Le Courrier, jeudi 1er novembre 2007.
En Italie, l’espoir de voir une commission d’enquête parlementaire faire la lumière sur les événements qui ont ensanglanté les rues de Gênes, en juillet 2001, semble définitivement enterré.
Mardi soir, la majorité de centre gauche n’a pas réussi à s’entendre sur un projet de loi qui figurait pourtant à son programme électoral. C’est un nouveau coup de matraque sur le mouvement social, bien au-delà du contexte transalpin. Mais cet épisode constitue surtout une trahison des électeurs de la coalition emmenée par Romano Prodi.
Parfois plus caricaturalement qu’ailleurs, l’Italie a l’habitude de voir sa classe politique se comporter comme une caste quand le sujet dépasse les seuls enjeux partisans. Car une partie de la majorité actuelle a sans doute des choses à cacher. N’oublions pas que la gauche a tenu les rênes du pouvoir jusqu’en mai 2001, soit pendant une bonne partie des préparatifs liés au sommet des huit pays les plus industrialisés de la planète. N’oublions pas non plus qu’en mars 2001, une répression féroce s’est abattue sur les 50 000 personnes qui, à Naples, protestaient contre la tenue d’un forum international sur les technologies au service des gouvernements. A posteriori, la chasse à l’homme à laquelle s’étaient livrés la police et les carabiniers, jusqu’à l’intérieur des hôpitaux de la ville, avait des airs de répétition générale en vue de Gênes.
Hier, trois petits partis membres de la majorité - les démocrates-chrétiens du ministre de la Justice Mastella, les socialistes ainsi que les légalistes de l’ancien juge anticorruption Di Pietro - ont donc clairement fait capoter le projet de commission d’enquête. Pour eux, cette dernière n’aurait été qu’une instruction à charge contre les forces de l’ordre, alors que plusieurs procédures pénales sont en cours pour faire éclater la vérité. Les responsabilités politiques de l’écrasement militaro-policier de la contestation durant le G8 resteront donc une énigme. Le souvenir des blessures, des humiliations et des tortures infligées à des milliers de manifestants, dans la rue et au cours de leur détention, est jeté aux oubliettes.
Contrairement à ce que laissent entendre les fossoyeurs de la commission d’enquête, les procès qui se déroulent actuellement n’apporteront aucun éclairage nouveau sur les options politiques prises pendant ces trois jours où l’Etat de droit s’est mué en dictature sanguinaire. Tout au plus certaines fautes individuelles seront imputées à quelques membres des forces de l’ordre. Lesquels bénéficieront de la prescription avant que d’éventuelles condamnations ne deviennent définitives. En fin de compte, seuls 25 activistes accusés d’avoir « organisé le saccage et la dévastation » de la capitale ligurienne risquent de très lourdes peines de prison. Le mouvement social italien s’est donné rendez-vous le 17 novembre à Gênes pour montrer à la classe politique qu’il n’oubliera jamais. Et empêcher que l’histoire officielle du G8 de 2001 ne s’écrive avec le sang d’un jeune homme de vingt-trois ans, Carlo Giuliani, tombé sous les balles de l’Etat italien.
Olivier Chavaz
– Source : Le Courrier www.lecourrier.ch