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Georges Ibrahim Abdallah : Une lettre de M. Gérard Spitzer (Article paru dans le journal le Monde da

Une lettre de M. Gérard Spitzer (Article paru dans le journal le Monde daté du 07.03.87)

Après la publication dans le Monde daté 1er-2 mars de l’article de Daniel Vernet intitulé "Un sursaut d’honneur" et relatif à la condamnation de Georges Ibrahim Abdallah, M. Gérard Spitzer, ancien FTP et ancien militant aux côtés du FLN algérien, nous a adressé une lettre dans laquelle il écrit notamment :

Il faut remonter à plus de cinquante ans pour retrouver en France un "consensus" aussi touchant que celui qui a accueilli la condamnation de Georges Ibrahim Abdallah à la réclusion criminelle à perpétuité.

Nous sommes encore quelques-uns, anciens "terroristes" de l’époque à nous rappeler les pleins pouvoirs à Pétain, votés par les parlementaires à une énorme majorité, les lois raciales, les juifs raflés par la police française pour être livrés aux camps d’extermination nazis, les communistes, les résistants traqués et condamnés indifféremment par les tribunaux militaires allemands ou les juges français siégeant en sections spéciales (...).

TOUS les magistrats professionnels, sauf un, M. Didier, ont prêté comme un seul homme le serment de fidélité à Pétain, c’est-à -dire par personne interposée à Hitler. Fidèles à ce serment, les magistrats des sections spéciales ont condamné les gaullistes, les communistes, les résistants, tous ceux qui s’opposaient d’une façon quelconque à l’ordre nouveau d’Hitler et de Vichy.

Cela n’a pas empêché un certain nombre d’entre eux de reprendre du service dans les tribunaux chargés de l’épuration après la victoire des alliés.

Pour ne pas perdre la main, les survivants et leurs successeurs ont condamné par milliers à de lourdes peines (y compris la mort) les Algériens qui luttaient contre l’ordre colonial et pour l’indépendance de leur pays, ainsi que les - trop rares - Français qui combattaient à leurs côtés.

Bien entendu, la "justice" fermait les yeux sur les "bavures" commises par d’illustres officiers supérieurs - jusqu’au jour où certains d’entre eux osèrent se dresser contre de Gaulle.

Dans l’affaire Georges Ibrahim Abdallah, l’un des chefs de la DST vient affirmer à la barre que l’accusé n’est pas le chef des FARL, autrement dit que rien ne permet de l’impliquer personnellement dans les faits qui lui sont reprochés. L’avocat général lui-même en arrive à demander, "la mort dans l’âme", que la cour s’en tienne à une peine de prison égale ou inférieure à dix ans - sachant qu’il ne dispose d’aucun argument pour prouver la "culpabilité" de Georges Ibrahim Abdallah.

Mais entre-temps le gouvernement américain s’est porté partie civile et, dans la France de 1987, ce sont les Etats-Unis d’Amérique qui jouent le rôle de puissance suzeraine, et non plus l’Allemagne hitlérienne comme en 1940-1944.

Lorsque les magistrats composant la cour d’assises spéciale chargée de juger Georges Ibrahim Abdallah - parce que le pouvoir n’a même pas osé confier ce procès à un jury ordinaire - décident de condamner l’accusé à la réclusion perpétuelle sans la moindre preuve, après soixante-dix minutes de délibérations, simplement parce qu’il s’est proclamé "combattant arabe", peut-on vraiment soutenir que "la justice est au-delà de la raison d’Etat ?".

Ne serait-il pas plus exact de constater que la raison de l’Etat américain, chef de file du monde libre, c’est-à -dire capitaliste, est au-delà de la justice ?

Au moment où le super-terroriste Reagan est en difficulté aux Etats-Unis pour avoir à la fois organisé un frafic d’armes à grande échelle alimentant des massacres en chaine, de Bagdad à Téhéran et à Managua, et cherché à sauver quelques otages américains afin d’améliorer son score dans les sondages, la cour d’assises spéciale de Paris corrige cette défaillance en proclamant le droit du plus fort.

En 1987 comme en 1940 et comme en 1960, le seul "sursaut d’honneur" possible viendra de ceux qui se placent en dehors du "consensus" des puissants de ce monde.

URL de cet article 8476
   
Bernard Klein. Les expressions qui ont fait l’histoire. Paris, E.J.L. 2008
Bernard GENSANE
Ce qu’il y a d’intéressant avec les phrases historiques, c’est que, souvent, elles n’ont pas été prononcées par les personnes à qui on en a attribué la paternité. Prenez la soutière (je sais, le mot "soutier" n’a pas de féminin, mais ça ira quand même) du capitalisme américain qui siège au gouvernement français, Christine Lagarde. Elle a effectivement, lors de la flambée du prix des carburants, conseillé au bon peuple d’utiliser le vélo plutôt que la voiture. Mais la reine Marie-Antoinette, (…)
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"L’un des grands arguments de la guerre israélienne de l’information consiste à demander pourquoi le monde entier s’émeut davantage du sort des Palestiniens que de celui des Tchétchènes ou des Algériens - insinuant par-là que la raison en serait un fonds incurable d’antisémitisme. Au-delà de ce qu’il y a d’odieux dans cette manière de nous ordonner de regarder ailleurs, on peut assez facilement répondre à cette question. On s’en émeut davantage (et ce n’est qu’un supplément d’indignation très relatif, d’ailleurs) parce que, avant que les Etats-Unis n’envahissent l’Irak, c’était le dernier conflit colonial de la planète - même si ce colonisateur-là a pour caractéristique particulière d’avoir sa métropole à un jet de pierre des territoires occupés -, et qu’il y a quelque chose d’insupportable dans le fait de voir des êtres humains subir encore l’arrogance coloniale. Parce que la Palestine est le front principal de cette guerre que l’Occident désoeuvré a choisi de déclarer au monde musulman pour ne pas s’ennuyer quand les Rouges n’ont plus voulu jouer. Parce que l’impunité dont jouit depuis des décennies l’occupant israélien, l’instrumentalisation du génocide pour oblitérer inexorablement les spoliations et les injustices subies par les Palestiniens, l’impression persistante qu’ils en sont victimes en tant qu’Arabes, nourrit un sentiment minant d’injustice."

Mona Chollet

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