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Faire entrer Pierre Brossolette au Panthéon, un affront à la mémoire de Jean Moulin

François Hollande est sous pression pour accepter la panthéonisation de Pierre Brossolette (1903-1944), ce héros de la Résistance qui s’est tué en se jetant par la fenêtre pour ne pas parler à la Gestapo.

Un comité de soutien, présidé par l’historienne Mona Ozouf, est apparemment convaincant. S’il en acceptait les arguments, le président de la République infligerait un nouvel affront à Jean Moulin (1899-1943), qui, à la fin de sa vie, a subi les assauts d’un Brossolette désobéissant au général De Gaulle. Il nierait son rôle déterminant dans la victoire de ce dernier contre le général Giraud (1879-1949), alors soutenu par Roosevelt et Churchill.

Les deux cercueils au Panthéon rendraient illisible l’histoire de cette dramatique période. Pour installer celui de Brossolette, il faudrait d’abord retirer celui de Moulin, en considérant a posteriori que "Max" n’aurait pas dû imposer l’unification de la Résistance intérieure sous sa houlette contre tous ceux qui la contestaient. La haine entre les deux hommes était si forte de leur vivant qu’il serait indécent de leur imposer une cohabitation post mortem. Faire entrer Brossolette au Panthéon, ce serait donner raison à tous ceux qui, depuis février 1943, n’ont pas accepté la nomination de Jean Moulin comme le seul représentant du général De Gaulle en France occupée. Et n’ont cessé de le salir, en le traitant notamment d’agent soviétique.

Engagé dans les Forces françaises libres fin 1941, le brillant intellectuel qu’est Brossolette devient, lui, un militant socialiste, puis un gaulliste inconditionnel, et a tôt fait de s’imposer comme une personnalité marquante de la France libre. Il se lie d’amitié avec le tout-puissant colonel Passy (1911-1998), le patron du BCRA (services secrets). Intransigeant et cassant, il n’hésite pas à bousculer le général De Gaulle sur sa façon de traiter les problèmes et les hommes.

S’il accepte au début le statut de "Rex"-Moulin, tout en le critiquant, à l’automne 1942, il intrigue pour devenir le pendant de Jean Moulin pour la zone nord, soit le "délégué spécial en zone occupée". Passy réussit à faire accepter le projet au général De Gaulle dans le cadre de la mission "Brumaire" (unifier les mouvements de résistance de la zone occupée). Au lieu d’attendre l’arrivée de Moulin et du général Delestraint (1879-1945), le patron de l’Armée secrète, concernés par la mission "Brumaire", Brossolette quitte précipitamment Londres. "Il est (...) permis de penser que la perspective d’avoir les mains libres en l’absence de Jean Moulin n’a pas été étrangère à cette rapidité", écrit l’historien Henri Noguères.

L’arrivée de Moulin à Londres anéantit les espoirs de Brossolette. Il reçoit d’abord la croix de la Libération des mains du général De Gaulle. Lequel signe, le 21 février, de nouvelles instructions qui contredisent de facto la mission "Brumaire". Celles-ci créent le Conseil de la Résistance (CR) et font de Moulin le seul représentant du Général pour l’ensemble du territoire. Moins d’un mois après la rencontre d’Anfa (Casablanca, Maroc), en janvier 1943, entre De Gaulle et Giraud, sous le patronage de Roosevelt, le général s’est laissé convaincre par Moulin à propos de l’intégration des anciens partis dans un organisme qui le reconnaît pour chef. Ce qui constitue un atout déterminant dans le combat qu’il mène contre Giraud et Roosevelt.

Contrairement à Giraud, il pourra alors se présenter au nom de la France, et non pas seulement au nom des mouvements de résistance, dont l’importance est difficilement mesurable pour les Alliés. Le CR va ainsi devenir "la pierre angulaire de l’entreprise gaulliste de conquête de la légitimité démocratique". Moulin a gagné contre Passy, Brossolette et tous ceux, nombreux, qui se battaient contre le retour des anciens partis. C’est qu’il a tout simplement offert au général De Gaulle les moyens de prendre le pouvoir.

Ces nouvelles instructions ne règlent pas pour autant tous les problèmes sur le terrain. Avec une extraordinaire fébrilité, les deux patrons du BCRA semblent vouloir casser ce que Moulin a proposé et que De Gaulle a entériné dans ses instructions du 21 février.

Les adversaires, ou les ennemis, se rencontrent le 1er avril, au bois de Boulogne, puis le 2, dans un appartement de l’avenue des Ternes, à Paris. Leur altercation, en présence de témoins, dont Passy, vont être d’une violence inouïe. Lors de la seconde rencontre, Moulin se met à hurler : "Je vois clair dans votre jeu ! Vous n’avez jamais cessé de me contrer. Vous avez essayé d’empêcher le général De Gaulle de me confier la représentation en zone nord, car vous la vouliez pour vous-même. C’est vous, et non moi, l’ambitieux ! Mais j’ai triomphé, car je reviens de Londres, où j’ai été secrètement nommé membre du Comité national."

Passy essaie en vain d’intervenir pour calmer la discussion, car des Allemands habitent l’immeuble. Au moment où Moulin ne se maîtrise plus, il se retourne, baisse son pantalon et exhibe son cul à Brossolette en s’écriant : "Voilà comment je vous considère !"

Rentrés à Londres, Passy et Brossolette continuent leur travail de sape. L’ancien résistant Claude Bouchinet-Serreules (1912-2000) écrit dans son journal, à la date du 19 avril 1943 : "A l’entendre, Moulin ne vaut pas un clou. C’est un homme de la zone non occupée (aux yeux de Brossolette, c’est tout dire...) qui pendant un an a manoeuvré, plus ou moins bien, avec les mouvements de la ZNO, et puis c’est tout."

Moulin a donc contre lui le BCRA et les principaux chefs qui contrôlent la Résistance intérieure. Six semaines avant son arrestation à Caluire, Moulin décide de se confier au général De Gaulle, car il se sent traqué. Sans attendre la première réunion du CR, et au risque de mettre en difficulté Moulin, Londres diffuse l’information sur l’existence de ce conseil.

Le 27 mai 1943 se tient, rue du Four, la première réunion du Conseil national de la Résistance. Moins d’un mois plus tard, Moulin est trahi à Caluire. Quant à Brossolette, il fait tout pour prendre la succession de Moulin et détruire son oeuvre. Son étoile pâlit. Mi-novembre, il est rappelé à Londres et arrêté par la Gestapo. Pour ne pas parler, il saute par la fenêtre.

Pierre Péan est l’auteur de Vies et morts de Jean Moulin, réédition Pluriel, 800 pages, 12 euros.

5 juin 2015

»» http://www.comite-valmy.org/spip.php++cs_INTERRO++article3798
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