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Gazé comme un insecte ou le complexe du graffeur

(Expérience d’indignés manifestation contre les plans d’austérité : Pacte Europlus et gouvernance économique du 22 Juin 2011 Quartier européen Bruxelles Schuman)

Prologue

18 h 45 je publie mon dernier article du jour sur Poètes Indignés, je commence à avoir faim. J’avais passé une partie de la nuit et presque toute la journée à faire des recherches et c’est soudain que mon cerveau s’écrie : « Hé toc toc il est passé 18 h et nous sommes le 22 juin ». Notion du temps déphasé dû à ma nuit blanche, j’avais complètement oublié l’assemblée populaire et la manifestation contre les mesures d’austérité européenne qui doit se dérouler au rond-point Shuman, grand temple de l’Europe.

J’enfile ma veste sans prendre le temps ni de manger, ni d’éteindre mon PC et je fonce prendre le métro. Heureusement, il n’était pas trop tard. Jeunes et moins jeunes, enfants et curieux étaient là en cercle à écouter les revendications, les souhaits, les pensées de chacun. Pas mal de flyers distribués, de rencontres, de discussions, d’échanges d’email. Il n’y avait pas beaucoup de policiers et quelques rayons de soleil venaient réchauffer les visages.

Nous ne vivons pas chez les bisounours

Une heure plus tard, la foule décide de se rendre devant les portes de la communauté européenne afin de bien montrer son indignation face aux votes des euro-députés qui se dérouleront demain. Elles déambulent dans la ville en direction du lieu dit et crient quelques slogans bien choisis en passant au milieu des voitures et de leurs passagers aux regards interrogateurs.

La plupart des manifestants sont des personnes sensées qui ont envie de parler, d’échanger, de crier leur solitude face à cette société et qui ont même quelques propositions intéressantes. A côté de cela, il y a quelques (très très peu 1 %) d’individus, qui n’écoutent pas les assemblés, qui n’interviennent pas avec des propositions et/ou des solutions, mais qui ont uniquement envie de provoquer les policiers et les passants qui portent des costumes ou qui roulent dans de beaux véhicules. Comme me dirait un ami qui m’est cher « nous ne vivons pas chez les bisounours ».

Une jeune fille intervient et demande à un jeune qui s’acharne contre un automobiliste innocent de se calmer.

  « Arrête, c’est ce type d’image que tu veux transmettre aux gens, dans la presse, à la TV, tu crois que cela fera avancer les choses ? »

Au passage, je salue cette initiative ! Merci mademoiselle pour votre bon sens.

Dépucelé

Arrivé devant les bâtiments européens, les policiers réagissent au quart de tour exactement comme ce jeune révolté, ils n’écoutent pas et n’essayent pas de comprendre qu’ils sont face à des êtres humains tout comme eux, tout comme leurs familles, des citoyens qui revendiquent tout simplement la liberté de s’exprimer et de se réunir librement.
Quelques policiers lâchent les lacrymaux et pour Poètes indignés c’est un dépucelage, par chance je n’étais pas trop près et cela a servi à déboucher mon nez qui par le plus grand des hasards était encombré (note : ne pas essayer même si vous êtes enrhumé), pour d’autres par contre, larmes, douleurs et yeux exorbités étaient au menu. Certaines personnes entraînées malgré elles en première ligne prirent peur, la stupéfaction se lisait sur leurs visages. (Et oui même en Belgique, cela est possible).

Re-foule senti-mentale

Refoulés par la police, la foule s’installe sous les arcades et tiens une nouvelle assemblée populaire (une centaine de citoyens je pense). Les gens se lâchent, s’expriment, demandent à la police de venir discuter, mais bien entendu les forces de l’ordre restent sourds aux appels, ils entourent la populace, restent bien fixe et en rang, armé de leurs boucliers, de leurs bombes lacrymogènes et de leurs matraques, ils attendent les renforts ainsi que l’ordre d’évacuer femmes, hommes, enfants, jeunes et vieux. Au moins, c’est certain, il n’y a ni discrimination, ni différence, tout le monde mérite le panier à salade.

L’assemblée durera plusieurs heures et je dois bien avouer que plusieurs idées proposées par les citoyens étaient innovantes.

  Inscrire sur les billets de banque : « je suis indigné » pour le geste, de façon à ce que si nous sommes nombreux à suivre l’idée, l’argent circulent avec cette nouvelle mention qui peut être éveillera les consciences de certains.
  Profiter que les soldes arrivent pour monter de petits stands dans des endroits stratégiques et venir y déposer les vêtements que nous utilisons plus et les distribuer. Une sorte de friperie libre.
  Remonter des camps comme celui de flagey et du carré de Moscou.
  Travailler sur des projets que le capitalisme tente de nous faire oublier comme le partage par exemple, etc.

Foie gras ou grasse foi

Pendant un moment les discutions tournent autour de la police, c’est vrai qu’ils ont gazé un peu rapidement, qu’ils ont arrêté trois jeunes et qu’ils ont confisqué du matériel à certains citoyens, ce qui est abusé. De plus, la plupart des policiers portent des cagoules qui cachent leurs visages, ils ressemblent à des Ninjas.

Une jeune fille intervient pour demander que l’assemblée change de sujet.

  « Nous ne sommes pas là pour critiquer la police ou les insulter, nous sommes là pour parler de choses qui nous tiennent à coeur, trouver des solutions ou du moins en proposer. Ne croyez-vous pas que l’on s’écarte du sujet, que l’on se divise en partant sur ce chemin » ?

Grâce à cette intervention, les discutions repartent sur des sujets plus concrets, sur l’avenir du mouvement et sur les nouvelles lois européennes toutes belles, toute fraiche qu’on va nous faire ingurgiter de force comme des oies avant les fêtes. Mais ce n’est pas notre foie gras qu’ils désirent consommer et annihiler, c’est plutôt notre Foi en d’autres valeurs et aux mouvements d’indignés qui se propagent dans le monde.

Le complexe du graffeur

Au bout de quelques heures, les renforts arrivent et la police charge. Certains manifestants décident de bloquer la rue pour créer un embouteillage sur la place du Luxembourg en se disant qu’avec les restaurants et les nombreux passants qui les entourent, la police n’osera pas intervenir. Un Bus de la stib est bloqué par la foule et un policier en képis lève le bras et appuie sur sa bombe lacrymogene en faisant balancer son bras de gauche à droite comme s’il désodorisait ses toilettes.
Cette image du policier gazant des humains comme un agriculteur qui pulvérise des insecticides me restera dans la tête toute ma vie. C’était… Comment dire ? Comme si d’un coup nous n’étions plus des humains, mais des insectes nuisibles. A savoir que le bus était devant un passage que beaucoup de gens utilises, une femme enceinte, des personnes âgées ou des enfants auraient pu passer à ce moment, mais, peu importe, c’est le complexe du graffeur, ce besoin d’appuyer sur sa petite bombe à la peinture piquante et incolore sans la moindre notion artistique..

Chasse à court

La police continue à charger dans toutes les directions, la foule se divise et cours, le camion autopompe arrive et c’est le chaos.
Je décide de rentrer chez moi, je ne suis pas là pour me battre, mais pour participer, écouter,
échanger et prendre des contacts afin de réaliser des projets concrets, qui je l’espère feront avancer le mouvement. Je décide donc de prendre le chemin direction métro et là je vois une foule qui me dépasse et qui crient, ils arrivent. Je me retourne et effectivement, une horde de policiers se divisent en plusieurs unités et ne se contente pas de faire reculer ou dégager les gens, mais les poursuivent dans les rues.

Je me mets également à courir et je me dis « putain, je suis dans un film ».
Pendant ses quelques minutes d’adrénaline, j’ai réalisé ce que devait ressentir un lièvre dans une chasse à court et plus sérieusement j’ai eu une pensée pour ses peuples qui subissent
chaque jour l’envahisseur et la guerre tout en étant conscient que cela n’a évidemment rien de comparable.

La jeune fille et les loups

Au final, happy end je me retrouve avec une jeune fille qui soit dit en passant est super jolie, elle est perdue, seule et elle veut rentrer chez elle. Je décide de l’aider à se sortir de ce guêpier et en bon chevalier servant je l’escorte et la conduis jusqu’au métro. (A noter que je l’aurais aidé, même si elle n’était pas aussi belle).

Demain 23 Juin, jour des votes des Eurodéputés, une nouvelle manifestation est prévue à 11h00 au même endroit, à bon entendeur salut et bonne nuit…

Poètes Indignés

www.poetesindignes.wordpress.com

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