Au moins douze Palestiniens ont péri dimanche matin portant à 355 morts et quelque 2400 blessés le bilan depuis le début des bombardements israéliens le 8 juillet. Selon l’ONU, les civils représentent plus des trois-quarts des victimes et selon l’Unicef au moins 73 mineurs ont été tués. 2400 ont été blessés. 80% des victimes sont des civils. A Ghaza, 62.000 personnes ont été déplacées.70% des secteurs de Ghaza sont privés d’électricité et d’eau. Sans nourriture ayant tout perdu, les Ghazaouis, hommes, femmes, enfants, vieillards errent hébétés. À ces blessures corporelles s’ajoutent les plaies psychologiques dont on parle peu : plus de 25.000 enfants ont soit perdu un membre de leur famille, soit n’ont plus de maison ou de logement, détruit par l’offensive israélienne. Plus d’un millier d’habitations ont été détruites. Les Israéliens sont en train de bombarder tout ce qu’ils avaient déjà bombardé pendant la guerre de 2008-2009 et celle de 2012, c’est-à-dire tout ce qui avait été reconstruit. Côté israélien, deux soldats ont été tués tandis qu’un civil a été tué par une roquette Des milliers d’habitants de Ghaza fuyaient dimanche l’est de la ville de Ghaza, où de nombreux morts et blessés jonchaient les rues, après une nouvelle intensification de l’offensive israélienne au moins 27 morts ce dimanche matin dans la bande de Ghaza. des milliers de résidents fuyaient. Des journalistes de l’AFP ont vu de nombreux morts et blessés étendus dans les rues, et le porte-parole des services d’urgences palestiniens. Ce conflit, le plus sanglant depuis 2009 dans l’enclave palestinienne, est le quatrième entre le Hamas et Israël en moins d’une décennie. Il a fait plus de 370 morts côté palestinien en 13 jours.
Qui sont ces Palestiniens qui refusent de disparaître ?
Les Palestiniens sont 10 millions et connaissent une importante diaspora. Plus de 4 millions d’entre eux ont le statut de réfugiés, suite à l’exode palestinien de 1948 et à la guerre de 1967. 2,6 millions vivent en Jordanie, 1,2 million en Israël, 500.000 sur le continent américain, tandis que le reste est réparti dans le Monde arabe. Seuls 3,7 millions vivent dans les « territoires palestiniens » Une quarantaine de résolutions votées par le Conseil de sécurité et l’Assemblée des Nations unies n’ont jamais été appliquées Le scénario est le même. Israël provoque un incident puis prend prétexte Ainsi pour la dernière invasion en 2012. Tout a commencé le 14 novembre avec l’assassinat par un drone de Ahmed Jabari, chef de la sécurité du Hamas pourtant garant depuis 5 ans de la trêve Hamas-Israël. Le 17 novembre, d’après Haaretz, le ministre de l’Intérieur israélien Eli Yishai déclarait à propos de Ghaza : « The goal of the operation is to send Gaza back to the Middle Ages.. » (« Le but de cette opération est de renvoyer Ghaza au Moyen Âge. Alors seulement, nous serons tranquilles pour quarante ans. »). Il y eut un cessez-le-feu et les conditions n’ont pas été respectées par Israël. (1)
Le rôle complice de l’Egypte dans l’asphyxie de Ghaza
En fait, le malheur de Ghaza qui est véritablement une prison à ciel ouvert vient aussi de l’Egypte qui contrôle le poste de Rafah et qui démolit les rares tunnels creusés pour ravitailler Ghaza. Avec Moubarak un blindage en acier a été réalisé avec l’expertise de la France à 12 mètres de profondeur pour rendre étanche la frontière souterraine. Avec le maréchal Al Sissi, c’est pire, du fait qu’il en veut au Hamas d’obédience Frères musulmans. La journaliste Silvia Cattori a interviewé à ce propos un Palestinien in situ le 11 juillet : « Ce n’est pas le Hamas qui attaque les Israéliens ; il réagit contre les actions des Israéliens. Aujourd’hui le Hamas – et les Palestiniens de la bande de Ghaza – considèrent qu’ils n’ont plus rien à perdre. Ils sont bouclés par l’Egypte et par Israël. Ils ne peuvent aller nulle part, ils sont dans une prison. Plus de marchandises, plus de travail. L’arrivée de Sissi au pouvoir en Egypte a été le début du siège total de Ghaza. (...) Avant, les tunnels permettaient de briser le siège. Sissi a bouclé tous les tunnels qui restaient. Il n’y a ainsi plus aucune chance de trouver du travail à Ghaza. En Cisjordanie, depuis les accords passés avec le Hamas en 2012 lors de l’échange du soldat Shalit, Israël a remis en prison 80% des prisonniers palestiniens qu’ils avaient libérés. Ici à Ghaza, ils seront, ou bien assassinés, ou bien repris si l’armée israélienne pénètre à Ghaza. Ce sont les Israéliens qui ont commencé cette guerre et le Hamas n’avait pas d’autre choix que de riposter. J’espère qu’il garde ce pouvoir et qu’il obtienne ce qu’il veut, c’est-à-dire notre liberté, notre dignité. (...) A chaque guerre, nous avons dû payer le prix, mais toujours en espérant qu’un jour on arrivera à obtenir quelque chose. »
« Plus de la moitié des frappes sont des frappes aveugles. Les enfants sont très choqués. Beaucoup ont recommencé à faire pipi au lit. Ils sont terrorisés par le bruit des bombardements. Beaucoup de maisons où il n’y avait aucun militant ont été bombardées, tuant et blessant beaucoup de gens, tous civils. Et entre le soi-disant « avertissement » et la frappe, les habitants n’ont généralement pas le temps de se sauver. Les Israéliens ne veulent pas seulement détruire le Hamas. Ils veulent nous détruire sur le plan économique et humain. Mais leurs bombardements ont plutôt l’effet d’unir la population autour de la résistance et du Hamas. Les gens se disent : « au moins, on ne se laisse pas humilier sans réagir. » (2)
La préméditation du génocide
Norman Finkelstein donne son avis sur le marché de dupes, rappelant que chaque fois Israël manque à sa parole et que de plus, le gouvernement d’union nationale Hamas- Fatah a exaspéré Benyamin Netanyahu d’autant que les Occidentaux voulaient donner une chance à ce tandem y voyant une possibilité de rendre fréquentable le Hamas- à leurs yeux : « Le cessez-le-feu ne fait aucune mention du déchaînement d’Israël contre le Hamas en Cisjordanie. Ce projet de cessez-le-feu donne donc à Israël un feu vert pour continuer à arrêter des dirigeants du Hamas et à détruire des maisons en Cisjordanie, saccager des maisons, tuer des Palestiniens, etc., actions qui constituèrent le prélude du conflit actuel. Si on considère les termes de ce cessez-le-feu, on voit que c’est exactement les mêmes que celui qui a été proposé en juin 2008, et le même que celui qui a été signé en novembre 2012. A savoir que dans les deux cas, il avait été stipulé qu’il y aurait un atténuement du blocus illégal de Ghaza. Et dans les deux cas, après que le cessez-le-feu ait été signé, le blocus a été maintenu et même aggravé (...) Un gouvernement d’unité entre l’Autorité palestinienne et le Hamas était en train de se constituer. Netanyahu était fou de rage en voyant ce gouvernement d’unité et a demandé aux USA et à l’UE de couper leurs relations avec l’Autorité palestinienne. (...)En 2008-2009, nous avons vu qu’il y a eu 1400 morts Palestiniens, dont 1200 étaient des civils, et 600.000 tonnes de décombres. Ils n’ont tout simplement rien épargné à Ghaza. »(3).
S’agissant de la « provocation ». Le scénario est toujours le même : un prétexte et une application « La mort de trois adolescents israéliens écrit le professeur Michel Chossudovsky prétendument tués par le Hamas a servi de prétexte pour bombarder et pilonner Ghaza. L’opération « Bordure protectrice » (OBP) contre la bande de Ghaza n’est pas sans rappeler le tristement célèbre plan Dagan de 2001 intitulé « Opération Vengeance justifiée », dans lequel la mort d’innocents civils israéliens avait été envisagée et prévue par les stratèges militaires de Tsahal. Les décès devaient ensuite être utilisés pour susciter l’appui de l’opinion publique israélienne et justifier une opération de contre-terrorisme, « légitime » aux yeux de la communauté internationale, contre les territoires palestiniens occupés.(4)
Le plan Dagan (portant le nom du chef du Mossad Meir Dagan) a été conçu derrière des portes closes en juillet 2001 par Tsahal et le Mossad. Ses architectes avaient prévu qu’il soit « lancé immédiatement après le prochain attentat suicide causant de lourdes pertes, qu’il dure environ un mois et qu’il entraîne la mort de centaines d’Israéliens et de milliers de Palestiniens. »(4)
« L’opération « Bordure protectrice » contre la bande de Ghaza a été planifiée bien avant l’enlèvement et l’assassinat des trois adolescents israéliens. En outre, dans une logique similaire à celle du plan Dagan, le chef du renseignement israélien (Mossad) avait « prédit » l’enlèvement des trois adolescents. Dans un article terrifiant intitulé L’effrayante prophétie du chef du Mossad annonçant l’enlèvement (Mossad chiefs chillingly prescient kidnap prophecy), Haaretz confirme : « Le chef du Mossad Tamir Pardo avait décrit un scénario terriblement semblable à l’enlèvement des trois adolescents disparus en Cisjordanie »(Haaretz, 13 juillet 2014, c’est l’auteur qui souligne.)(4)
Qui a tué les trois Israéliens prétextes à l’invasion ?
C’est en fait le noeud de l’affaire et le Hamas semble être étranger à cela. Afin de justifier une action militaire contre la bande de Ghaza, on accuse, sans preuves, le Hamas d’avoir tué des civils israéliens. Le but ultime de l’opération « Bordure protectrice » est de briser la base institutionnelle du leadership du Hamas et de détruire l’infrastructure civile de la bande de Ghaza, dans le but de l’annexer tôt ou tard à Israël. En date du 13 juillet. » (4)
Le professeur Michel Chossudovsky ajoute : « Les reportages de la presse israélienne insinuent que les trois adolescents auraient été exécutés par l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL). Bien que l’EIIL soit une entité liée à Al Qaîda, financée par l’Arabie Saoudite et le Qatar, les représailles d’Israël pour la mort des adolescents visent Ghaza plutôt que l’Arabie Saoudite et les États du Golfe. Le rôle de soutien des États-Unis et d’Israël à l’entité liée à Al Qaîda ne se limite pas au domaine des opérations secrètes. L’armée israélienne (FDI) appuie l’entité djihadiste depuis le Golan occupé. Par ailleurs, la présence de forces spéciales occidentales et israéliennes dans les rangs des rebelles de l’EIIL est amplement documentée. (...) Un hôpital militaire de Tsahal dans le Golan occupé a été installé pour traiter les rebelles d’Al Qaîda blessés. (...) Ironie du sort, le même groupe djihadiste qui aurait enlevé et tué les trois adolescents est appuyé par l’armée israélienne dans le plateau du Golan occupé. (...) L’ancien employé de la (NSA) étasunienne, Edward Snowden, a révélé que les services de renseignement britannique, étasunien et israélien (Mossad) ont travaillé ensemble pour créer l’État islamique en Irak et en Syrie (EIIS).(4)
On comprend alors mieux l’information suivante. Le 20 juin, Israël a reçu le premier chargement de pétrole brut envoyé depuis le Kurdistan irakien. L’Etat Islamiste d’Irak et du Levant (EIIL) contrôle le nord du pays incluant la ville pétrolière de Kirkouk, dont l’oléoduc atteint le port turc de Ceylan. C’est une démonstration de la nouvelle situation politique de la région qui soulève beaucoup de questions sur la nouvelle configuration au Moyen-Orient.
Un autre témoignage : « Il n’y a pas la moindre ombre de preuve écrit Norman Finkielstein, pas le moindre indice qui indiquerait que le Hamas ait eu quoi que ce soit à voir avec les kidnappings et les meurtres. Personne ne connaît, ne serait-ce que le mobile de ce crime à ce jour. Même le département d’Etat américain, le 7 juillet, a déclaré : « Nous n’avons pas de preuves tangibles sur l’identité des responsables de cet acte. » (3)
Dans le même ordre de plan machiavélique, Fred Kaplan, rapporte la collusion Olmert-Abbas pour affaiblir Hamas et mettre en selle Abbas. « Dans un excellent article, écrit-il, publié en ligne sur le site du New Yorker, Bernard Avishai, journaliste chevronné et professeur de commerce à l’Université hébraïque de Jérusalem, évoque le moment où l’ancien Premier ministre israélien, Ehud Olmert, lui a confié « avoir lancé l’opération à Ghaza en 2008 en partie pour renforcer la position de Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne, avec qui il faisait progresser les négociations sur l’établissement de deux Etats. » La tactique n’avait pas fonctionné et elle ne fonctionnerait certainement pas davantage aujourd’hui étant donné l’absence totale de négociations de ce genre et même de toute perspective de négociation. » (5)
C’est un peu comme l’avait fait Golda Meir qui a « aidé à la victoire éphémère de Sadate » dans la guerre de 1973 sur les conseils avisés de Kissinger chantre de la politique des petits pas qui ont amené à la reddition définitive et en rase compagne de l’Egypte.
A sa façon, Jean Ortiz présente le vocabulaire du politiquement correct pour être dans les papiers d’Israël et des sionistes. Nous l’écoutons : « J’en ai assez que l’on accuse à tort et unilatéralement le gouvernement israélien. La sémantique le dément. Israël n’attaque pas, n’agresse pas, ne bombarde pas, ne viole pas le droit international, ne se fout pas de l’ONU, n’écrase pas les populations civiles de Ghaza. Face à l’ogre terroriste palestinien, qui dispose de l’arme nucléaire, le petit Poucet israélien se défend, réplique chirurgicalement, vise les « islamistes » repousse les barbares, contre-attaque, agit par légitime défense, répond au coup, par coup réagit contre l’agression, rend la pareille, assure sa sécurité, oppose le droit à ceux qui le bafouent, protège ses citoyens, garantit la paix, affronte les intolérants, se venge des tirs de roquettes, réfute la violence aveugle, gradue les ripostes s’arme pour respecter les résolutions de l’ONU, téléphone avant de tuer des enfants oeuvre à sa survie et à une solution pacifique au Moyen-Orient. Malheur à qui ne décode pas une sémantique instrumentalisée ! » (6)
Quelle conclusion peut-on en tirer ? En Occident, il n’y a que les peuples qui manifestent en criant stop au carnage. Mieux encore, la France qui a perdu son âme en s’alignant sans réserve sur Israël interdit la manifestation à Paris pour ne pas importer un conflit... Nous donnons la parole à Jean-Paul Chagnollaud, Pr des Universités à Paris et directeur de l’Institut des recherches et études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient : « L’offensive israélienne ne vise qu’à maintenir un million et demi de Palestiniens dans une situation d’enfermement. Les Américains et les Européens seront toujours du côté d’Israël. Quoi qu’il arrive... Je crois que nous sommes entrés dans une phase très choquante et très dangereuse En face, il y a Israël qui est une puissance occupante et dominatrice. Par son opération terrestre, elle a pour objectif de consolider le statu quo à Ghaza, c’est-à-dire maintenir près d’un million et demi d’habitants dans une situation d’enfermement. Elles ne veulent plus entendre parler d’un Etat palestinien. Ce qu’elles font, donc, c’est consolider leur position de domination. Israël gère le conflit et ne veut pas le régler par la racine. Les USA et les Européens refusent de prendre le problème par la racine, d’une part. En France, l’actuel pouvoir a une position très en recul par rapport à la position traditionnelle défendue par les gouvernements précédents. Qu’un gouvernement de gauche interdise des manifestations, cela est pour moi juste inconcevable. Et tout cela fait le jeu du Crif et d’extrémistes israéliens, à leur tête la Ligue des défenses juives. (7) Tout est dit.
Chems Eddine CHITOUR
22 juillet 2014