La France a été mise sur le gril mardi à Genève par dix experts onusiens du Comité contre la torture, qui ont questionné ses représentants pêle-mêle sur la surpopulation carcérale, les droits des demandeurs d’asile ou les bavures policières. "Les difficultés qui persistent, dont nous avons conscience, ne font que renforcer notre volonté de poursuivre le combat exigeant contre la torture", a proclamé l’ambassadeur de France auprès des Nations unies Jean-Baptiste Mattei en présentant un rapport qui fait état d’"avancées substantielles" depuis 2005.
"La législation pénale est aujourd’hui orientée vers (...) une approche qui met en premier lieu la sécurité, la prévention, la lutte contre la criminalité", a regretté Essadira Belmir, juge marocaine qui siège au Comité. "On dirait que chaque fois qu’il y a un fait divers, on réglemente", a-t-elle ajouté, regrettant "une inflation législative où domine en fait l’aspect sécurité sur les droits de la personne". La surpopulation carcérale, avec un taux d’occupation des prisons de 110,9 %, et les suicides en prison ont été abordés, ainsi que l’usage du pistolet Taser par les forces de l’ordre ou la technique d’immobilisation dite du "décubitus ventral" qui a provoqué des décès lors d’arrestations. Un expert s’est aussi inquiété de la protection des droits des mineurs demandeurs d’asile, d’autres ont demandé des explications sur les possibilités de recours des requérants d’asile déboutés.
Les droits des suspects de terrorisme, trafic de drogue ou criminalité organisée pendant la garde à vue ont également été examinés à la loupe. Ceux-ci peuvent être détenus 72 heures sans rencontrer un avocat, contacter des proches ou voir un médecin indépendant, se sont inquiétés des experts. "La situation devient un peu opaque. Il n’y a pas de garanties. L’enregistrement vidéo est justement une garantie contre la torture alors pourquoi le rendre exceptionnel dans le cadre des interrogatoires de suspects de terrorisme ?" s’est interrogé l’expert italien Bruno Alessio. Les 16 membres de la délégation française doivent répondre mercredi aux questions posées par ces experts.