Ahmed Zabana
Le Quotidien d’ Oran, mardi 30 octobre 2007.
Il y a quelques mois, s’éteignait Lucie Aubrac. Son nom est associé à la résistance française, à l’occupation allemande, moins aux combats qu’elle a menés après la chute du nazisme, combats qu’elle a menés jusqu’à son dernier souffle. Elle ne pouvait supporter quelque injustice que ce soit, quels qu’en soient l’auteur et la victime.
Plus encore, elle disait que les raisons qui l’avaient conduite à la Résistance et à la clandestinité restaient celles-là mêmes qui inspiraient sa lutte contre le sort fait aux exclus, contre les crimes de la colonisation, contre le racisme... Elle disait volontiers que « le verbe résister doit se conjuguer au présent ».
Guy Môquet, exécuté en 1941, n’a pas vécu les lendemains de la chute du nazisme. Pour autant, serait-il si hasardeux d’avancer qu’il aurait sans doute cheminé de conserve avec Lucie et Raymond Aubrac et les autres résistants qui ont lutté et luttent encore pour la fin de toutes les injustices, y compris quand leur propre pays y a une part ? Non, sans doute. Sans doute aurait-il reconnu comme un frère de combat Ahmed Zabana [1], militant de l’indépendance algérienne, premier résistant à mourir guillotiné en 1956, aux termes d’un simulacre de procès conduit par un tribunal colonial. Il aurait reconnu comme un frère celui qui déclarait, du fond de la sinistre prison Barberousse d’Alger : « Le savoir, c’est la vie la plus noble et l’ignorance, la plus longue mort ». Et comment n’aurait-il pas vu un écho de sa lettre émouvante dans cette dernière missive qu’adressa Ahmed Zabana à ses parents, à la veille de son exécution ?
Mes chers parents, ma chère mère, Je vous écris sans savoir si cette lettre sera la dernière et cela, Dieu seul le sait. Si je subis un malheur quel qu’il soit, ne désespérez pas de la miséricorde de Dieu car la mort pour la cause de Dieu est une vie qui n’a pas de fin, et la mort pour la patrie n’est qu’un devoir. Vous avez accompli votre devoir puisque vous avez sacrifié l’être le plus cher pour vous. Ne me pleurez pas et soyez fiers de moi.
Enfin, recevez les salutations d’un fils et d’un frère qui vous a toujours aimés et que vous avez toujours aimé. Ce sont peut-être là les plus belles salutations que vous recevez de ma part, à toi ma mère et à toi mon père ainsi qu’à Nora, El Houari, Halima, El Habib, Fatma, Kheïra, Salah, Dinya et à toi, mon cher frère Abdelkader ainsi qu’à tous ceux qui partageront votre peine.
Allah est Le Plus Grand et Il est seul à être équitable.
Votre fils et frère qui vous aime de tout son coeur. Hmida (Surnom affectueux d’Ahmed Zabana.)
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Saluer la mémoire de Guy Môquet est nécessaire, à condition de ne pas l’inscrire dans une histoire exclusivement nationale mais dans celle du combat sans cesse renouvelé de l’humanité tout entière contre l’injustice, dans sa tension vers un avenir de dignité, d’égalité et de fraternité.
– Source : Le Quotidien d’ Oran www.lequotidien-oran.com
– Photo : Algerie-monde.com www.algerie-monde.com