Au centre de leurs revendications, ils luttent pour des augmentations salariales et le droit à se syndiquer. Les premiers mouvements de protestation avaient eu lieu en novembre 2012 à New York, mobilisant environ 200 grévistes. A l’époque, le licenciement d’un gréviste avait déjà provoqué la colère et poussé l’employeur à faire marche arrière. En juillet dernier, plus de 2000 travailleurs se sont mobilisés dans 7 villes, avant que la vague de protestation ne fasse tache d’huile et ne s’étende sur tout le territoire. Plusieurs restaurants ont été contraints à fermer ce jour-là, certains même faisant l’objet d’occupations par leurs salariés. Dans la rue, la population s’est montrée solidaire, rejoignant les cortèges de grévistes.
Alors que l’industrie de la restauration rapide réalise des centaines de milliards de profits chaque année, ses 2,5 à 3 millions d’employés ont des conditions de travail extrêmement précaires, avec un salaire minimum fédéral fixé depuis 2009 à 7,25 dollars de l’heure (5,70€), et des contrats le plus souvent à temps partiel, qui maintiennent la plupart des travailleurs en dessous du seuil de pauvreté et permettent au patronat de s’affranchir de la couverture sociale de ses salariés (obligatoire seulement au-delà de 28 heures de travail hebdomadaire). En termes de pouvoir d’achat, les salaires sont plus bas qu’il y a un demi-siècle.
Les chaînes de fast-food se défendent avec l’argument selon lequel il s’agit d’emplois d’appoint pour permettre aux jeunes de financer leurs études. Non seulement cela est de moins en moins vrai (les jeunes ne représentent aujourd’hui plus que 16% des employés du secteur, contre 25% il y a dix ans), mais qui plus est, ce prétexte ne pourra jamais justifier les salaires de misère. « Ils gagnent des millions avec notre travail, ils peuvent nous payer plus », s’exclamait une salariée de 20 ans, mère d’un enfant de 1 an, dont la rémunération hebdomadaire varie entre 70 et 150 dollars (entre 50 et 110€) dans un McDonald’s du Bronx. Comme elle, de nombreux travailleurs remettent en cause la flexibilisation des horaires, qui indexe leur rémunération sur le volume de clients, et réclament une augmentation du salaire minimum à 15 dollars de l’heure.
Certaines chaînes comme McDonald’s n’hésitent pas à se déresponsabiliser, arguant du fait que 80% de leurs restaurants sont des franchises ; une démonstration d’hypocrisie éhontée quand l’on sait que les rémunérations et les conditions de travail ne valent pas mieux dans les 20% qu’ils gèrent directement.
Par ailleurs, dans ce secteur très précaire de la restauration, la répression syndicale brutale rend difficile l’organisation des salariés, notamment du fait que bon nombre d’entre eux sont d’autant plus vulnérables que leurs contrats de travail sont temporaires et/ou qu’ils sont immigrés. Dans de nombreux restaurants, les chefs ont fait appel à leurs traditionnelles méthodes d’intimidation pour amoindrir la mobilisation. A Hartford, des salariés se sont vus proposer une augmentation journalière de 40 centimes la veille du mouvement de grève, ce qui ne les a pas empêchés de descendre dans la rue.
Alors qu’Obama et sa femme célébraient l’anniversaire de la mobilisation historique du 28 août 1963 pour les droits civils de la population noire, un secteur des franges les plus pauvres de la population noire et latino-américaine se préparait à mener la grève la plus importante que les fast-foods n’aient jamais connue, réclamant un meilleur salaire et le droit à se syndiquer. Ce concours de circonstances démontre la grande hypocrisie d’Obama lorsque celui-ci rend hommage à Martin Luther King et à sa phrase mythique « I have a dream », vantant les progrès réalisés vers l’égalité des populations, alors que la population noire et latino-américaine continue à souffrir de discriminations et à occuper les emplois les plus précaires. Les nombreuses mobilisations qui ont eu lieu contre l’assassinat en février 2012 du jeune Tayvon Martin des mains de la police montrent que l’oppression de la population noire est loin d’appartenir au passé.
D’ailleurs, la réaction d’Obama suite aux mobilisations a été de se dire « favorable » à un salaire minimum de 9 dollars, proposition bien en-deçà des revendications des salariés, et qui ne dit mot sur la flexibilisation et la précarité du travail. Aujourd’hui, à l’heure de la crise économique, la fameuse élocution « I have a dream » ne fait écho que pour les riches. Tout ce dont pouvaient rêver les milliardaires nord-américains comme les McDonald’s ou les Domino’s Pizza, c’est la brutale politique néolibérale qui a été menée ces dernières années. Avec le développement de la crise capitaliste, ils se sont ainsi attaqués à de larges couches de travailleurs et de façon particulière aux femmes travailleuses, généralisant les emplois précaires et les salaires de misère. Aux États-Unis, les deux tiers de la main d’œuvre embauchée dans la restauration rapide sont des femmes, qui perçoivent des salaires inférieurs à ceux des hommes, et qui subissent constamment des intimidations et des mauvais traitements. En plus de cela, la plupart de ces emplois précaires sont occupés par des afro-américains, des latinos ou des asiatiques.
Mais les mobilisations du mois dernier mettent un terme à l’idée reçue selon laquelle les travailleurs précaires ne pourraient pas se défendre, ou devraient s’organiser indépendamment des autres travailleurs ou en dehors de leur lieu de travail. Le cas des travailleurs des fast-foods des États-Unis n’est pas isolé : là-bas comme ici et partout dans le monde, le patronat et les banquiers continuent à s’enrichir du travail des exploités, tandis qu’ils tentent d’imposer à la classe travailleuse des conditions de vie misérables. Et avec l’approfondissement de la crise, nos conditions de travail ne risquent pas de s’améliorer. Aux États-Unis, il existe une catégorie de travailleurs encore plus précaires, les"tipped workers", main d’œuvre quasiment gratuite pour le patronat puisque payée au pourboire, avec un salaire minimum fixé à 2,13 dollars de l’heure et qui n’a pas évolué depuis 1991. Là-bas comme ici et partout dans le monde, ce type de contrats ultra-précaires qui condamnent les travailleurs à des situations de semi-esclavage risquent de devenir monnaie courante. C’est pourquoi la lutte des travailleurs de la restauration rapide aux États-Unis est une très bonne nouvelle. Là-bas comme ici, les mobilisations doivent parfois affronter des obstacles qui sont le reflet des conditions d’exploitation auxquelles les patrons ont réussi à soumettre les travailleurs après l’offensive libérale. Contrairement à ce que pensent beaucoup de ceux qui ont trop vite annoncé la mort du prolétariat au profit du « précariat », les travailleurs des fast-foods étasuniens nous montrent que c’est avec les bonnes et vieilles méthodes du mouvement ouvrier – la grève notamment – qu’ils peuvent se battre. C’est de l’unité de toutes les couches de la classe des travailleurs, jusqu’aux plus précaires - y compris les femmes, les jeunes, et les immigrés - qui peut surgir la force capable de reprendre l’offensive et de commencer à faire reculer les patrons du monde entier.
Vive la lutte des travailleurs des États-Unis contre la surexploitation capitaliste !
Contre la répression et la persécution, pour le droit à la représentation syndicale !
Non à la précarité au travail !
Unité des rangs de la classe ouvrière !
25/09/2013