martelly un supporter dynamique, radical et idéologique du coup d’État, est élu président d’Haïti. Ses salons à Péguyville deviennent le lieu de pélerinage où se relaient les mêmes acteurs qui tenaient des propos similaires, ou un peu plus nuancés, entre 1992 et 1994 aux diplomates locaux, aux émissaires internationaux (sic) », continue Norluck [7].

Très longue mise en contexte. Mais justifiée à notre avis.

Janvier 2012 : les voeux fusent de toutes parts. « Bonne année » à droite, « bonne année » à gauche. Nou tout nan manti, ni adwat ni agoch : Ane a pap "bò n", nou pa vle l bon toutbonvre, okipan an pa vle l bon. Martelly, Conille, Mayard, Lamothe, Paul etc, reviennent avec leurs rengaines. A ceux qui croient que ces répétitions révèlent la préoccupation première de ces lascars, rappelons ce mot de Chomsky : « la communication est à la démocratie ce que la violence est à la dictature ». Nous l’avons déjà écrit : nous vivons une époque obscure où nous faisons l’expérience de la dispersion, de la perte de nos valeurs. Et notre refus -assumé- de stopper cette dérive témoigne de notre propension à nous faire à ce "nouveau sens du tragique". Notre communauté internationale nous dit résilients. Notre élite dite intellectuelle (nos jakorepèt) répète ce refrain « ad nauseam ».

Nous avions suggéré un bilan. Nous comprenons qu’il ne puisse être fait… Et pour cause :

1 - Pa gen militan ankò

2 - Pa gen moun (cf. Diogène)

3 - Pa ka gen bilan : pa gen anyen ki fèt. Oubyen pou n pi klè, gen yon bilan men mèt li pa ka pibliye l. Kò m li tou kout, n ap rann yo sèvis pibliye l pou yo gratis ti cheri. Bilan : Zéro barré. Point final.

Kote PUCH (PIKA), PANRA, EA (AA) elt… ? Bon nombre des leurs se la coulent douce chez l’oncle Sam, en France, au Canada, oswa sou tèren an bò isit puisqu’ils ont choisi de faire carrière à vie dans l’opposition, faute de pouvoir assauter le fauteuil. Donc, si nous voulons avancer, pour avancer, jetons-les comme il se droit à la poubelle de l’Histoire.

Kote Legliz Katolik ? Mgr Kébreau, lors président de la CEH, a affiché la ligne demandant à Martelly de « mete pantalon Sweet Micky l sou li ». Aucun flou. Message codé, mais bien reçu et en cours d’exécution. L’un et l’autre ont rendez-vous avec l’histoire…

Bilan, avons-nous dit ? Où en sommes-nous donc en ce début d’année ? Sûrement pas en démocratie. N’est-il pas dit d’ailleurs que « … « le beau nom de démocratie est un « mot poubelle ». Il a autant de sens différents que ceux qui l’expriment. Étymologiquement, la démocratie est le « pouvoir du peuple », par opposition à « aristocratie », le « pouvoir d’un petit nombre »…Un nouvel absolutisme s’installe. Il a pour nom : « gouvernance ». Isabelle Stengers définit ainsi la gouvernance : « … elle traduit bien la destruction de ce qui impliquerait une responsabilité collective quant à l’avenir, c’est-à -dire la politique. Avec la gouvernance, il ne s’agit plus de politique, mais de gestion et d’abord de gestion d’une population qui ne doit pas se mêler de ce qui la regarde ». Ajoutons que la « gouvernance » concernait initialement la direction des entreprises qui, par définition, n’est pas démocratique, mais dictée par les seuls intérêts de leurs propriétaires. Si on reprend la définition de Stengers, le peuple est exclu de la gouvernance bien qu’il soit concerné au premier chef » [8].

En fait, nous ne sommes ni en démocratie ni tout à fait en dictature. Nous nageons dans une « adhocratie ». Et ce qu’il est important de noter, c’est que cette nouvelle réalité est acceptée sans colères, sans protestations virulentes ! Chaque fois qu’un fait -aussi révélateur soit-il- (retour de Jean-Claude Duvalier sur la scène politique et les multiples gestes provocateurs de ce dernier, le super-scandale Micky/Bélizaire, la banalisation du 16 décembre, du 7 février, de 2004…) se produit, sans trop « déranger » les jadis si bruyants « vigiles » de la démocratie , nous attendons le suivant… qui fera déborder le vase. Et quand, à un certain moment donné, la conjecture devient une norme, il est trop tard. Ayant laissé passer le moment de dire « NON ! » -un « non ! » positif, qui fasse sens, qui rime avec dignité, verticalité-, nous sommes devenus complices.

Dans la conjoncture actuelle, nous n’avons plus le loisir d’attendre pour… faire mieux la prochaine fois. Le temps presse, il est minuit moins deux. Mettons bruyamment fin au silence. Il faut une mobilisation de ceux qui en sont conscients, qui n’ont pas perdu leur âme et qui sont prêts à se battre pour reconquérir notre pays. Nous n’avons pas suivi le chemin de la victoire par le chemin de la Révolution. Peut-être n’en étions-nous pas capables ! Alors que les duvaliéristes martèlent qu’ils ont besoin d’une armée -(nous savons TOUS l’utilisation qu’ils en ont toujours faite)-, le peuple a besoin lui de son armée, a besoin de se muer en « armée de vie » pour construire et défendre sa démocratie. Pandan l ap chache mobilize yon bann ak yon pakèt Chalmay Peralt, Brisson, Numa, Volèl…, nou pap bliye gen pou pi piti 25 Konze nan Sena a, plis pase 90 nan Chanm Depite a, pifò pati politik yo boure ak Konze, Sektè Etidyan an enfeste, ONG lokal yo pouri nèt… Et que leur seule préoccupation est de brosser la bête dans le sens du poil. Jonathan Swift dit d’eux que « l’ambition souvent fait accepter les fonctions les plus basses ; c’est ainsi que l’on grimpe dans la même posture que l’on rampe ».

Pou ane 2012 la bon toutbonvre, fò k tout grenadye leve kanpe. La patri an danje !

Bonne année de COMBAT !

Yvon Pierre

Janvier 2012

Notes

[1] Déclaration sur Haïti de Franklin Delano Roosevelt 32ième président des États-Unis élu à 4 reprises du 6 mars 1933 au 12 avril 1945

[2] Extrait d’une entrevue réalisée le 28 octbre 2005 par le journalite Hernando Calvo Ospina avec feue Danielle Mitterand veuve de l’ex-président français François Mitterand et ex-présidente de l’association France-Libertés

[3] Extrait du rapport sur Haïti de Régis Debray au ministre des affaires étrangères Dominique de Villepin (janvier 2004). Rapport préparé autour de la célébration -projetée- du Bicentenaire de l’indépendance d’Haïti

[4] L’USAID dans la Caraïbes et en Amérique centrale (La Jornada). Article de José Steinsléger paru dans Le Grand Soir 22 novembre 2011

[5] Propos tenus par Ricardo Seitenfus qui a représenté l’ONU en Haïti de 2008 à 2011, dans une entrevue réalisée par Arnaud Robert. Source Le Grand Soir 22 novembre 2011

[6] Lhumanitaire au service du capital, Mohamed Belaali. Source Le Grand Soir 8 octobre 2010

[7] Sweet Micky ou les habits neufs du fascisme néo-macoute 28 septembre 2011

[8] Extrait de La démocratie en danger du philosophe Pierre Verhas 4 décembre 2011

source : Haiti-Progrès 18-24 janvier 2012 pages 4 et 5


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